Lupin III : Une femme nommée Fujiko Mine
Le meilleur wagon pour s’attaquer à la série ?
Force et faiblesse de la saga Lupin, l’immensité de son œuvre peut parfois être un frein pour séduire de nouveaux adhérents. Dans un circuit anime de plus en plus productif, l’animefan doit faire des choix, et il n’est pas certain que s’attaquer aux centaines d’épisodes de Lupin soit toujours très motivant. Pourtant, il serait dommage de passer à côté de Lupin, une saga d’une grande richesse, souvent desservie par un travail de grande qualité. Une femme nommée Fujiko Mine, réalisée par Sayo Yamamoto, est une série qui peut parfaitement remplir son rôle de porte d’entrée. Avec classe.
Dans sa très grande diversité, et ce depuis sa création avec le film pilote de 1969, la saga Lupin est une œuvre chargée d’aventure, d’action, d’humour. Un cocktail d’émotion qui vient arc-bouter sur des personnages charismatiques, magiquement mis en scène et toujours formidablement accompagnés musicalement. Qu’il s’agisse des productions d’antan ou des plus récentes, la vitalité de la licence ne s’est jamais essoufflée. Parmi les grands noms qui ont fait briller Lupin et son entourage, comment ne pas citer Hayao Miyazaki ou encore les génialissimes animateurs Yasuo Ôtsuka ou Kazuhide Tomonaga (voir la séquence vidéo, tirée du long métrage Le Château de Cagliostro, 1979). Cette fois-ci, c’est Sayo Yamamoto (Yuri!!! on Ice) qui se colle au projet, en 2012, avec l’ambition de ne pas subir la renommée de l’œuvre, mais d’afficher toute la personnalité qu’on lui connait.
Making-of :
C’est le producteur Yu Kiyozono, chargé de donner un nouvel élan à la saga pour ses 40 ans, qui va contacter la réalisatrice Sayo Yamamoto pour proposer un nouveau format TV. Fidèle à elle-même, l’artiste a pris un mois pour peser sa décision, réclamant surtout une grande liberté dans sa direction (trame, staff). Elle s’est donc tournée vers un artiste qu’elle connait sur le bout des doigts, Takeshi Koike. Déjà ensemble sur Redline et Animatrix World Record, les deux talents ont une même vision de Lupin : celle d’une série divertissante, mais au fort potentiel adulte. La première tache sera donc de remettre un coup de poulish au chara-design de Monkey Punch. Sans jamais dénaturer le trait d’origine, Takeshi Koike confère agressivité et caractère à la galerie de personnages. La deuxième mission est de centrer les débats sur Fujiko Mine. Un choix loin d’être anodin quand on connait la réalisatrice de Michiko & Hatchin, adepte des femmes fortes, intelligentes et téméraires.
Quelle place dans la timeline Lupin ?
Pour resituer la série, Fujiko Mine s’inscrit comme étant la préquelle du récit de 1971 puisque Daisuke Jigen n’est pas encore un membre du gang de Lupin. Ce dernier porte d’ailleurs une veste de couleur verte, renvoyant à la première série (la couleur de la veste permet de resituer les parties de la licence). Soyez rassurés, si l’information est importante pour les fans de la saga, ne pas la connaître ne gène en rien le visionnage : tous les protagonistes n’ont qu’un objectif sur le court terme, et leur légendaires facettes (voleur roublard pour Lupin, la méfiance de Daisuke Jigen…) sont très aisément installées. Le bagage n’est donc pas obligatoire pour se lancer dans la série mais une fois que vous en saurez plus, un second visionnage apportera une vraie plus value.
On suit alors Fujiko Mine, une voleuse aussi séduisante que rusée, dans ses nombreux cambriolages. Attention, si cette arme (sexuelle) fatale ambulante est ici la star, elle continue de partager le haut de l’affiche avec les habituels personnages de la série, Lupin bien sur, mais aussi Zenigata. Ce policier, toujours sur le dos de Lupin, hérite d’ailleurs d’un très bon traitement. Il ne se contente plus du rôle de faire valoir, mais se présente comme une figure plutôt forte de l’œuvre, comme le faisait justement remarquer un membre de notre forum, le spécialiste Xanatos. Zenigata voit même un personnage nouveau gravité autour de lui, le français Oscar, son second qui nourri de vrais sentiments pour lui. Là encore, la touche Sayo Yamamoto.
Un pied dans le lit, l’autre dans le plat :
Dans l’esprit très kaléidoscopique de Lupin, la série voit ses 13 épisodes êtres aussi indépendants que son “héroïne” (la trame de fond est rattachée au dernier moment). le vrai fil rouge, c’est le tempérament de Fujiko mais aussi ses incertitudes, ses questionnements. À chasser plusieurs lièvres (et identités) à la fois, la voleuse peine à trouver sa place, et la réalisation dépeint avec finesse et pudeur la fragilité de cette femme. Pour élaguer ce portrait, on retrouve plusieurs excellents scénaristes s’étant fait plaisir, comme Dai Sato (Space Dandy, Cowboy Bebop) ou Mari Okada (Kiznaiver). Un coup dans une ambiance révolutionnaire en Amérique latine, un coup à Paris, une autre fois dans les coulisses d’un théâtre, la disparité de la production offre une fraicheur sans cesse renouveler, dans la droite lignée de ce qu’a pu connaitre Sayo Yamamoto avec Shinichiro Watanabe. Le personnage de Fujiko Mine peut alors jouir d’un vaste terrain de jeu pour être creusé en profondeur.
