#TBT : Dead Leaves

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Jusque-là, il avait mis son talent au service des autres. Avec Dead Leaves, Hiroyuki Imaishi a pu exprimer son univers artistique qui fascine les animefans depuis désormais vingt ans.

Deux malfaiteurs se réveillent l’un à côté de l’autre, sans aucun souvenir… ni aucun vêtement. Pandy, dont le nom renvoie à la marque autour de son œil, telle celle d’un panda, réalise qu’elle a une force de frappe surhumaine. Retro, pour sa part, avec sa tête en forme de téléviseur, est persuadé avoir fait partie de la mafia tant il maîtrise les arts martiaux et les armes à feu. Ces Bonnie et Clyde aussi amnésiques que vulgaires se lancent alors aussitôt dans des casses (ne serait-ce que pour s’habiller) qui engendrent panique et désastres à travers Tokyo. À peine capturés, les voilà incarcérés à Dead Leaves, bagne installé sur la Lune qui dissimule des activités louches. Après une partie de jambes en l’air, ils se lancent alors dans une grande évasion doublée d’une mutinerie, tandis que la grossesse de Pandy se manifeste à la vitesse de l’éclair…

Le résumé ci-dessus ne couvre (et encore, que partiellement) que les vingt premières minutes de Dead Leaves. D’emblée, le film avance à un rythme frénétique, son maigre scénario servant uniquement de prétexte à un enchaînement de séquences de violence ou de sexe décomplexées et surexcitées. Tel un sale gosse, Hiroyuki Imaishi enchaîne les blagues de mauvais goût sous la ceinture, scabreuses et scatologiques. À cette provocation répond une outrance graphique perpétuelle, qui ne fait qu’augmenter tout au long du film jusqu’à atteindre un point de non-retour dans une séquence finale paroxystique. Faut-il y voir l’expression de la frustration d’Imaishi ? Entré à vingt-cinq ans, en 1996, au studio Gainax, l’animateur surdoué n’avait travaillé que sur des œuvres créées par d’autres artistes, de Neon Genesis Evangelion à Abenobashi – il s’était particulièrement fait remarquer sur l’épisode 3 consacré à la science-fiction, qu’il avait animé, storyboardé et réalisé.

C’est pourtant grâce à Production I.G qu’Imaishi obtient, à 33 ans, sa première réalisation personnelle. En 52 minutes, il impose son style hors du commun où tout, du scénario au graphisme anguleux aux couleurs flashy, est avant tout au service d’une animation débridée. Sorti le 17 janvier 2004 au Japon, Dead Leaves devient une nouvelle bible pour les otakus, qui regardent le DVD en boucle – l’occasion de découvrir à chaque visionnage un nouveau détail dissimulé par le réalisateur. Désormais adoubé, Imaishi pourra développer trois ans plus tard sa propre série, Gurren Lagann, puis enthousiasmer à nouveau les fans d’animation hors norme avec le survitaminé Promare. Malgré une qualité technique encore plus aboutie grâce aux moyens qui lui sont alloués, ces nouveaux titres ne retrouvent pas l’énergie punk et provocatrice de Dead Leaves, à la fois manifeste et pamphlet. Alors que la réputation du réalisateur prend désormais une dimension internationale (Cyberpunk Edgerunners sur Netflix), une édition de ce titre fondateur serait bienvenue pour son vingtième anniversaire !

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A propos de l'auteur

Matthieu Pinon