Tibor, l’homme de l’ombre

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Le directeur de la publication est celui sur lequel chacun compte pour assurer le bon fonctionnement de la revue, et le responsable pénal en cas de litige… autant dire qu’il y a des postes plus confortables.

AnimeLand : Pourrais-tu nous expliquer ton arrivée à AnimeLand et les raisons de cette décision ?
Tibor CLERDOUET :
C’était il y a fort longtemps, AnimeLand était encore un fanzine. Olivier FALLAIX m’avait présenté aux personnes de ce fanzine déjà digne d’intérêt par rapport au monde de l’animation qui me passionnait et donc, par leur présence lors du festival de Corbeil-Essonnes, j’ai pu rencontrer les gens qui se cachaient derrière ce titre auquel j’étais abonné. Par ailleurs, je cultivais le souvenir des anime vus à la TV qui étaient pour moi des moments de délires, de loisirs, qui m’apportaient des histoires intéressantes et drôles. Juliette je t’aime ou encore Lamu, Signé Cat’s Eyes, Dan et Danny, j’avais une préférence pour les oeuvres rigolotes et romantiques.
Donc, on discute, on déjeune, et on finit par s’entendre. J’ai alors connaissance d’une mystérieuse pièce au cinquième étage d’un immeuble de la rue de Falsbourg, où il se tramait des choses particulières. Et puis au fur et à mesure je me suis aperçu que je pouvais apporter quelque chose à cette revue, par le biais de relectures, de corrections. C’est donc à ce titre que j’ai fais mon entrée dans le groupe.

AL : Plus particulièrement, que voulais-tu apporter à cette revue ?
T.C. :
En fait, j’ai vu que je pouvais être utile en particulier au niveau de la réalisation du magazine et du traitement des images. Le fanzinat n’y allait pas par quatre chemins pour reproduire les images, qui bien souvent étaient photocopiées puis imprimées, ce qui rendait plus ou moins un bon résultat. Malheureusement avec les possibilités de l’époque c’était tout ce que AnimeLand pouvait faire. J’ai pu montrer que par le tramage des images on pouvait avoir un meilleur résultat, et aussi par l’utilisation d’un petit scanner. Avec cela je fus plus présent à partir des numéros 8 et 9, et comme de part mon école j’imprimais déjà un petit magazine étudiant, j’ai pu faire profiter de mes connaissances et de mes contacts pour améliorer la qualité du magazine.

AL : Tu as écris pour AnimeLand ?
T.C. :
Non, pas vraiment. J’ai participé à un article sur les techniques vidéo, en soutient du rédacteur, pour apporter des précisions. Je ne suis pas d’un tempérament très expressif. De moi-même je n’ai pas la capacité pour exprimer d’une manière vivante, motivante, communicatrice, les plaisirs de lecture que je ressents. C’est une question de caractère, ce n’est pas mon genre d’haranguer les foules.

AL : Finalement tu te consacrais plus à la forme du magazine, à son bon fonctionnement, qu’à son fond ?
T.C. :
Tout à fait. C’est là où je me sens le plus à l’aise, et c’est ce qui m’intéresse en premier lieu. C’est ainsi que pour le numéro 10 j’achète le premier Macintosh qui va servir à la PAO, ce qui nous permettra de faire flasher des films pour l’impression, ce qui ne donne forcément pas le même résultat. C’est l’avènement du premier scanner couleur, qui nous permet de passer en pleines pages des planches de Takeru pour le numéro 10. Cela a inauguré toute une série de numéros aux multiples défauts du côté technique, nous avions des difficulté à maîtriser ces nouveaux outils, ce qui a donné des articles assez illisibles, mais nous avons très vite vu les erreurs et nous y avons pallié rapidement. Puis chemin faisant j’ai pris un peu plus de responsabilité par rapport à la logistique, au traitement des abonnements, à la gestion des anciens numéros.

AL : Quel était ton point de vue lorsque la discussion au sein d’AnimeLand porta sur l’opportunité de passer professionnel ?
T.C. :
C’était une aventure intéressante, on savait qu’on avait un public demandeur, pour avancer plus, il fallait faire évoluer la structure. Il y avait bien sur une grosse part d’inconnu, vu qu’on avait pas l’expérience de ce que cela allait devenir, mais cela s’est bien passé. On y a travaillé, et ça n’a pas été évident, concernant les soucis de délais à tenir notamment.

AL : En Octobre 97 tu prends la succession de Cédric LITTARDI en tant que directeur de la publication ? T.C. : Oui, c’était à l’occasion du hors série n°1. C’était l’évolution logique d’une responsabilité globale que j’assumais à cette époque puisque j’étais le gérant de la société qui éditait AnimeLand, et à ce titre il était normal que j’assume la responsabilité globale et pénale au niveau de la revue. C’est une lourde responsabilité, mais j’avais toute confiance en la revue. Et puis il n’y a jamais de lassitude dans ce travail, car il y a toujours de nouveaux problèmes à résoudre. Le contenu lui-même est toujours différent, générant de nouveaux problèmes.

