Cette fois, il s'agit d'un dialogue pur. C'est-à-dire ardu pour moi, dans lequel on laisse au lecteur le soin de deviner les intentions. Mais avant tout, une précision:
Hermione et Ron, un jour après la bataille de Poudlard, Livre VII.
La scène se déroule dans le train de Poudlard, lors du retour à Londres. Ron et Hermione se sont isolés, tout comme l'ont fait Harry et Ginny.
Hermione: – Après tout ce qui s'est passé, tu ne crois pas qu'on devrait prendre un peu de recul, Ronald?
Ron: – C'est-à-dire?
– Je ne sais pas…on s'est embrassés…
– Tu m'as embrassé…
– Oui…bon, ça n'avait pas l'air de te déranger…
– Bah…non…
– Ce que je veux dire, on s'est embrassés dans toute cette agitation…
– Ah bon…t'appelles ça une agitation?
– …Ce chaos si tu préfères…l'ambiance de fin du monde…
– ça l'était un peu d'une certaine manière…
– N'avons-nous pas été trop pressés?
– ….Pourquoi m'as-tu embrassé, Hermione?
– …Je ne sais pas…l'impulsion du moment…ou alors…
– Non mais pourquoi moi?
– …Quoi?
– Pourquoi moi, Hermione? Pourquoi pas Harry? Ou n'importe qui d'autre?
– P…Parce que…enfin…je…qu'est-ce que tu crois? Que j'allais embrasser le premier venu? Que j'allais embrasser Harry? Tu me prends pour qui, enfin? Non mais vraiment! Il y a des fois où je ne sais pas ce qui me retient de te…
– Je t'aime, Hermione.
– Tu…quoi? Je…tu…hein?!
– Voilà…c'est dit…je t'aime, Hermione…moi, je t'ai embrassée parce que…je t'aime…
– …M…Mais…Ron…
– Tu sais, je comprends que beaucoup de gens se demandent ce qu'on fait ensemble. C'est vrai, on a peu de choses en commun. Tu es sérieuse, intélligente, douée, tu n'aimes pas le Quidditch, tu es terre-à-terre, tu es belle…moi, je suis lent d'esprit, boute-en-train, j'adore le Quidditch, on peut pas dire que je sois un perdreau de l'année…
– Mais tu es courageux, Ron, tu as du coeur, tu es drôle, tu es plus doué que ce que tu crois, et tu es…quelqu'un de droit et de généreux, on peut toujours compter sur toi…et…tu as beaucoup de charme…
– Oui…alors attention…parce que là…ça peut vite partir au quart de tour…et je vais virer au rouge tomate si tu continues…et j'avais pas fini…
– (Hermione laisse s'échapper un petit rire cristallin)…Pardon, continue…
– Oui…voilà…donc…on n'a pas grand-chose en commun…mais on se rejoint sur un truc: on est tous les deux maladroits quand il s'agit des choses…de l'amour…
– …Oui…je vois ce que tu veux dire…
– N'est-ce pas?
– Ron…je…
– Attends, Hermione…je ne t'oblige à rien, il ne s'agit pas de chantage mais juste d'une constatation.
– Je sais, Ronald, je sais…Je t'aime, Ronald…
– …Bah voilà…j'ai l'air fin maintenant, avec le visage rouge tomate…
– Je t'aime, Ronald…je t'ai embrassé parce que je t'aime…c'était une évidence à mes yeux, sur le moment…parce que je crois que…les années ont passé sans que je ne puisse te le dire…
– Et…donc…
– Oui…ça n'avait rien de précipité, c'est juste que…nous…
– …Sommes tous les deux maladroits pour…ce genre de choses…
– Cependant, je crois que…l'amour est une chose dont on ne devrait jamais parler…
– On ne devrait jamais se dire qu'on s'aime?
– Si, bien sûr, mais dans ce cas-là, il s'agit de montrer à quelqu'un qu'on l'aime, en lui disant, où…en l'embrassant…
– Ah bon…parce que ça, j'adore…pour tout te dire…
– Oui…moi aussi…il y a plusieurs façons de montrer son amour…ou de le prouver…
Hermione: – Mais parler d'amour…je trouve que c'est l'apanage des beaux-parleurs, des briseurs de coeurs, des Don Juan. Parler d'amour, c'est sortir des mots vides de sens, de l'esbroufe, des artifices.
Ron: – Tu veux dire séduire quelqu'un? Lui sortir des poêmes? Donner une définition de ce qu'aimer représente?
– Oui, un peu des trois…encore que l'on peut montrer son amour par un poême, mais pas un poême existant. Quelque chose qui vient de son propre coeur, pas quelque chose de factice, de recopié…
– C'est vrai que tu es une amoureuse des livres…
– Des livres et d'autres choses…
– Ce Don Juan dont tu parles…
– C'est ce qu'on pourrait appeler un amoureux cynique, un usurpateur, un flatteur. Et je déteste ce genre d'hommes, qui font tout reposer sur les apparences et non les actes ou les intentions.
– Alors tu préfères les…
– Les Don Quichotte!
– Les Don qui quoi?
– Don Quichotte, Ron! C'est un personnage de roman moldu, l'antithèse de Don Juan, l'archétype du héros généreux et naïf, qui ne cherche aucune gloire ni récompense quand il vient en aide aux opprimés.
– Oh! Je ne saurai te dire pourquoi, mais ça me plait bien, ça!
– Depuis que j'ai l'âge d'aimer, c'est de ce type d'homme dont je suis amoureuse…
– Eh bien…alors, je vais m'effacer et te laisser dans les bras de ce Don Quichotte…
– Idiot…c'est toi mon Don Quichotte!
