Je veux bien revenir sur une vieille comparaison des mangas Maison Ikkoku / Family Compo que j'avais faite il y a longtemps.
ça risque d'être un peu décousu par contre, j'ai pas trop envie de me creuser la tête à faire un joli plan structuré.
Par contre je préviens d'emblée : nulle polémique à attendre ici, je ne veux pas faire une vaine comparaison qui dirait que Hojo a plagié ici ou là des éléments de l'oeuvre de Takahashi, car je n'en crois absolument rien. Par contre ces deux oeuvres me semblent partager un état d'esprit très proche qui nous permettrait de dresser un parallèle assez pertinent.
Ah ! Et une dernière chose : GAFFE AUX SPOILS ! ^^
Pour rappel, Maison Ikkoku raconte l'histoire d'une jeune veuve de 20 ans qui devient la concierge d'une pension tenue par sa belle-famille et peuplée de résidents… forts particuliers. L'histoire nous fait plonger dans le Japon à l'aube des années 80 et montrera la longue maturation de la relation entre le jeune résident Godaï et la jeune concierge.
Tout le génie de Maison Ikkoku tient en cette relation relativement inédite entre un jeune étudiant puceau, et à l'avenir très incertain, et une jeune veuve concierge plutôt tournée vers le passé, au moins au début du manga. Deux personnages que tout sépare, mais que l'amour – on s'en doutait un peu – va s'efforcer de rapprocher chaque jour un peu plus.
Ceux qui connaissent Maison Ikkoku savent aussi que le titre est loin d'être mélancolique et fait la part belle aux situations rocambolesques, absurdes, drôlissimes, le plus efficace des remèdes à la morosité. Maison Ikkoku est une oeuvre où défilent de nombreux personnages inoubliables et complètement dingues. Pendant 7 longues années, le lecteur fera plus ample connaissance avec eux.
Ce petit bijou du manga est à mon sens un classique que chacun se doit de posséder.
Family Compo raconte de son côté les innombrables déboires du malheureux Masahiko Yanagiba. Celui-ci devient orphelin et se voit proposer de venir vivre chez la famille de son oncle, dont il n'avait jamais eu de nouvelles depuis bien des années. Acceptant l'invitation, il va découvrir que… son oncle est en fait sa tante et que sa tante est en fait son oncle : c'est un couple de travestis ! Et ils ont une fille. Ce pauvre Masahiko finira par succomber aux charmes de sa cousine Shion et s'installer dans cette maison de fous.
Ici aussi l'histoire est centrée sur la relation ambiguë qu'entretiennent Shion et son cousin Masahiko. Frère et soeur ? Cousin et cousine ? Amoureux ? Hojo va jouer de toutes les possibilités qu'offre un couple pareil, au grand dam de Masahiko et pour le plus grand plaisir des lecteurs.
Family Compo a commencé en 1996, et l'histoire, à l'instar de celle de Maison Ikkoku, va elle aussi s'étaler sur plusieurs années, l'occasion de voir débarquer autour de nos héros d'autres personnages complètement barges, et là aussi de vite s'attacher à eux !
Donc, intéressons-nous d’abord aux héros respectifs de Maison Ikkoku et Family Compo :
Yusaku Godaï est un étudiant raté qui n’a aucune ambition au début du manga. C’est un branleur pur jus, incapable de s’imposer la moindre discipline pour s’en sortir. L’arrivée de Kyoko, la concierge, va bouleverser sa vie. Il va tout d’abord tenter de la draguer maladroitement, avant d’apprendre qu’elle est veuve, ce qui va très vite le calmer et lui remettre les pieds sur terre : comment, lui, pourrait-il bien séduire une veuve aussi jeune ?
Ce sera alors le début d’une grande prise de conscience pour Godaï, et d’un parcours du combattant pour réussir ses examens et trouver du boulot, condition sine qua non à toute proposition de mariage avec Kyoko. Pas évident quand on est un étudiant raté qui se l’est coulée douce pendant des années… Mais soit, Godaï a un but maintenant, et il finira par comprendre qu’il ne fait pas ça seulement pour la concierge, mais aussi pour lui, pour son épanouissement personnel.
Masahiko Yanagiba lui fait sa rentrée universitaire au début de Family Compo. Pas très futé lui non plus, il ne réfléchira lui aussi à son avenir que lorsque Shion lui parlera de son envie d’intégré elle aussi l’université. Pour autant ça n’ira pas plus loin : à la différence de Godaï, je ne me souviens pas que Masahiko ait choisi sa voie dans le manga. Mais l’élément déclencheur de sa prise de conscience sera Shion, tout comme Kyoko a été l’élément déclencheur pour Yusaku.
Bref, deux beaux loosers dans toute leur splendeur. Bon, on pourrait éventuellement être plus indulgent avec Masahiko qui a perdu ses parents, mais il nous tend le bâton ce crétin.
Faut dire : Yusaku et Masahiko partagent ce trait de caractère qui fait qu’ils se laissent très facilement influencés et emportés par les autres. Incapables de s’imposer ou de dire non, ces bonnes poires sont donc la cible toute trouvée des profiteurs en tout genre (les colocataires de Yusaku par exemple, véritables pique assiettes ; cet enfoiré de Tatsumi, yakusa looser de son état qui profite à fond de Masahiko) mais surtout sont incapables de refuser les avances des demoiselles qui veulent bien d’eux. D’où des triangles amoureux assez complexes et des situations bien tordues.
