No no no no. Je ne réduis pas les problèmes de la jeunesse à ce que l’économie peut donner. En mai 68 il y avait, entre autre avec les ouvriers, des étudiants et un formidable vivier de contestation. Bon malheureusement cela a fait le pire comme le meilleur…Or les jeunes, malgré la période des trente glorieures ne disaient-ils pas “nous sommes le pouvoir” ou ” je ne veux pas perdre ma vie à la gagner” ? A l’inverse on trouve chez les jeunes étrangers en moins bonne situation économique aussi bien des formes de souffrance que des formes d’optimisme. Bref je ne dis pas du tout que l’économie serait une espèce de super structure qui conditionnerait entièrement les structures mentales de la jeunesse. Elle forme une partie mais bon c’est pas tout.
Comme tu le disais plus haut, la jeunesse, l’adolescence est une période particulière où il y a une forme de souffrance psychologique et parfois physique qui est indéniable. Apparemment tu as pensé que je possède une solution…Bah franchement je n’en vois pas de sérieusement crédible. Enfin si (mais je la qualiefierais pas de crédible)mais c’est ma recette perso. Si on veut faire en sorte à ce que les jeunes s’intéressent au monde, il faut d’abord commencer par écouter ce qu’ils en ont à dire. Ca me semble élémentaire. Bon ça peut être aussi bien argumenté que fouilli et confus. Mais bon ça c’est inhérent à la prise de parole…Et puis il paraît qu’il y a des gens qui n’ont rien à dire…C’est très contestable et quand on interroge les gens sur le fait qu’ils pensent qu’ils n’ont rien à dire ça parle déjà plus. Bref si on veut sensibiliser des têtes brûlées à un esprit critique il faut déjà commencer par admettre qu’ils ont déjà un esprit critique et voir dans quelle direction ils pensent eux-mêmes qu’il faille le diriger. Bref, on n’écoute pas assez ce que les jeunes ont à dire. Quand ils gueulent contre le CPE on dit qu’ils sont manipulés ou archaïques, quand ils brûlent des voitures ou des écoles on pense qu’ils sont sauvages essentiellement par leur ethnie.
Des cours de sémiologie pour décrypter la publicité ? Ha ha ha c’est une bonne idée mais faire découvrir Roland Barthes doit déjà certainement se faire. Et puis je suis assez sceptique sur les résultats probants que cela engagerait : la publicité incite à consommer ou à donner de la valeur et une consistance à un présupposé besoin non ? Tous ici, nous savons que la publicité tend à “manipuler” la pyschologie. On s’en prémunit sans doute mais quel impact réel peut-il y avoir à cette auto-protection ? Le problème que j’ai avec ces excellentes intentions c’est qu’elles donnent crédit au pire cynisme qui consiste à penser : “oui les choses sont comme ça, la sémiologie, la psychanalyse l’ont démontré” Et au fond on ne tire aucune conséquence.
Attention je suis pas là pour dire que ça sert à rien. Bien au cointraire. C’est une idée très belle mais qui ne m’empêche pas d’être sceptique. Noam Chomsky a plusieurs fois répété que si on avait un vrai système d’éducation on y enseignerait les règles élémentaires pour se défendre contre la propagande : la logique par exemple (histoire d’éviter des syllogismes, sophismes etc). Je suis tout à fait d’accord avec lui mais la question est: si on a une génération prémunie contre les excès de la publicité ou les appels du pied à la consommation comment va réagir le “système” ? Ne base-t-on pas essentiellement la publicité sur la jeunesse ? S’ils savent qu’on cherche à les manipuler ou à créer un besoin artificiel chez eux, quelle sera la réaction ? La résolution cynique ou la résolution subversive ? Sans doute les deux. Et au final est-ce que cela a réellement changé quelque chose ? J’en suis pas sûr, mais à la rigueur c’est déjà ça et si ça peut disposer des jeunes à faire des collectifs anti-pub c’est à prendre.
Je soulève juste un paradoxe. Les jeunes ont une certaine disposition à envoyer balader les leçons de morale ou de bon sens et il faudrait leur enseigner la morale ou l’esprit critique ? Alors d’un côté on voit la jeunesse comme une population dangereuse (les gouvernements ne cherchent-ils pas à éviter les problèmes avec leur jeunesse, si on peut classer sous un “leur jeunesse” une population très hétérogène) qu’il faudrait calmer et de l’autre lui enseigner l’esprit critique pour se prémunir contre la publicité ou la corruption linguistique ? Bon moi perso je suis pour la seconde solution (c’est mon côté “un petit peu de bordel c’est toujours agréable à voir ou entendre”) mais je trouve le paradoxe amusant.
Quant à la philosophie ou la religion pour trouver du sens…Hum…si je te comprends bien (corrige moi si je me trompe) il faudrait les convoquer pour trouver du sens. C’est Lord Yupa qui a parlé d’anomie non ? Donc vous présupposez qu’il y aurait une perte de sens. A ce moment là la philosophie ou la religion servent autant à trouver du sens, qu’à en créer. Et sur les conséquences de la deuxième implication je préfère rester prudent. Bouveresse a justement écrit un ouvrage s”intitulant “Peut-on ne pas croire ?” . Je l’ai pas encore lu, il faudrait d’ailleurs. Mais sur le retour de la religion…je suis pas sûr que cela soit vraiment indispensable, loin de là. Il faudrait que je retrouve une excellente phrase de Robert Musil à ce sujet, ça m’avait beaucoup plu.
