Astérix et les Vikings

« La peur donne des ailes ! »

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Le jeune Goudurix est accueilli au village des Gaulois pour recevoir une formation militaire destinée à faire de lui un homme. Abraracourcix a à coeur de voir cet entraînement aboutir, dans la mesure où Goudurix est le fils de son frère, un héros proche de Vercingetorix. Abraracourcix demande alors à Astérix et à Obélix de bien vouloir s’occuper du jeune homme… Pendant ce temps, les Vikings sont en colère : les peuples fuient devant eux. Leur chef, Grossebaff apprend de la bouche de son mage, Cryptograf, que « la peur donne des ailes ! ». Prenant au pied de la lettre l’expression, Grossebaff décide de chercher un champion de la peur pour qu’il apprenne à voler aux Vikings. La fille de Grossebaff, Abba, s’embarque alors clandestinement dans le navire des Vikings, car elle veut goûter à la bataille. Débarqués sur les terres des Gaulois, les Vikings capturent Goudurix qui se révèle être en fait plutôt lâche et… peureux !

Par Toutatis !

Astérix et les Normands mettait en scène une satyre de la jeunesse à la fin des années 60 (la prépublication dans le magazine Pilote ayant commencée le 28 avril 1966). Goudurix incarnait l’adolescent rebel, un peu rock’n roll, nonchalant et paresseux, préférant sortir faire la fête avec ses amis plutôt que de travailler. Son arrivée dans le petit village gaulois soulignait le fossé générationel existant entre lui et la génération de ses parents… Ici, Astérix et les Vikings reprend ce concept de départ, mais pousse le bouchon encore plus loin. Signe des temps, l’adolescent est devenu très chouchouté par ses parents et vit de plus en plus longtemps chez eux. Du coup, les créateurs du film se sont amusés à faire de Astérix et Obélix un couple de parents élevant leur « petit » avec un mélange de tendresse et de maladresse. Obélix a clairement un rôle maternel, et Astérix plus paternel. Cette répartition des rôles donne droit à quelques scènes irrésistibles et très bien senties.

Par ailleurs, le problème relationnel avec le père se trouve finement souligné. On notera que dans le cas de Goudurix et d’Abba, le géniteur est une figure écrasante : héros de guerre pour le premier, chef de clan pour la seconde. Dans les deux cas, les enfants s’opposent à lui soit en adoptant un mode de vie contraire au sien, ou alors en essayant de se conforter à son modèle. La mère est curieusement absente : celle de Goudurix n’existe même pas (!). Quant à Vikéa, la maman d’Abba, il s’agit d’une femme soumise par son mari le jour du mariage et qui se complait dans le rangement de la maison (Vikéa / Ikéa : on a le droit à une savoureuse scène de promo pour le magasin dans le film).

Goudurix est en fait un lâche et Abba une tête brulée. Le premier, superficiel, la seconde sans recul. Leur rencontre leur permettra de mûrir : Goudurix devra apprendre à compter sur autre chose que la force physique dont il est privé, et Abba saisira que la vie ne se résume pas au combat. Par ailleurs, le film envisage des questions très sérieuses sous le couvert de l’humour comme celui du mariage forcé (sort réservé à Abba) et se permet des situations plutôt subversives dans la mesure où les Vikings, aussi drôles soient-ils, sont tout de même une bande d’ivrognes qui boivent dans le crâne de leurs victimes. Après le 11 septembre et l’avènement du terrorisme, ce genre d’humour ne passe forcément pas inaperçu : certaines scènes sont, à ce titre, finalement plus violentes qu’elles ne le laissent supposer !

Le film a aussi apporté de nouveaux éléments par rapport à la BD, comme les boîtes de nuits, le langage SMS (nom du pigeon de Goudurix) ou encore Cryptograf. Ce savoureux personnage soulignera, pour un jeune public, le danger de la religion : avec ses « Odin a dit… », il montre que le pouvoir religieux peut manipuler, bouleverser et créer des guerres. Mine de rien, là encore, on a matière à réflexion sous couvert d’une franche rigolade.

Du bon usage de la potion magique

A la réalisation du film, on retrouve, surprise !, deux danois. Stefan Fjeldmark a signé le storyboard de Astérix et les Vikings après un passage dans la bande dessinée (The Snow Queen en 1981). On lui doit des publicités et de nombreuses animations. Il est nommé aux Oscar pour le court métrage animé Quand la vie s’en va (1997). En 2001, son long métrage Gloups ! Je suis un poisson se voit sélectionné en compétition à Annecy et récompensé à Chicago. Ce film deviendra un grand succès du box-office. À l’animation, Jesper Moller fait des merveilles. Il a travaillé sur de nombreux films comme Huits folles nuits d’Adam Sandler, Excalibur, l’épée magique, ou encore Charlie 2. On lui doit aussi la conception de personnages sur Troll Story, Gloups ! Je suis un poisson… et la création de scénarimages comme sur Tarzan 2. Le travail des deux hommes se révèle en tout cas dynamique et expressif. Pas de temps mort, une seule séquence ratée (celle du vol d’Abba et de Goudurix) et des personnages expressifs.

Cette empathie ressentie à l’égard des héros du métrage doit aussi beaucoup au formidable travail de doublage réalisé. Si on retrouve l’inépuisable Roger Carel derrière Astérix et à la narration du film, on saluera l’interprétation remarquable de Lorant Deutsch (Ripoux 3) sur Goudurix, lui donnant une humanité extraordinaire. La charmante Sarah Forestier (L’esquive) ne démérite par en doublant Abba : sa voix donne au personnage toute son âme. Quant au comique Pierre Palmade il se révèle excellent et méconnaissable derrière Cryptograf. Mais là encore, on pourrait en dire autant de tous les autres acteurs, irréprochables.

Sus aux salles !

Les critiques de la presse n’ont pas été très tendres avec ce film. Pourtant, il faut vraiment faire la fine bouche pour trouver quelque chose à redire d’un tel métrage ! Certes, on pourrait regretter quelques longueurs, et une technique encore en deça de ce que font Américains ou Japonais. Mais franchement, tous ces petits défauts se font vites oublier : les Gaulois sont bels et bien là, qu’on se le dise !

Le site officiel : www.asterixetlesvikings.com.

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