Crazy Kung-fu

« Everybody was kung-fu fightin’ »

0

Lorsqu’il arrive pour son premier jour sur le plateau Kung-fu Hustle (titre original de Crazy Kung-fu), Stephen CHOW a-t-il réellement un scénario en main ? Une question légitime, tant son long métrage ressemble à un patchwork de références et de situations hétéroclites, une sorte de rêve de môme mis en images.

Petites gens et grands maîtres

Sing (Stephen CHOW), petit truand, essaye de racketter les gens en se faisant passer, lui et son acolyte, pour des membres du gang de la hache. Ce groupe, mené par un leader psychopathe, a pris le contrôle de la ville. Seuls quelques villages isolés restent préservés de son influence. Sing pose le pied dans un de ces villages pour abuser de la crédulité des villageois. Dans l’affrontement, le vrai gang des haches se trouve pris à parti et intervient, mais leur général adjoint se retrouve le dos brisé. Il semblerait qu’un maître en art martial soit présent dans le village. Le gang de la hache décide de le retrouver et de le tuer… Comme toujours, les films de Stephen CHOW mettent en scène des petites gens, des sans grades ou déclassés, confrontés à des situations incroyables et délirantes. Seul le stoïcisme de ceux ayant la faim chevillée au corps protège ces va-nu-pieds. Sing, son personnage, se présente les trois premiers quarts du film comme une âme égarée, un minable n’ayant d’autre but que de devenir un méchant (sic). Traumatisé dans son enfance par une humiliation terrible, il a fait sien l’adage, « l’homme est un loup pour l’homme », et tant pis pour BOUDDHA. Peine perdue, faire le mal n’est pas à la portée de tous…

En parallèle à son parcours de pied nickelé criminel, on suit le duel opposant le gang des haches au village. Sur place, se cachent en effet des maîtres en arts martiaux aux techniques dévastatrices venus se réfugier dans l’anonymat. Pour se débarrasser d’eux, d’autres maîtres seront appelés à la rescousse, le tout culminant dans une série de duels en apesanteur, moment de rupture entre le sol et l’air.

Taper, réfléchir après

Malgré l’apparence classique de notre résumé, on ne peut nier que Crazy Kung-fu ressemble à un OVNI cinématographique : on passe allègrement du film de gangsters des années 30 à la chronique sociale, puis au drame, sans oublier de faire un détour par la comédie et bien sûr par le film de kung-fu. Le tout saupoudré de références aux grands films d’arts martiaux, ceux de Bruce LEE, Jackie CHAN et de Samo HUNG(1) en tête. Ce mélange détonnant repose sur un déséquilibre constant. Comprendre par là que le film suit sa propre logique, absurde. Le spectateur n’a aucun moyen de savoir ce qui se passera au plan suivant, tant les évènements s’enchaînent sans logique aucune.

Crazy Kung-fu n’a pas pour but de délivrer une histoire classique au spectateur. Stephen CHOW a visiblement souhaité produire un divertissement faisant état de toutes ses obsessions et passions… On rit donc beaucoup, souvent de bon coeur, on en prend plein les yeux avec les séquences martiales et on découvre, un peu médusé, des personnages révéler leur véritable nature dans des séquences absurdes.

En effet, CHOW croise son film aux confluents du film de kung-fu et de la comédie américaine. Multipliant les quiproquo et situations délirantes, son cinéma rappelle les heures légères de la comédie américaine. L’influence du cartoon à la Tex AVERY se fait aussi sentir, notamment lors d’une course poursuite évoquant fortement Bip-Bip et le Coyote… Mais le gros du film se trouve occupé par les séquences de combat, réglées en grandes parties par YUEN Woo-Ping, chorégraphe de Fist of Legend et Drunken Master à Hongkong, et de Matrix et Tigre et Dragon pour les Etats-Unis… Ces affrontements sont évidemment sous influence Matrix, avec des effets de ralentis et des acteurs « en apesanteur ». Morceaux de bravoures du film, les combats pérennisent les règles du genre, héritées des années 80, sans aller aussi loin que Matrix : les effets spéciaux ont surtout permis d’effacer les câbles retenant les acteurs, et d’ajouter des effets toonesques aux combats, comme des adversaires traversant des murs.

Une fin too much

La conclusion de Crazy Kung-fu ne séduira pas forcément tout le monde. Stephen CHOW s’offre enfin sa séquence tant convoitée, celle durant laquelle il rendra un hommage un peu trop ostentatoire à Bruce LEE. CHOW se livre à une démonstration de kung-fu impressionnante bien qu’il ne soit pas un artiste martial. Malgré tout, le film va loin, beaucoup trop loin dans la démesure. Sing transcende son humanité, devenant presque une divinité. Ceux aimant Saint Seiya seront peut-être ravis. Toi aussi, enflammes ton cosmos ! Sans doute faut-il être asiatique pour comprendre la portée de cette séquence frôlant l’extase mystique, toutefois très joliment réalisée.

Film grand public, Crazy Kung-fu a été pensé pour l’exportation. Suite au succès massif de Shaolin Soccer, CHOW a décidé de capitaliser sur son image en Europe et aux Etats-Unis. Toutefois, plutôt que de se vendre comme Jackie CHAN ou Michelle YEOH, il a su proposer un produit culturellement très marqué (un film définitivement chinois), mais malgré tout accessible au plus grand nombre. Une véritable gageure prouvant le talent et le savoir faire de l’homme. A se demander d’ailleurs si l’évolution de son personnage dans le film ne reflète pas son évolution en tant qu’artiste. De simple second rôle à celui de maître du box office ; de spectateur du talent des autres, au talent fait humain : Stephen CHOW a franchement la classe.

Sorti en salles le 8 juin

Parlez-en à vos amis !

A propos de l'auteur