#TBT : Le saut

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On connaît Osamu Tezuka comme fondateur du manga moderne, et pionnier de l’animation au Japon. Mais on oublie souvent sa facette expérimentale, incarnée notamment dans Le saut.

Une personne saute. Encore. Et encore. De bond en bond, ses impulsions gagnent en amplitude. Rapidement, elle se met à dépasser les cimes des arbres des forêts voisines, puis à franchir des kilomètres. Tutoyant les oiseaux, les avions et les hélicoptères, elle finit par parcourir une bonne partie du globe, jusqu’à se retrouver aux tréfonds des enfers…

Difficile de résumer ce court métrage de six minutes, qui a avant tout une ambition artistique et technique plus que narrative. En effet, Le saut nous place dans la peau de son/sa protagoniste, et se déroule intégralement en vision subjective. C’est tout l’écran qui s’anime, pour proposer des audaces visuelles hallucinantes, avec des perspectives vertigineuses, ou encore un défilé de saynètes alors qu’on remonte le long d’un building. Sorti il y a quarante ans au Japon, en juin 1984, Le saut (Jumping en version originale) est le plus souvent uniquement associé au nom de Tezuka – après tout, il en a eu l’idée et dirigé la mise en scène. Cependant, le mérite revient à Junji Kobayashi, animateur de génie qui a animé les 4000 images qui constituent le court métrage. Aujourd’hui professeur à la Laputa Animation Art School, le vétéran a récidivé l’an dernier, comme en hommage, avec Kumabachi Bee, coproduit par Tezuka Productions, qui nous met dans la peau d’un frelon !

Le saut n’en reste pas moins une initiative d’Osamu Tezuka, qui, en dehors des séries télévisées et des longs métrages, s’accordait des petits plaisirs avant-gardistes. Et ce, dès 1962, alors qu’il planchait sur la production d’Astro le petit robot, qui deviendrait la première série animée hebdomadaire du Japon ! Histoires du coin de la rue, en 1962, voit ainsi différents objets (affiches, poupée abandonnée) prendre vie dans un milieu urbain pour raconter une histoire muette pendant trente minutes. À charge du réalisateur Eiichi Yamamoto et de ses plus talentueux animateurs (Rintarô, Gisaburô Sugii) de concrétiser son idée ! Avec La sirène (1964), La goutte (1965) et Tableaux d’une exposition (1966), hommage à Moussorgski et à Fantasia, il fait partie des expérimentations de la période Mushi Pro. Le saut lance une nouvelle salve chez Tezuka Productions, suivi du Film cassé (1985), de La légende de la forêt (1988) et d’Autoportrait (1988). Ce dernier titre, long de 13 secondes, sera l’ultime essai du maître, qui s’éteindra l’an suivant.

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A propos de l'auteur

Matthieu Pinon