Concernant la différence entre animation et live, tu soulèves là des questions intéressantes qui divisent pas mal ^^ ! Certaines personnes trouvent que la forme « animation » ne devrait pas avoir à se justifier, et devrait pouvoir être appliquée partout sans que cela soulève la moindre question. Pour ma part, et pour te donner un avis complètement subjectif, je trouve le concept de « documentaire animé » complètement déplacé.
En premier lieu, le genre documentaire se distingue de la fiction. Un documentaire fait une démarche allant vers le réel : il traite de faits réels, de lieux réels, fait intervenir des personnes réelles etc. L’animation, rien que par sa forme, s’oppose à ce souci du réel. L’animation est quelque chose de totalement fabriqué de bout en bout, de maîtrisé, d’inventé, de manipulé. Elle est timée, animée, calculée plan par plan… Elle n’a rien de spontané.
Ensuite, j’ai bien envie de dire que je ne vois absolument pas l’intérêt de faire un documentaire (qui chercherait donc à faire état du réel) en animation (tout comme je trouve le concept d’un film comme le Pôle Express, « avec / sans » Tom Hanks totalement idiot, en dehors de la prouesse technique).** De plus, ce genre demande beaucoup plus de travail qu’un film live. N’oublions pas qu’un film d’animation c’est 24 images par seconde, travaillées les unes après les autres. Quel intérêt de faire travailler des centaines de personnes pour faire ce qu’une caméra est capable de faire aussi ? Quelle satisfaction personnelle tirer de tout cela, « chouette, mes 500 techniciens ont réussi à faire en animation ce que le premier blaireau est capable de filmer avec sa mini-DV ? ». Je trouve que mobiliser ainsi le temps et l’énergie de centaine d’artistes et de techniciens dans une démarche aussi vaine est extrêmement prétentieux.
Dans le cas de Bachir, nous n’avons pas seulement un documentaire, mais aussi des passages de fiction (reconstitution on pourrait dire aussi, grâce aux souvenirs des protagonistes etc). C’est en cela que je rapproche le film du « docu-fiction ».
Concernant la voix OFF, je critique l’impossibilité de s’identifier au personnage et son omniprésence, je critique aussi la construction même du documentaire. Live ou pas, n’importe quel docu de base fait alterner des ITV et des images montées par-dessus les voix OFF. N’importe quel reportage est ainsi monté, depuis le JT à Sans Aucun Doute. Cette forme, pour un long métrage, est on ne peut plus classique et aurait mérité à être davantage travaillée. Un peu plus de recherche et d’originalité n’aurait fait de mal à personne…
Le réalisateur met en avant le travail de mémoire. Je ne trouve pas sa mise en scène plus délirante que cela, alors que le thème de la mémoire et la technique utilisée aurait pu offrir de nombreuses perspectives. Rendre dans les parties « fiction » ses glissements, ses dérives, la reconstitution progressive de certaines images, voilà qui aurait été intéressant !! Mais rien de tout cela, on tente de restituer des lieux qu’on aurait tout autant pu filmer en prise de vues réelles, ou reconstituer un décor identique pour l’occasion… Quant aux ambiances, nul besoin d’une « photographie de malade » pour faire une sortie de la mer sur fond jaune (pour l’exemple) : un filtre, deux trois lumières bien placées avec pourquoi pas une petite mise en scène expressionniste, et on obtenait une scène tout aussi réussie.
En ce qui concerne les films sur le travail de mémoire, je renvoie ceux que cela intéresse vers Chris Marker. C’est un cinéaste français, fasciné par cette question (mémoire personnelle, mémoire collective, histoire), son long métrage Sans Soleil, traitant de la question, est exceptionnel (entre autre). La forme du film, en prise de vues réelles, est totalement déroutante et suit les pensées d’une mystérieuse lectrice, se baladant au fil des réflexions de cette voix. La construction et le montage sont totalement analogiques, et les images filmées par le cinéaste se mêlent à des images de la mémoire collective (photos, tableaux, émissions TV… On a même des images de Galaxy Express 999 ^^ !). J’aime beaucoup Marker et je trouve sa démarche artistique très intéressante et originale. Pour ceux qui connaissent, il est aussi l’auteur de La Jetée (fiction, c’est un montage de photographies), dont L’armée des douze singes est une adaptation directe.
Brèfle, concernant Bachir je suis certaine que ça partait d’une bonne intention, le réalisateur ayant vécu la guerre, le sentiment de culpabilité toussa, et ce film est pour lui une démarche d’exorcisme de ses blessures, une tentative pour s’en détacher, prendre du recul etc.
Mais malgré toutes ses intentions louables, je ne peux m’empêcher de voir le film pour ce qu’il est, et de ne vraiment pas adhérer pour toutes les raisons que j’ai données dans ma critique plus haut.
** Sauf le cadre d’un docu sur des concepts abstraits ou sans images réelles possibles (reconstitution de monuments disparus ou en ruine, du Big bang, d’animaux préhistoriques, ou des systèmes nerveux etc), où l’animation s’impose d’elle-même pour illustrer, rendre didactique etc.
Citation (Owa)
J’avais vu il y a 5-6 ans un film d’animation hilarant, tourné sur le mode du reportage et qui décrivait les histoires d’un flic (qui rencontre un ours en peluche détraqué exhibitioniste), et c’était hilarant parce que ça prenait la façon de monter du reportage.
Pas mal comme concept ^^ ! (Tu ne te souviens pas du titre par hasard ?)
Et justement, ici il s’agit bien d’une fiction, puisqu’un un ours détraqué exhibitionniste à priori ça n’existe pas ^^ ! Voilà pourquoi à mon humble avis l’animation est un genre merveilleux pour la fiction, où les possibilités et les délires sont illimités.
Edité par akiko_12 le 19-07-2008 à 01:42