Godzilla Final Wars

« Grrrrrrrrrr !!!! »

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Bien décidée à fêter les cinquante ans de Godzilla en grandes pompes, la Toho a décidé de produire un film évènement centré autour de sa franchise la plus importante. Restait pour la célèbre compagnie de cinéma à trouver un réalisateur pouvant redonner un coup de sang à un monstre n’ayant plus rien de très impressionnant… La Toho va finalement jeter son dévolu sur KITAMURA Ryuhei (voir nos articles qui lui sont consacrés, ici, ici et encore ici), devenu très en vogue au Japon depuis Versus.

Seulement, KITAMURA n’a guère envie d’accepter le poste. S’il est fan de Godzilla, et des Kaiju Eiga (films de monstres), il explique pas gêné à la Toho, que « leurs films de Godzilla ne l’intéressent plus et que, de toutes façons, [il ne va]même pas les voir au cinéma. » Pas vexés, les pontes de la Toho en rient un bon coup. Après tout, s’ils ont coulé leur juteuse franchise, ce KITAMURA, fan et amateur des anciennes moutures, ne serait-il pas l’homme idéal pour retrouver ce qui a fait la gloire du monstre de l’ère atomique ?

Négociations

KITAMURA accepte donc le poste et commence à réfléchir avec les producteurs de la Toho à l’orientation à donner au film. Au départ, explique-t-il, « j’avais toutes sortes d’idées. Comme il s’agissait d’un film anniversaire, je voulais marquer le coup en faisant un mix entre les films de zombie comme 28 days later (de Danny BOYLE, NDLR) et ceux de Kaiju Eiga. Et puis, en discutant avec les producteurs, ils m’ont confié vouloir livrer avec Final Wars le dernier film de Godzilla. Il devait donc s’agir d’un film « festival ». On devait donc éviter un côté trop sombre ou trop comique. J’ai alors eu l’idée de faire une sorte de greatest hits, un film compilant les aspects les plus appréciés de l’univers de Godzilla. » KITAMURA reprend alors les vingt huit films tournés précédemment et décide de dégager les éléments les plus représentatifs de la saga. Son histoire s’inspire donc ouvertement de certains films comme Godzilla contre Gigan ou Les Envahisseurs attaquent.

La Terre est désormais protégée par une force de frappe, la Force M, composée de mutants, humains génétiquement modifiés, capables de prouesses physiques à faire pâlir d’envie les héros de Matrix. La Force M a réussi à se débarrasser de Godzilla une bonne fois pour toutes en l’enfermant dans les glaces, et coule des jours tranquilles. Seulement voilà, il fallait bien que ça se passe mal ! Un beau jour, tous les monstres que Godzilla a affrontés refont leur apparition et attaquent les grandes capitales du monde. Débordée, la Force M a bien du mal à se défendre. Apparaît alors un vaisseau spatial gigantesque qui fait disparaître les monstres. À leur bord, des extraterrestres, les Xiliens, venus en paix. Pour avoir sauvé le monde, on leur ouvre les bras, mais tout cela semble bien suspect. Une scientifique de l’ONU et un agent de la Force M démasquent la supercherie : les Xiliens sont en fait venus se nourrir de nous ! La guerre commence et, affaiblis, notre poignée de héros, menée par le Capitaine Douglas Gordon, doit réveiller Godzilla, dernière chance du monde.

Combats à gogo

La première partie de Godzilla traîne quelque peu en longueur. Nous sommes introduits dans les secrets de la Force M, les personnages principaux nous sont présentés et force est de reconnaître que le bouillant réalisateur de Azumi manque quelque peu de savoir faire sur les scènes d’expositions et de dialogues. D’autant, et cela n’aide pas, que les acteurs jouent de manière quelque peu caricaturale.

Une fois la supercherie des Xiliens révélée, le film sera lancé sur ses rails, et Final Wars consistera alors en une longue suite de combats et de séquences d’actions. En ce sens, KITAMURA ne ment pas lorsqu’il dit que « Final Wars est une sorte de Versus mais avec des monstres. » Justement, du côté des bébêtes, Godzilla va, pour la plus grande joie des fans, affronter toutes les bestioles de la Toho, seul comme un grand (il recevra quand même une petite aide de la part de Mothra, la mite géante). Ces affrontements en amuseront plus d’un, puisqu’on y voit des monstres se livrer à des prises de catch ou des techniques de projections contrastant quelque peu avec leur aspect pataud.

