Il y a 25 ans, Naoki Urasawa jouait avec les nerfs de ses lecteurs dans un thriller éprouvant. Seinen sans concession, Monster a contribué à redorer l’image du manga en France.
Düsseldorf, 1986. La vie sourit à Kenzô Tenma, brillant neurochirurgien japonais, entre une carrière prometteuse et un mariage à venir avec la fille du directeur de l’hôpital qui l’emploie. Tout bascule le jour où il doit faire un dilemme cornélien entre deux patients en état critique arrivés simultanément : qui sauver entre le maire de la ville et un jeune garçon ? En choisissant l’enfant, Johann, dont la sœur jumelle est encore traumatisée du meurtre de leurs parents, Tenma entame une lente descente aux enfers : le décès du notable lui vaut un renvoi et l’abandon de sa fiancée ! Neuf ans plus tard, son calvaire s’accentue : Johann est devenu un serial killer ! Afin de corriger son erreur, Tenma traque le jeune homme à travers l’Allemagne réunifiée, tout en étant poursuivi par l’inspecteur Rünge, bien décidé à lever le voile sur cette affaire mystérieuse…
Avec Pineapple Army et Master Keaton, Naoki Urasawa avait déjà prouvé ses intentions de ne pas cantonner ses histoires au Japon, comme Yawara! et Happy!. Il ne faillit pas à la règle en installant l’intrigue de Monster au cœur de l’Europe Centrale, la fuite en avant de son héros passant par diverses régions de l’Allemagne mais également la République Tchèque. Le mangaka modifie en revanche ses habitudes : alors qu’il posait d’habitude les bases fiables et solides de son univers en quelques chapitres, il multiplie les fausses pistes dans Monster : l’enfant innocent s’avère être un meurtrier, la traque policière de Rünge devient une obsession personnelle, le polar tourne au fantastique avec des expérimentations sur humains… Chapeauté par son ami Takashi Nagasaki, Naoki Urasawa reprendra ce concept de chausse-trappes dans ses œuvres suivantes, 20th Century Boys et Billy Bat.
Publié le 30 juin 1995 au Japon, le premier tome de Monster arrive en France six ans plus tard grâce aux éditions Kana. Alors que le manga y a encore mauvaise presse, le titre de Naoki Urasawa conquiert même les opposants les plus acharnés grâce à sa mise en page rappelant la BD franco-belge, un genre populaire en Occident (le polar) et un décor proche (l’Allemagne). En faisant l’unanimité auprès de ce public réfractaire et auprès des fans de la génération Club Do devenus jeunes adultes, les 18 tomes (édités par Kana) ouvriront la voie à toute une branche de titres seinen. Ce plébiscite se confirmera avec l’adaptation animée chez Madhouse (disponible chez ADN), 74 épisodes qui seront diffusés sur Canal + en 2006 (deux ans après le Japon, un exploit à l’époque) puis sur France 4 en 2014. Étonnamment, alors qu’il réunit toutes les conditions, Monster n’aura jamais été transposé en film ou série live occidentale, malgré une tentative avortée de Guillermo del Toro. À l’heure où les plateformes de VOD comme Netflix ou Amazon Prime recherchent des projets globaux, une adaptation serait le meilleur hommage pour ce titre qui souffle ses 25 bougies !
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