L’élève Yamamoto profitera de ce large cadre pour proposer plusieurs séquences fortes, comme la scène de sexe (implicite et inédite) entre Fujiko et Zenigata ou encore l’histoire d’une drogue hallucinogène. L’aspect pop demeure, mais dans le fond le traitement est plus grave qu’il en a l’air. Cette approche est densifiée, articulée, autour de l’esthétisme à la fois rétro et feutré de la direction artistique. Takeshi Koike, tout comme son ancien mentor Yoshiaki Kawajiri, a souvent opté pour des ambiances peu lumineuses. Ici, il laisse volontairement les hachures de son trait transparaître, et s’amuse d’un jeu d’ombres volontairement exagérés. En résulte un story-board qui a des idées, des plans osés, et qui se voit être bonifié par un rythme parfaitement régulé. Sayo Yamamoto est d’ailleurs une des références en la matière.
L’autre très grande qualité de la série est sans nul doute sa partition musicale. Produite par Shinichiro Watanabe et Naruyoshi Kikuchi (Gundam Thunderbolt), la bande son vient accompagner la folie de l’image quand c’est nécessaire par des thèmes Jazzy (ou décousus), ou déposer un voile plus érotique, discret, sur les propos intimes. À ce titre, l’opening est une petite merveille, symbole parfait de l’identité artistique de Sayo Yamamoto (rappelons qu’elle est une magnifique illustratrice), entre pop et sensualité.
Pas toujours une merveille technique :
Si l’on peut faire de nombreuses éloges à cette production Lupin, il faut reconnaître qu’on reste un peu sur notre faim en matière de démonstration technique, surtout vu le format. Ainsi, les plus belles séquences sont évidemment signées Takeshi Koike et Hiroyuki Imaishi (KILL la KILL) dans l’épisode 13, là ou la participation de Masaaki Yuasa est franchement quelconque. Pour le reste, la tenue demeure vraiment bonne, mais la série ne brille pas par son animation, n’atteignant que trop rarement les envolées comme ici (voir le tweet). Disons que le staff –avec un Takeshi Koike à la direction de l’animation- nous promettait davantage (suis-je trop gourmand ?).
@Kessentchu
L’une des plus belles séquences de Fujiko Mine est donc signée Hiroyuki Imaishi (épisode 13). pic.twitter.com/IJNKBrol4e— Bruno De La Cruz (@Kessentchu) 18 mars 2017
Le packaging :
C’est un sans faute de la part de Black Box ! On apprécie tout particulièrement le ton sobre et matte du coffret. Le tout est très rigide, solide, et les bonus glissés sont de bonne facture : une galette pour la BO (miam!), 5 cartes postales plutôt jolies, un livret bien documenté de 28 pages et un magnifique artbook de 64 pages. Ce dernier est un véritable objet de collection tant il permet d’apprécier le travail de Takeshi Koike avec confort. Enfin, sur la qualité de l’image, aucune mauvaise surprise n’est à signaler.
Néanmoins, les fans regretteront les absences de Philippe Ogouz et Catherine Lafond pour interpréter Lupin et Fujiko Mine, “remplacés” par Fabien Albanèse et Sara Cornibert. Il faut noter que c’est le studio O’bahamas qui s’est chargé de ce travail.
Remerciements à Xanatos et Planète Jeunesse.
La série dédiée à Fujiko Mine est un vrai petit bonbon d'audace, de malice, porté par une direction artistique aux petits oignons et un chara-design agressif. Surtout, elle une très bonne alchimie entre l'esprit d'origine de Lupin et sa volonté d'être une série pour adulte sans délester sa facette humoristique. Elle permet, en peu d'épisode, de mettre le pied à l'étrier, avec personnalité, aux néophytes.
Pour emballer pareille réussite, Black Box a su mettre au point une très belle éditions, illustrée avec élégance et agrémentée de quelques sucreries. Un coffret nommé Fujiko Mine.
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Réalisation
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Scénario
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Originalité
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Animation
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Design
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Musique
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Packaging
- RéalisationSayo Yamamoto
- Chara-DesignTakeshi Koike
- StudioTMS, Nippon T. Network
- MusiqueNaruyoshi Kikuchi
- Auteur originalMonkey Punch
- GenreAction, comédie
- Date de sortie2012 au Japon, 2016 en France
- Diffusion-
- Prix40 euros €
- EditeurBlack Box
- Durée13 x 24 min
- LangueFrançais, Japonais
- Sous-titresFrancais
- BonusPas de bonus vidéo, mais pour le reste, Black Box nous gâte : Un magnifique art-book permettant d'apprécier le chara-design, 6 très belles cartes/illustrations, un guide-book correctement informé et l'OST de la série garnissent la section cadeau. Top !
2 commentaires
Merci pour cet article passionné et objectif à la fois, Bruno ! Même si j’ai plutôt bien aimé ”L’Aventure italienne” sur les 16 premiers épisodes malgré certains partis-pris (avis strictement personnel), ma référence actuelle en termes de renouvellement de la licence Lupin se concentre sur les œuvres où Koike a participé (à savoir cette série mais aussi les films sur Jigen et Goemon).
Merci Veggie !
J’attend impatiemment les derniers films, ils ont l’air TRES sympas! Puis en tant que fanboy de T. Koike, j’en salive déjà…
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