Du côté humain, la poignée de héros va tout faire pour pénétrer dans le coeur du vaisseau des Xiliens. Ozaki, de la Force M, aura fort à faire face au chef des Xiliens qui se la joue pas mal avec son beau manteau de cuir et ses attaques martiales très stylées. De son côté, le Capitaine Douglas Gordon en profitera pour revêtir le manteau du héros de Versus et prendre la même pose que lui, avec l’épée reposant sur l’épaule.

Le film se conclura ensuite sur un note de tendre espoir et de doux hymne à la paix et à l’amitié (comprenez une fin digne d’un épisode de Bioman) : mais chut, on ne va pas tout vous révéler et puis, de toute façon, vous devinerez sans doute ce qui se passera une bonne heure avant la fin du film !

Ridicule(s)

Disons le tout net, Godzilla Final Wars est un gigantesque nanar. Pour commencer, le film a été tourné à l’ancienne : ainsi, tous les monstres sont « joués » par des acteurs couverts d’une tenue de latex et incrustés en arrière plan. Le résultat contraste violemment avec la mise en scène nerveuse de KITAMURA et les techniques utilisées pour les scènes de combats ou de paniques dans les villes. A dire vrai, on a l’impression de suivre deux films superposés. « Selon moi, explique KITAMURA, le remake américain de Godzilla a peut-être fait un tabac, mais il n’a pas généré de fans. En général, les amateurs ont été déçus par le film. Pourquoi ? Simplement parce que la force de Godzilla tient à son aspect vivant et réaliste. Avec de l’image de synthèse, vous ne pouvez pas donner cette impression… Si vous prenez mon film Azumi, à la fin, l’héroïne affronte deux cent adversaires. J’aurais pu utiliser des images de synthèses, comme dans le Seigneur des Anneaux, histoire de simplifier le processus, mais les gens n’y auraient pas cru. Dans Godzilla, les monstres en latex donnent une impression de réalité bien supérieure. »

Ensuite, le film se trouve rempli de scènes ridicules ou kitsch, comme la présence du bébé de Godzilla, sorte de Casimir du pauvre, tout mignon, et qui attache même sa ceinture de sécurité lorsqu’il prend la voiture (oui, il a été recueilli par un petit garçon et son grand-père). Le Capitaine Douglas Gordon est quand à lui « interprété » par Don FRYE, combattant découvert dans l’UFC et le Pride (rencontres martiales mixtes, très violentes et populaires au Japon) : son jeu se limite à une expression de visage pendant tout le film (je tire la tronche). Ressemblant étrangement à Joseph STALINE et Mario Bros., KITAMURA a donné à FRYE tout un tas de répliques cultes, dignes des pires films d’action américains des années 80.

Histoire d’en rire

« Dans tous mes films, il y a toujours des scènes drôles. C’est un peu ma philosophie dans la vie : lorsque ça va mal, mieux vaut en rire et les choses iront mieux. Je n’avais guère envie de faire un film torturé avec Godzilla, je préférais amuser les gens. » KITAMURA ne ment pas : Final Wars se veut comme un film ultra-graphique et plein de légèreté. KITAMURA savait pertinemment en se lançant dans ce projet que pour bon nombre de spectateurs, Godzilla avait un côté ridicule. Un certain nombre de films de la saga ont vieillis et le célèbre monstre a même été transformé, un certain temps, en amis des enfants. Donc, KITAMURA ne pouvait éviter le kitsch et le ton parodique.

Nous regrettons toutefois qu’une autre optique n’ait pasété envisagée, celle du retour aux sources du tout premier film. Vraiment inquiétant et effrayant, Godzilla était un film paniquant, glaçant. Tourné en noir et blanc dans les années cinquante, la vision de ce long métrage fait encore trembler aujourd’hui… Avec les techniques modernes de cinéma, tourner un film de la même trempe aurait sans doute permis de faire de la créature la métaphore d’un nouveau phénomène. Nationalisme, terrorisme, peur de la fin du monde… Les sujets ne manquent pas. Au lieu de cela, Godzilla termine ici sa carrière comme un monstre cool, un vrai guerrier, mais plus du tout comme le symbole d’un crime contre l’humanité. Rappelons-le, Godzilla est né de Hiroshima et Nagasaki. Pour dire « plus jamais ça ! »

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