– Oui, je le savais mais…je ne voulais pas donner l'impression de me vanter!
– Mon bel Hidalgo!
– Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais j'adore le ton que tu prends!
Hermione: – Et toi?
Ron: – Moi? Tu veux dire…
– Oui…pourquoi tu m'aimes?
– Eh bien, je suis désolé, Hermignonne, mais ça n'a rien de romanesque.
– Quelque chose de romantique, au moins?
– Plus dans ce genre là, oui…tu sais ce qui m'a d'abord plu, chez toi?
– Mes dents proéminentes?
– Non!
– Tant mieux, sinon tu m'aurais fait regretter de leur avoir fait prendre une taille normale en quatrième année!
– ça ne m'a jamais gêné, tu sais. Non, c'est ta voix. La façon que tu avais de t'exprimer.
– Tu veux dire que la petite pimbêche hautaine et prétentieuse de première année t'avait charmé par sa façon de te faire la leçon?
– Evidemment, au début, tu me hérissais le duvet. Mais je me rendais compte, à contrecoeur, que quand je pensais à toi, et à tes monologues, je me mettais à sourire. Au fond, je te trouvais craquante, même si je le niais de toutes mes forces. J'ai toujours eu un faible pour les chieuses, Aïe!
– Oui, j'ai vu ça, avec Lavande…
– Tu aimes bien me pincer, toi…
– Je dois t'avouer que le jour de notre première rencontre, dans le train, si je suis revenue ensuite, après votre "dispute" avec Malefoy, Crabbe et Goyle, c'est parce que je t'ai vu prendre la défense de Harry. Tu ne t'es pas enfui, c'est ton courage ce jour-là, qui m'a touchée en premier!
– Oui, enfin, ces crétins m'ont surtout insulté, moi et ma famille…
– Tu n'as jamais laissé tomber Harry, Ron, jamais…
– Sauf une fois…
– Ron! Tu sais bien que ce jour-là…
– Et tes cheveux! J'ai toujours adoré tes cheveux! Je ne sais pas si je te l'ai déjà dit mais, j'adore quand tu les relâches!
– ça t'aura sûrement échappé, une fois…
– Et ton coeur…que tu as très joli…tu le portais comme un étendard…tout en mettant tes mains devant, de peur qu'il ne se brise…
– Ron…
– ça m'est venu comme ça…ça va? ça fait pas trop Don Juan?
– Au contraire…ça fait plus Don Quichotte!
– Génial!
Hermione: – Tu es sincère?
Ron: – Avec toi, toujours…c'est bien ça le problème…
– Pourquoi?
– Ben, tu le sais, je suis pas une flêche…est-ce qu'un jour, tu ne risques pas de te dire: "Qu'est-ce que je fous avec ce gros gros con?"
– Ron…arrête de te dévaloriser…tu es un héros…
– C'est pas incompatible avec un con…
– Mais tu n'es pas "con"…
– Des fois, je m'demande, quand même…je suis impulsif, je regrette après, mais j'ai quand même fait des trucs stupides…
– Quelqu'un de "con", c'est quelqu'un qui n'a aucune conscience de ses limites, ou de celles des autres…reconnaître qu'on est impulsif, c'est justement la preuve absolue qu'on est tout sauf un "con"!
– …Tu vois, c'est ce coeur-là dont je te parlais. Tu as toujours été comme ça, compatissante, chaleureuse, compréhensive…et tu sais, je comprends ce que tu voulais dire par "montrer son amour".
– …Oui?
– On ne peut pas parler d'amour, parce que l'amour, en soi, n'existe pas. L'amour n'est pas un mot, c'est une preuve. Là, tu me regardes, et je ressens ton amour. Quand tu me parles, quand tu m'embrasses, quand tu me touches, je ressens ton amour. Ton amour se trouve dans tes pensées, dans tes gestes, dans tes actes, dans tes paroles. Il ne s'exprime pas à travers toi, c'est toi, l'amour. Mon amour.
Harry s'est sacrifié pour nous, et ce geste désinterressé nous a protégé de Voldemort. C'était son amour, un acte de valeur, une preuve vivante.
– …Ce ne sont pas là les paroles d'un "con"…Ron, je t'aime de tout mon coeur…
– Je t'aime, Hermione. J'aime ton sourire, j'aime quand tu fronces les sourcils et qu'un pli se forme entre eux quand tu ne trouve pas la réponse à un problème. J'aime quand tu me remets en place, j'aime quand tu rougis de crainte d'avoir dévoilé tes faiblesses. J'aime entendre le son de ta voix. J'aime quand, de colère, elle monte d'une octave. J'aime tes regard accusateurs, j'aime sentir ta main chaude contre la mienne, j'aime te voir dormir. Je n'aime pas te voir triste mais j'aime te prendre dans mes bras pour te consoler. J'aime ton odeur, j'aime la façon dont tu te passes les mains dans tes cheveux pour vérifier qu'ils ne sont pas trop ébouriffés. Je t'aime, Hermione.
Jusqu'à la fin du voyage, Ron et Hermione sont restés collés l'un à l'autre. Ils sont même restés ensemble pour aller chercher les parents d'Hermione et leur rendre la mémoire. Malgré l'insistance d'Harry, ils refusèrent son aide, moins pour le laisser se reposer chez les Weasley que pour rester en couple, ce qu'il comprît parfaitement.
"With the first link, the chain is forged. The first speech censured, the first thought forbidden, the first freedom denied, chains us all irrevocably." -Jean-Luc Picard
Star Trek - The Next Generation / The Drumhead