Une fois n'est pas coutume, j'ouvre un topic, celui du marchand de sable. Pour une fois que je ne parle pas boustifaille, ça mérite une discussion ^^
En 1916, Dream, un des cinq Eternels, le seigneur du Rêve, est capturé et séquestré par des humains. De nouvelles maladies liées au sommeil apparaissent alors: des dizaines de gens somnolent les yeux ouverts, d’autres dorment profondément des semaines entières, d’autres encore ne peuvent plus fermer les yeux. "Préludes et nocturnes" décrit son évasion et la reconquête, dans l'angoisse, la douleur et l'enfer (au sens littéral), de ses pouvoirs.
La première fois que je lus Sandman, je me dis : « J’comprends rien à cette série. » Tout semble cousu de morceaux incohérents, et le découpage plus ou moins chaotique des planches ne facilite pas la lecture. Et puis, je pensai « C’est rigolo, on dirait qu’il y a un truc fascinant dans ce machin, sauf que je le trouve pas. Boah, j’vais relire. »
Et je fis bien, car il y a effectivement « un truc fascinant dans ce machin » : ce n’est rien de moins qu’une œuvre riche, dense, profonde, subtile et d’une beauté rare.
Au début, on a l’impression que rien ne tient, qu’un tas de petits faits et de menues anecdotes décalées parasitent le récit. Il n’en est rien : tout finit par se recoller et faire sens. Gaiman s’amuse également à multiplier d’innombrables références (oui, je dis « innombrables », parce que je suis quasi-certaine de ne pas les voir toutes) dans les images ou les textes, c’est à la fois amusant et fascinant : amusant parce que le lecteur peut éprouver un sentiment de connivence avec l’auteur (« Oh, je reconnais ça, je l’ai lu aussi ! »), fascinant parce que l’auteur intègre de façon harmonieuse des éléments puisés dans différentes cultures, différentes époques, différents supports : musique, littérature, cinéma… Tout cohabite. Tout est là. Et c’est beau.
Méfiez-vous cependant. Dream, ou Morphée, ou Oneiros, ou quel que soit son nom, est le roi du rêve. Et le rêve est un domaine très proche de la folie et de la mort. Ne vous attendez donc pas à lire une épopée chez les Bisounours : humains comme entités éternelles se montrent monstrueux et pervers. Si l’image reste soutenable, sauf pour le jeune public évidemment, le contenu et l’ambiance se révèlent souvent très glauques.
La série se poursuit sur onze tomes qui approfondiront les liens complexes unissant les Eternels, et est construite en courts chapitres, parfois liés entre eux, parfois pas. Je vous déconseille de vous lancer dans un tome au hasard. Les allusions aux intrigues précédemment publiées fourmillent, et il est frustrant de ne pas bien saisir tout les enjeux de l’histoire. Les tomes gagnent à être relus, d’ailleurs, pour bien reconstituer tout le puzzle, ou plus simplement pour savourer quelques petites phrases qui tapent juste.
J’ai apprécié Sandman parce que c’est une œuvre sombre et en même temps poétique, c’est une histoire à réflexions sur des sujets aussi variés que l’amour, la création artistique, l’humain, la mort, avec des images que je ne trouve pas forcément esthétisantes, mais toujours percutantes.
Sandman vaut vraiment la peine qu’on fasse un petit effort pour s’y intéresser. Bravo aux gens qui l’ont fabriqué.