AL : À cette époque tu travaillais aussi ailleurs ?
T.C. :
Pas encore… mais ça n’allait pas tarder. Le problème s’est posé très vite de la gestion de mon temps, mais je continuait à considérer mon travail à AnimeLand comme un plaisir, occupant mes temps de loisirs, de manière certes de plus en plus importante, mais toujours en activité de plaisir en plus de mon activité normale. C’est pour cela que j’y consacre mes nuits et mes week-end. Je vis cela comme un réel plaisir, et cela suffit à ma motivation.

AL : Quand dors-tu ?
T.C. :
Entre le restant de la nuit et le petit matin, ou tôt le matin. Les choses qui sont à faire, si je ne les fais pas, elles seront à faire encore le lendemain, donc il faut bien les faire. Je suis content du produit fini, de la qualité que l’on propose, et comme de l’autre côté le magazine se vend et a du succès, c’est une bonne récompense pour les efforts que je fourni.

AL : Que t’a apporté AnimeLand ?
T.C. :
Voir l’autre côté du mur m’a aussi beaucoup apporté. Avant je n’avais qu’une vision de salarié, je me suis rendu compte de certaines choses une fois devenu patron. J’ai pris conscience notamment de ce que pouvais représenter la colonne de droite (charges patronales) sur un bulletin de paye, de tout ce monde de l’ombre qui accompagne les responsabilités et dont il faut s’occuper. La gestion humaine aussi apporte beaucoup de questions auxquelles il n’est pas forcément facile de trouver des réponses, mais cela vaut la peine d’être vécu. Et puis AnimeLand a apporté beaucoup aux gens qui sont passés par sa rédaction, on a pu montrer qu’on pouvait vivre de sa passion car nombre de collaborateurs ont trouvé un métier dans les domaines de l’animation et du manga.

AL : Tu es perfectionniste ?
T.C. :
Oui. Maintenant, dans la vie, il faut aussi faire la part belle aux compromis, et j’en suis bien conscient et c’est ce que j’essaie de faire de manière réaliste.

AL : Quelle est ta vision du marché ?
T.C. :
Il y a eu des effets de mode, nous étions là avant ces effets pour dire bien haut que ce qui passait à la télévision ce n’était pas forcément le meilleur de l’animation, et pour aller contre les préjugés et mettre en avant les belles oeuvres. On a dépassé ces phénomènes de mode, et nous on a duré, et on s’est amélioré. Il reste toujours ceux qui aiment vraiment. Aujourd’hui, on sort de l’exclusif effet de mode, et on arrive à plus de stabilité.

AL : Pourquoi d’après toi n’y a t il eu qu’un seul magazine sur l’animation et le manga ?
T.C. :
D’autres fanzines ont essayé de se développer, on a eu la chance d’avoir de bons rédacteurs et puis d’améliorer sans cesse notre proposition, du coup on a été plus reconnu, plus lu, ce qui entraîne plus de succès et donc plus de moyens pour continuer à progresser. On a eu des bonnes personnes au bon moment. AnimeLand a pu ainsi durer là où d’autres se sont arrêtés. On a eu aussi une part de chance car les problèmes que l’on a du affronter n’ont jamais été catastrophiques et on a pu continuer à avancer avec force et cohésion.

AL : Pourquoi un site Internet ?
T.C. :
Le Net est un média de communication très intéressant et l’opportunité d’avoir une présence sur le Net nous a semblé une possibilité d’avoir un éclairage complémentaire à la revue et d’élargir le lectorat d’AnimeLand, de faire profiter d’une manière différente notre volonté de découverte constante de l’animation. Le Net peut servir de véhicule de l’information, et peut être un espace de diffusion au même titre que le cinéma, avec des techniques propres à l’outil ordinateur. Le débit par modem, les formats timbres postes et les problèmes de droits ne rendent pas ceci encore possible. Le public concerné par AnimeLand va beaucoup sur le Net, donc AnimeLand suit son public.

AL : Il y a aussi un autre mystère dans ton existence… France Five c’est quoi ?
T.C. :
J’ai des amis qui réfléchissaient depuis longtemps à faire un sentai sérieux, à la française. Répondant à la démarche narrative, au style de prises de vues, au cheminement de l’intrigue. Dans cette production, les gens ont pensés à moi pour le rôle du professeur. C’est un rôle important d’un professeur qui travaille dans l’ombre, donc cela me convenait parfaitement. Les épisodes 2 et 3 sont en cours de tournage et le 2 (trailer disponible sur le site de France Five www.francefive.com) est prévu en projection pour Cartoonist Paris 2001. Le réalisateur, Alex PILOT a écrit aussi dans AnimeLand un dossier sur les vidéos amateurs. Nous avons des contacts au Japon, et il existe aussi une version sous-titrée en japonais.

AL : Quel message veux-tu faire passer à ton public ?
T.C. :
Achetez-nous (rires) ! Plus sérieusement, j’espère que nous pourrons toujours l’intéresser, l’émerveiller, que le lecteur trouve toujours plaisir à nous lire, c’est plus un souhait qu’une déclaration.

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