Afin de donner le meilleur de lui-même, Keigo Shinzô met en pause son manga Hirayasumi jusqu’à la fin de l’année. Et nous offre l’occasion de revenir sur son parcours perfectionniste.
On n’a pas idée de l’importance que peuvent avoir des compliments. Prenez Keigo Shinzô, par exemple. Alors que son frère aîné passait le plus clair de son temps à le dénigrer, il ne pouvait retenir des félicitations sincères en découvrant les dessins que son cadet griffonnait dans son carnet. Ainsi, dès l’âge de sept ou huit ans, le petit garçon né en 1987 dans la préfecture de Tokyo envisageait déjà de devenir mangaka professionnel. À cette époque, Keigo Shinzô lit majoritairement des titres issus du Shônen Jump, notamment les gag mangas de Kyôsuke Usuta. Alors qu’au lycée, il envisage de se tourner vers le cinéma, ce sont à nouveau les compliments de ses camarades de classe envers ses dessins que Shinzô persiste dans son orientation professionnelle.
À la même époque, il découvre le trait libéré de Taiyô Matsumoto, qui lui fait revoir sa façon d’aborder le manga. Shinzô multiplie alors les participations au concours pour le prix Shiki organisé par le magazine Afternoon. Cependant, c’est avec le magazine Spirits qu’il débute sa carrière professionnelle en 2008, avec la nouvelle Nankin. Grâce aux conseils de son éditeur, il apprend à dessiner pour les autres et non plus pour lui, et franchit ainsi un plafond de verre. S’ensuivent plusieurs histoires courtes avant son premier récit long, L’auto-école du collège Moriyama (one-shot disponible au Lézard Noir) en 2010. À défaut de toucher le grand public, ce manga conquiert un lectorat éclairé, au point de connaître une adaptation en long métrage en 2016. Cette même année sort un second recueil d’histoires courtes, Holiday Junction (disponible au Lézard Noir), format que le mangaka n’a jamais abandonné en parallèle de titres de plus en plus longs. Ainsi, lancé en 2015, Tokyo Alien Bros (disponible au Lézard Noir) s’étale sur trois volumes : l’excursion de deux aliens en goguette est surtout l’occasion pour Shinzô d’explorer les malaises contemporains, et de représenter l’urbanisme de la capitale nippone avec minutie.
Mauvaise herbe (disponible au Lézard Noir), débuté en 2018, atteint pour sa part quatre volumes, et dévoile une facette plus sensible de son auteur. Alors que ses œuvres précédentes traitaient avant tout de l’amitié, il s’intéresse cette fois à ce que représente la famille en faisant croiser le chemin d’une jeune fugueuse et d’un flic désabusé ayant perdu sa fille. Toute l’œuvre est parcourue d’un attachement profond à la vie : peut-être faut-il y voir un écho de ce que Keigo Shinzô traverse en parallèle ? L’auteur doit en effet marquer une pause pour subir un traitement d’un lymphome, dont il se remet heureusement, alors qu’il entre à peine dans la trentaine. Il reprend ses thèmes de prédilection avec Hirayasumi (disponible au Lézard Noir), ou l’histoire d’un frère paumé rejoint à Tokyo par sa cousine dynamique, qui dépasse déjà les six tomes au Japon… et connaît à son tour un coup d’arrêt. Mais pas de panique ! Keigo Shinzô est en pleine forme, et souhaite prendre du temps pour que son manga soit irréprochable, à sa reprise début 2024. Une démarche à l’image de ses œuvres : hors-norme et inspirante !
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