Mais avant de parler de ces fameuses fiancées officielles, parlons d’abord des élues de leurs cœurs :
Kyoko Otonashi est donc une jeune veuve qui prend l’emploi de concierge de la Maison Ikkoku suite au décès de son mari. D’apparence douce et mélancolique, au fil des chapitres on découvre en fait une Kyoko très caractérielle, colérique et fort jalouse. ^^
Tout le contraire de ce pauvre Yusaku en somme. Hantée par le souvenir de son défunt mari, c’est à peine si elle calcule Yusaku au début du manga. Mais le temps passe, et au fil des tomes, ses relations deviennent plus complexes avec cet étudiant amoureux transi d’elle.
Kyoko finit donc par se laisser emporter par la vie et par mener une vie sociale un peu plus riche et – fatalement – devient la cible favorite d’un jeune fils de bonne famille, Shun Mitaka, qui a vraiment tout pour plaire. Ainsi s’installe un autre triangle amoureux et un sérieux rival pour Yusaku. La rivalité durera sur quasiment toute la longueur du manga, et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’auteur aura su nous faire douter jusqu’au bout du choix de la belle (même si on y croyait pas trop quand même) !
Shun Mitaka, beau gosse ^^
Shion Wakanaé est donc la jolie cousine de Masahiko. Celle-ci – digne fille de ses parents – aime bien passer son temps à se travestir en garçon. Suite à une blessure amoureuse, elle a quelques tendances bisexuelles et n’hésite pas en jouer, ce qui trouble d’autant plus ce pauvre Masahiko. Ainsi, on ne pas dire que Masahiko ait de véritables rivaux (sauf Aï Asagi en fin de manga, mais c’est assez particulier), et doit plutôt lutter contre les tendances « garçonnes » de sa cousine.
Voilà donc posé nos couples de héros respectifs.
Chaque garçon se retrouve donc à devoir surmonter des luttes intérieures si je puis dire pour conquérir sa belle.
Yusaku devra se mesurer au fantôme du défunt mari de Kyoko, qui hante les pensées de la veuve, mais qui au fil des tomes finit surtout par venir hanter l’esprit seul de Yusaku, au point de créer un très mauvais malentendu en fin de manga entre Kyoko et Yusaku (leur première tentative de coucher ensemble se solde par une cuisante débandade de Yusaku à cause de ce pauvre Soichiro…). C’est ce qui étonnant dans l’évolution de ce couple : le défunt pèse de moins en moins sur le cœur de Kyoko, la douleur se transformant en paisibles souvenirs, mais devenant de plus en plus présent dans l’esprit de Yusaku. Ce lien invisible, cette présence fantôme construit le rapport complexe entre nos deux héros tout au long des tomes de Maison Ikkoku. Il y a un homme qui occupe l’esprit de Kyoko et c’est lui le nœud du problème pour Yusaku.
Pour Masahiko, c’est pas mieux ! Sa relation avec Shion n’est certes pas compliquée par un deuil quelconque (encore que c’est ici aussi la mort d’un proche qui a permis la recontre de ces deux-là) mais Masahiko doit lui aussi affronter les états d’âmes de l’élue de son cœur : Shion a une sexualité qui n’est pas encore clairement définie et doit composer avec sa « moitié masculine » qui occupe son esprit. Eh oui ! Point de défunt mari donc, mais un Shion garçon contre lequel il va être sacrément difficile de lutter pour ce puceau de Masahiko. Et cette moitié masculine va parfois s’imposer dans le manga ! Et oui, Shion n’hésite parfois pas à se travestir parce qu’elle se sent mieux à ce moment-là en tant que mec. Comment Masahiko peut-il alors avouer ses sentiments à Shion ? Il y a donc là aussi un homme qui occupe l’esprit de Shion et c’est aussi lui le nœud du problème pour Masahiko…
Pour se changer les idées nos garçons ont donc des fiancées officielles attitrées :
Kozué Nanao est la petite amie de Yusaku. Leur relation est très platonique, bien qu’ils sortent souvent ensemble et que Yusaku ait déjà rencontré les parents de Kozué. C’est une fille pleine d’énergie et naïve, qui s’impose très facilement à Yusaku. Leur relation évoluera très peu, Kozué attendant vainement que Yusaku la demande en mariage. Elle souffrira par moment de la distance qu’entretient Yusaku avec elle.
Yoko Asaoka est une ancienne camarade de classe de Masahiko qui va resurgir dans sa vie de façon assez cocasse. Elle aussi s’impose très facilement à lui, et leur relation restera elle aussi assez platonique… sauf que Yoko en souffrira bien plus que Kozué, au point de vouloir faire cocu à Masahiko (il s’en faudra d’un cheveu !). Personnage très intéressant, elle est bien moins naïve que Kozué et comprend vite que Masahiko est attiré par Shion. Du coup, elle est bien plus entreprenante qu’une Kozué.
Ces deux personnages connaitront finalement un destin similaire : lassées d’attendre l’engagement de leurs fiancés, ce sont d’autres garçons (complètement extérieurs à l’histoire) qui les sortiront de cette impasse en les demandant en mariage. Il est dommage que ces personnages en soit réduit à être au pied du mur pour quitter pareils indécis…
Mais dans les deux cas encore, c’est la solution de facilité trouvée pour laisser le champ libre aux garçons face à celles avec qui ils n’ont toujours pas encore éclairci la situation. Pour Yusaku, comme pour Masahiko, c’est encore une décision qui leur est imposée par les autres afin de faire évoluer leur situation personnelle.