Vous croyez avoir vu Oz Vessalius ou Alois Trancy sur cette couverture ? Détrompez-vous car ce topic ne parlera ni de Pandora Hearts, ni de Kuroshitsuji (enfin, à priori 😃) mais d'un manga sur lequel, bien qu'il ne paye pas de mine, je me précipite à chaque sortie : Devils and Realist.
C’est l’un des premiers titres (le premier ?) édité par Tonkam dans la collection Shônen Girl, apparemment toujours aussi compliquée à classer pour les libraires.
Comme le nom l’indique, il s’agit donc d’un shônen avec des combats, mais mâtiné de sentiments (shôjo) et de touches shônen-ai. Un cocktail ma foi fort efficace qui garantit un récit prenant mais aussi une psychologie plus poussée et, pour certains personnages ou situations, un subtext croustillant !
L’histoire est celle d’un jeune noble anglais, William Twinning, qui malgré son nom admet sans mal qu’il ne s’intéresse guère au thé. Son rêve est de briller en études et d’intégrer la sublime université d’Oxbridge, puis de poursuivre une carrière en politique et s’illustrer dans les plus hautes fonctions de l’état. William aime volontiers vanter sa haute intelligence de façon très drôle, et souhaite porter aux nues le nom illustre de sa famille. Problème : son oncle, seul parent qu’il lui reste, met les voiles et le laisse aux prises avec les huissiers, criblé de dettes et incapable de payer l’école comme sa pitance du lendemain !
Une situation inextricable qui ne pourrait décemment s’empirer plus, mais c’était sans compter sur l’intervention de l’occulte. Car soudain, des démons surgissent et le supplient de les choisir à la présidence de l’Enfer. William apprend, incrédule et hermétique, qu’il serait en effet descendant d’un grand personnage et seul habilité à désigner un successeur à Lucifer, nouvellement entré en hibernation…
L’argument numéro 1 de ce manga c’est son humour, porté par son excellent héros. Celui-ci ne doute jamais de lui et de sa culture, ni de son esprit “surdoué”. Ses réactions logiques et scientifiques face à l’inexplicable qu’incarnent les démons sont souvent très décalées et franchement désopilantes. Le premier tome est particulièrement comique puisqu’il choisit de ne pas croire en leur existence, et ne cesse de se demander ce que lui veulent ces cosplayers louches, potentiellement terroristes de l’IRA. L’ersatz de Sebastian Michaelis, le duc Dandelion, se prend régulièrement des vents avec ses histoires abracadabrantes d’Enfer et de services qu’il propose contre son élection ; cette mini-revanche sur les manga de majordomes et de démons est très amusante à voir, tout en gardant avec ce genre un lien étroit et assumé.
Comme on pouvait s’en douter, un esprit purement cartésien ne peut cependant nier l’évidence surnaturelle sur toute la série. Mais, même plongé au cœur de l’improbable, William garde son côté très terre à terre et sa manière de raisonner qui n’appartiennent qu’à lui. Un tel personnage (il est le “Realist” de l’histoire) contrebalance avec beaucoup de bonheur le côté fantastique. Le résultat est très drôle, agréable à lire et rafraîchissant !
Après l’excellent tome 1, le 2 se cherche car le concept demande à être renouvelé. Par chance, c’est chose faite à partir du 3 et surtout du très bon tome 4, qui semble donner au titre son rythme de croisière. C’est un volume étonnant où l’on découvre bien davantage le fonctionnement de l’Enfer, mais aussi la parenté des démons avec les anges ou encore comment se passe la naissance des Nephilims. L’accent seulement comique des premiers tomes prend une dimension plus complexe, on entrevoit les futurs conflits d'intérêt se dessiner entre les différentes factions. Le chapitre consacré à Gilles de Rais est inattendu et vraiment très bon : son ton dramatique tranche avec le reste du récit et propose une lecture originale de la vie de ce personnage historique lié à Jeanne d’Arc.
Maintenant que les Anges sont entrés dans l’arène et que l’on connait mieux les souverains des Enfers, on se demande comment William va se dépatouiller de tout ce bestiaire encombrant, lui qui n’aspire pourtant qu’à récolter des A et être major de promotion.
Côté graphismes, ils sont soignés et le découpage dynamique. Seul point faible du premier volume, le dessin des combats gagne en clarté par la suite. La galerie de personnages est bien trouvée et drôle avec certains rôles charismatiques (Dandelion, la femme forte Astaroth…) et d’autres aussi virils que Sissi Impératrice 😂 (Gilles, Sitri…). Bien sûr, il ne faut pas oublier toute la populace à tête ou corps improbable (le bouc et le mouton étant finalement les plus basiques) qui peuplent les Enfers … Autant dire qu’il y a là à boire et à manger !
Qui notre héros choisira-t-il pour remplacer Lucifer ? Qui l’emportera dans les luttes de pouvoir qui s’annoncent ? Quel rôle tiendront les redoutables Anges s’ils continuent à se mêler de tout cela ? La balance de William penchera-t-elle pour Dandelion ou pour Kevin ? Et surtout, le plus important, pourra-t-il enfin avoir la paix, entrer à Oxbridge et retrouver fortune et gloire ?
Affaire à suivre ! 😃