Bon, dans la lignée des Balzac Kraus & cie, j'ai un mépris énorme pour une part importante de la presse et plus globalement des structures médiatiques. Et pour une fois, je vais les défendre.
Bub lorsque tu relatais les retournements de veste de Giesbert et Barbier….c'est franchement exaspérant de voir de telles choses se produire et reproduire ad vitam eternam et ad nauseam SANS AUCUNE réaction collective de la profession. Le vice absolu est qu'au nom de la liberté d'expression, on se permette de dire tout et son contraire avec le ton d'un procureur, d'énoncer des "analyses" insourcées, infondées, aussi péremptoires qu'une bûche de chèvre sous un cagnard de plomb (Bernard Guetta sur France Inter en est un bel exemple). Giesbert est une calamité qui manie l'art du funambulisme. Critique quand le pouvoir tourne (il a attendu que Chirac soit sur le déclin pour écrire un livre sur lui) docile quand il se montre solide.
Et là oui, ils sentent le vent tourner. Comme au moment de la crise financière. On psalmodie louanges et bénédiction au marché, le consensus est tel qu'on se pince la peau pour se dire que non, il n'y a pas d'épiscopat médiatique. Or, quand le dogme s'effondre on parle de "talibans du marché". Et on fait comme Julliard, on permute du courant continu au courant alternatif en allant du Point à Marianne, plus sévère, plus engagé…
Et donc comme ce soir sur France 2, la presse s'interroge sur elle-même. Et comme très souvent c'est nul.
Peut-on reprocher à la presse d'avoir dissimulé quoi que ce soit ? Comment la chose aurait-elle pu se faire ? Peut-on faire un dossier spécial ou une enquête "DSK et les femmes" ? Oui, le Point est très fort là dedans. Sources anonymes portant caution à des bruits de couloir. Des phrases du genre "selon un membre du PS qui désire garder l'anonymat, il est évident que le rapport que DSK entretient avec les femmes est problématique bla bla bla bla"
Mais ce n'est pas du journalisme, c'est du commérage étoffé. Que peut-on et que doit-on faire d'une réputation ? Imaginez qu'un journal sorte cette enquête. Elle aurait fait un tollé à gauche : "allégations infondées", "manœuvres de déstabilisation". La droite s'en serait emparée mais au final pour y gagner quoi ? Qu'aurait-on su de suffisamment solide ? Et pour en faire quoi ? Est-ce que cela aurait dissuadé DSK de se présenter aux présidentielles ? Peut-être. D'exercer son métier avec un comportement plus décent ? Je ne sais pas. En tout cas ça aurait fait un article aussi moyen que celui-ci
Le témoignage de la jeune femme qui raconte la tentative de viol qu'elle aurait subi aurait pu être un bon angle. Mais là idem, ce seul témoignage aurait-il été considéré comme solide ? Ne se serait-on pas acharné sur cette femme ? Autrement dit à mon sens on en fait un peu trop sur cette affaire. Du moins sur la question "nous savions mais nous n'avons rien dit" sur une affaire privée c'est compliqué. Un humoriste (en l'occurence Guillon) peut attaquer sur ça. Il peut caricaturer un trait de caractère et faire une satire. Mais un article est censé se fonder sur des éléments factuels solides. En l'occurrence des plaintes, et si témoignages il y a, il en aurait fallu plusieurs et de très solides. Mais, à notre connaissance, personne ne s'est manifesté non ? C'est triste et ça prouve à quel point il est dur de mener un combat contre le harcèlement ou le viol
Ce qu'il faut interroger c'est le sexisme présent en France. Ne pas personnaliser le débat autour de DSK mais au-delà , d'interroger la question des rapports de domination hommes/femmes encore substantiels en France. Dans le monde du travail, de la politique. Là ça pourrait être intéressant. Ecrire quoi que ce soit sur une réputation ne mène à rien…donc je crois que la presse française doit surtout se remettre en question sur son silence vis-à-vis des questions d' harcèlements, de sexisme ou machisme et non de savoir si elle aurait du dire quoi que ce soit sur DSK.
pour un panorama critique de la presse, lire le dossier en cours sur acrimed. premier volet
deuxième volet
troisième acte.
Ce qui m'a choqué c'est qu'on oublie que tout le monde ne peut pas porter caution à hauteur d'un million de dollars, de proposer un dépôt de garantie de 5 millions d'hypothéquer sa maison. Et voir le sourire de Maryse Burgot à l'annonce qu'il allait être libéré…Un personnage puissant en prison comme le commun des mortels et c'est la stupéfaction dans les rédactions. Ils sont tellement habitués à la relax ou au non lieu que bon l'un d'eux à la case prison c'est juste terrifiant quoi…
ps: il y avait ce matin une bonne émission sur France Inter, Service Public sur la "France ignorée des médias". Voici le lien, c'est donc l'émission du 19 mai