La production du début du siècle

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On considèrera ainsi la peinture d’HOKKUSAI et les études de KATSUSHIKA comme premières sources d’inspirations thématiques. Le théâtre est également à compter parmi les « arts ancêtres » de l’animation japonaise. Mais l’origine même de l’animation Mais avant de devenir cette industrie du divertissement, l’animation japonaise, comme tout art ayant connu une telle évolution, fut conçue, pensée et exécutée par des bâtisseurs qui eurent la lourde responsabilité de définir avant toute chose l’art et la manière de créer un dessin animé. Trois artistes japonais relevèrent le gant. Trois destinées d’animateurs pourtant brisées par ce défi incroyable, mais sans qui rien de ce qui suivit n’aurait vu le jour. C’était l’ère des pionniers, c’était l’année 1917.

remonte au XIXe siècle qui connaissait le Utsushi-e (littéralement « image projetée ».), sorte de théâtre d’ombre associé à une lanterne magique fonctionnant à l’huile de colza.
Le début du XXe siècle s’annonce prometteur. Le Japon commence en effet à découvrir les films des frères Lumière dès 1896. En 1906, le cinéaste américain James Stuart BLACKTON (1875-1941) découvre la technique du dessin animé image par image et présente la première animation de l’histoire du cinéma, Humorous Phases of a Funny Face (1906). BLACKTON est suivi de près par le caricaturiste français Emile COHL (1857-1938) qui est engagé par la Gaumont en 1908 pour animer ses dessins. Les films de ces deux pionniers sont importés au Japon où des projections publiques ont lieu à partir de 1910. Puis arrivent sur le sol nippon les oeuvres animées venant d’Europe et des Etats-Unis, dont celles de John Randolf BRAY (Colonel Heeza Liar Africa, 1913). La production d’animés destinée à une diffusion mondiale entame ses premiers pas. Entre 1914 et 1917, pas moins de 93 dessins animés (appelés « dessins de garnements ») sont projetés au Japon, qui commence à vouloir réaliser ses propres oeuvres.

C’est tout d’abord la création de la Tenkatsu, en 1916 qui amorce le courant nippon. Cette Société des Images en Mouvement (Tennenshoku Katsudôshashin) engage un célèbre caricaturiste de l’époque, SHIMOKAWA Ôten (1892 1973), pour produire le premier animé japonais de l’histoire : Le Portier Imokawa Mukuzô. Un défi remarquable pour SHIMOKAWA, qui dû apprendre « sur le tas » et par l’expérimentation, les lois encore indéfinies de ce nouvel art qu’il initia en janvier 1917 avec la première projection publique du Portier. SHIMOKAWA Ôten, né à Okinawa, s’oriente très tôt vers le dessin, devenant en 1906 l’élève de KITAZAWA Rakuten, grand dessinateur de manga. Il publie ses premières planches en 1916 avec Caricatures (Ponchi Shôzô). Abordant le cinéma d’animation en pionnier, il réalisera en tout 5 dessins animés avant, épuisé par l’exercice de défricheur et souffrant de troubles de la vue, de retourner à la caricature. SHIMOKAWA était surtout apprécié de son public pour ses BD de moeurs et son sens de la satire politique.

Parallèlement, une autre société voit le jour : la Nikkatsu (Nihon Katsudôshashin ou Société japonaise des Images en Mouvement). Celle-ci s’adjoint paradoxalement les services d’un artiste peintre aux inspirations occidentales connu notamment pour son travail à l’encre de chine : KITAYAMA Seitaro (1888 1945). Venu présenter ses projets à la Nikkatsu, il n’en était pas moins novice que SHIMOKAWA et initie les débuts de l’animation en papier découpé. Son premier film, La guerre des singes et des crabes (Sarukani Kassen) s’inspire d’un conte traditionnel du XIVe siècle et sera projeté (et ovationné) en mai 1917. Cette année-là, la Nikkatsu sortira rien moins que 17 dessins animés.
KITAYAMA Seitaro, né dans le département de Wakayama, était le fondateur d’une revue d’art et s’intéressait aux productions occidentales, de la peinture aux premiers dessins animés avant de se lancer dans la partie avec la Nikkatsu. Il créera son propre studio en 1921 (la Kitayama), assisté de 5 dessinateurs de talent, dont la production sera arrêtée par le tremblement de terre de 1923. KITAYAMA Seitaro ne se consacrera plus qu’aux films d’actualité et autres reportages, mais les assistants qu’il avait formés reprendront le flambeau pour recréer une production. Parmis eux, on retrouve YAMAMOTO Sanae, figure emblématique de la décennie suivante.

Troisième pionnier du début du siècle KOUCHI Jun Ichi (1886 1970) est affilié à la société de production et de distribution Kobayashi Shôkai, qui lui commande le premier dessin animé historique du genre en 1916. Le sabre flambant neuf de Hanawa Hekonai (Hanawa Hekonai Shintô no maki) est présenté en juin 1917 et remporte un franc succès auprès des critiques cinématographiques.
Né dans le département d’Okayama, KOUCHI est, à l’instar de KITAYAMA Seitaro, passionné de peinture occidentale. Il met néanmoins ses ambitions de peintre de côté pour rentrer chez Tokyo Puck, la société éditrice de manga où il débute comme dessinateur. KOUCHI Jun Itchi oscillera toujours entre le dessin de manga et la création de dessins animés, ce qui lui permettra notamment de « survivre » à la crise de l’animation générée par le tremblement de terre de 1923. On le retrouve donc en 1918 dessinateur de satire politique pour un quotidien, en 1923 il créé son propre studio (la Sumikazu) et réalise des animations de propagande politique, en 1930, le voilà à s’essayer au dessin animé parlant, pour redevenir par la suite dessinateur de manga. Une fois encore, c’est parmi ses assistants que l’on trouvera l’un des futurs grands noms de l’animation japonaise, puisque KOUCHI passera le flambeau à un certain… ÔFUJI Noburo.

Le succès était certes au rendez-vous dans les salles de projection, mais un premier événement va annihiler tous ces efforts : un grand tremblement de terre ravage Tokyo en 1923, entraînant avec lui nombre de studio et de matériel, brisant l’élan magnifique d’une génération de pionniers, ou du moins le retardant un temps. Ce n’est que 5 ans plus tard que la production retrouvera un rythme plus soutenu par la seconde génération d’animateurs, ceux-là même qui étaient assistants sur les premières productions. Dispensés de l’épuisant travail de défricheurs effectué par leurs aînés, ils seront à même de bâtir les premières lois fondamentales de ce nouveau cinéma et d’en éprouver déjà les limites. Toute la production d’avant guerre en témoignera.

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