Le retour à des formes de croyances spirituelles est très dangereux (regardez la lutte qui se mène aux Etats-Unis sur l’évolutionnisme) parce que justement spirituelles. Il y a des traditions chrétiennes de gauche mais aussi une tradition chrétienne de droite conservatrice au plus haut point. Je ne sais que trop bien à quelle bêtise les épris de religion sont capables de s’en remettre. Et je passe tous les paradoxes où le dimanche on se serre la main après le ” dans la charité du Christ donnons-nous la paix” ou alors “aidons-nous les uns les autres” et on dit au repas du midi que les arabes, les africains & cie foutent le bordel en France. Je sais très bien de quoi je parle quand jévoque la religion. Les paradoxes de la croyance me sont devenus bien trop insupportables pour y accorder un crédit suffisant pour lui donner la place que certains lui lègueraient. (D’ailleurs, si j’en crois Bakchich Info, Sarkozy ne voit pas d’un mauvais oeil l’introduction du catéchisme à l’école). Il y a des belles leçons dans la Bible (je crois que mon “épisode préféré” restera à jamais la femme qui pratique l’adultère) mais après l’effort historique terrible qui a été mené pour atténuer les menaces d’obscurantisme religieux je regarde ça un peu en retrait.
Mais alors que faire ? Ha ha ha ! Un jour un très bon pote m’a dit :” L*** laisse les dieux là où ils sont ! ” J’ai trouvé ça très pertinent et en même temps ça rejoint ce qu’on m’a déjà dit sur la banquise (je crois que c’est Lord Yupa) sur le fait que critiquer, critiquer ne donne pas de solutions. Je n’ai jamais pensé ça et je le penserais pas. Simplement je fais une différence notoire entre la réformette qui a tout pour elle (aspect noble, subventions de l’Etat etc) et le vrai changement qui permet à certaines populations ou à certains secteurs économiques d’émerger. On invite des jeunes de ZEP à Sciences-po Paris ? Woaaa la presse s’agite, on crie à la belle initiative. Et ça change quoi à la distribution générale des chances de réussite ? . On sait depuis très longtemps qu’il y a une forte inégalité de chances à la réussite scolaire. Qu’est-ce qui a changé en plus de quarante ans ? Une inflation des diplômes, la mutation ou le renforcement des formes d’échecs scolaires. Regardez la formidable idée présentée : ” Bon on supprime des postes dans l’Education Nationale mais on compte sur elle pour faire sortir les gens de leur condition”.
Sur l’écologie c’est à peu près la même chose. Le Grenelle de l’environnement ? Qui ouvre les paris que dans 4 ans, Nicolas Hulot affirmera que rien ou trop peu a été fait ? Bref la critique ne conduit pas à l’immobilisme. Mais c’est pas parce que une décision politique nous touche qu’il faut dire “ah enfin”. A mon sens, le vrai esprit critique ne s’éteint jamais y compris, et je dirais même surtout, avec les idées ou les tendances qui nous sont sympathiques.
Mais alors que faire ? Je l’ai déjà dit plus haut. Selon moi, avec la jeunesse, la meilleure chose à faire est encore de l’écouter et d’être à sa hauteur. Un prof de philo devrait consacrer au moins 1h de son enseignement à demander aux jeunes quels thèmes qu’ils aimeraient aborder dans l’année. De même pour un prof de SES. On a ici et là quelques débats d’éducation civique, mais ils sont imposés. Et je suis persuadé que les jeunes ont envie d’aborder des thèmes de discussion majeurs. La prise de parole en public est diificile mais bon je n’ai jamais pensé que la tâche était insurmontable surtout si elle est faite en petits groupes. Pour moi, un cours de parole collective où on déciderait de quoi parler avec un prof compétent qui saurait guider la proportion d’élèves curieux vers ce qui lui semble approprié à leur égard est déjà un bon point. C’est qu’une idée, peut-être aussi illusoire (j’aurais dû demander aux lycéens sous mon commandement !) mais ça me semble plus parlant que la morale…N’oubliez pas aussi qu’un bon prof peut-être un super stimulant.
Bref, on tape sur la jeunesse depuis des siècles et je ne crois pas qu’une ultime idée novatrice changera à cet état de fait. Si j’étais éducateur, j’engagerais les jeunes à ne rien déléguer ou à en déléguer le moins possible à ceux qui parlent et pensent à leur place.
Le mieux à faire c’est de demander aux “teens” s’ils veulent réellement quelque chose et ça ressemblerait à quoi ? Moi je vous le demande banquisard teenagers ! Et j’attends des réponses ! (si je lis “rien de spécial, qu’on nous foutte la paix, je vous gratifie déjà !)
ps : j’allais encore oublier les liens. Ceux-ci n’expliquent pas tout (ce n’est pas leur vocation) mais éclairent sur bon nombre points. Il y a aussi des études américaines mais j’ai pas trouvé de liens
http://www.freinet.org/icem/dept/idem83/AJUDA/LIV01.HTM
http://www.asso-etud.unige.ch/adese/Cours%…icheLECTURE.DOC
celui là en plus, je fais de la pub à mon ancien prof ! http://socio.ens-lsh.fr/cours/methodes/met…_dos_santos.php
Edité par Owa le 27-02-2008 à 17:25