Cet album (par ailleurs très bon) fait partie de la bonne tranche de la série, à l'époque où Peyo savait utiliser ses personnages au travers de thèmes matures comme la dictature, le rejet de l'autre, le désastre qu'amène l'argent, le problème linguistique wallon/flamand et cette critique des expéditions spatiales alors très à la mode.
Néanmoins, cet aspect a été très peu exploité et les schtroumpfs restent, à mon avis, une série simplement distrayante. Et comme je l'ai dis plus haut, depuis une trentaine d'années, la série ne fait que sombrer dans les abysses avec des scénarios poussifs qui se contentent de viser le très jeune public. ''Le Schtroumpf Financier'' a été une exception.
C'était une série très ambitieuse qui aurait gagné à poursuivre dans cette voie critique à travers l'univers soi-disant joyeux et pur des schtroumpfs. Mais à partir du tome 10 (et déjà avant sur certains albums), cet aspect est superficiellement traité (cela reste mon opinion, je ne cherche pas à l'imposer).
A mon avis, le meilleur album reste ''Le Schtroumpfissime'' par sa caricature électorale et le régime tyrannique mis en place (un peu comme pour Hitler en son temps). La phrase de fin ''Vous vous êtes comporté comme des humains'' résume parfaitement tout l'album.
Pour Tintin : je trouve que c'est une excellente série mais qui a beaucoup vieilli (certes moins qu'une série comme Rick Hochet par exemple). Le héros est d'un classicisme tout au long de la série et vraiment creux. Ce n'est à mon avis pas lui qui fait la série mais bien tout l'univers et les personnages qui gravitent autour de Tintin. Cet aspect du héros auquel chaque lecteur peut s'identifier était une idée typique de l'époque. On le rencontre encore de temps à autre dans certains shôjos mièvres où l'héroïne est une cruche pour que la lectrice/téléspectatrice remarque que même les héroïnes de BD/DA sont imparfaites et qu'elles puissent s'y identifier.
Certes, Hergé a inventé la ligne claire mais cela reste avant tout un prolongement de l'héritage de Benjamin Rabier et autres caricaturistes qui avaient un syle très enfantin tout en caricaturant exprès leurs personnages. Tintin est d'ailleurs inspiré d'un autre Tintin (Martin en fait) crée trente ans auparavant par ce même Rabier.
Voilà deux images de cet album pour enfants paru en 1897.
Néanmoins, on ne peut pas nier qu'au niveau de la construction d'une BD franco-belge classique, Hergé reste le chef de file. Après qu'on lui ait ouvert les yeux sur les faiblesses réalistes de ses premiers albums, il a été l'un des premiers à prôner une importante documentation et a redessiné beaucoup d'albums paru avant guerre pour les actualiser dans le contexte des années soixante. J'ai pu comparer et la différence est quand même bluffante. Cependant, l'univers s'apparente clairement à une cible très jeune. Les scénarios touchent à tout mais restent dans la logique de l'époque avec des thèmes basiques (années 30 : le colonialisme, années 40 : le conflit mondial ou conflits politiques neutres, années 50 : la guerre froide, années 60 : les possibles rencontres avec extraterrestres…). Tintin puise ses meilleures ficelles dans les grands thèmes et idées typiques de leur époque. Même si, il est vrai, Hergé apporte une petite touche personnelle (comme beaucoup d'auteurs franco-belge comme Franquin à ses débuts).
Tintin reste très important historiquement parlant, mais cela reste de la BD pour enfants. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne peut plus la lire étant adulte (je la relis régulièrement). Tintin était un chef d'oeuvre à son époque, mais le temps a fini par avoir quelque peu raison de lui. Si elle sortait aujourd'hui, beaucoup de critques en diraient certainement beaucoup de mal. Les temps changent…