Du côté de chez Swann.
Loin de moi l’idée de faire une critique de ce livre. Mon niveau est bien insuffisant pour que je puisse me le permettre. Quand je cite mon niveau je parle autant de développement intellectuel, que de maîtrise de ce sujet extrêmement vaste que représente la littérature. Je parle aussi de mon niveau en ce qui de nos jours est devenu obsolète pour une majorité de personne (une erreur en soi, pas d’un point de vue moral – non que cela soit hors de propos: défendre une langue, donc une culture, un trait spécifique d’une population peut être considéré comme relevant de la moralité. – mais une erreur pratique, tant les personnes possédant le pouvoir sont sensibles à ce que la culture de leurs futurs subordonnés soit conséquente, ne serait ce que pour être sûr de ne pas, justement, voir une lettre signée de leur nom bien qu’évidemment tapée par un autre, remplie de fautes d’orthographes particulièrement décrédibilisantes dans leur milieu.), ma grammaire.
Ainsi du bas de mon niveau que je considère comme bien qu’assez supérieur à la moyenne, tristement anecdotique une fois comparé aux grands esprits ayant peuplé cette planète, je vais tenter de faire un résumé de ce qu’est devenu ce livre pour moi. Et par la même occasion tenter de donner à ceux qui ne connaissent pas encore Proust le courage de se lancer à l’assaut d’une montagne certes terrible (et qui le prouva en laissant nombre des inconscients pensant ouvrir un roman normal, sur le carreau, le livre fermé sans avoir eu l’opportunité de ne tourner plus que quelques pages) mais qui une fois gravie m’offrit une vue spectaculaire. Peut être plus encore que le sommet, fut-ce le trajet qui me gonfla de pensées et sentiments au point de me sentir soudain plus que je ne pensais pouvoir l’être.
Mais passons à ce que ce livre a de particulier.
En tout premier lieu on pourrait citer le talent de l’auteur, qui n’est évidemment pas reconnu comme un génie sans raisons… mais quel argument banal et inutile a quiconque eu le plaisir de saisir dans sa mesure la prose de Proust. D’ailleurs je ne le trouve pas des plus convaincant pour ceux qui justement jamais ne furent familier avec cette prose.
Donc en premier lieu je citerais la singularité. Plus encore si l’on est un habitué du roman contemporain. En effet, nombreuses sont les choses que vous pourrez lire chez Proust, sans avoir l’impression de les avoir déjà lues. (Sentiment qui pour ma part est omniprésent lors de mes lectures plus contemporaines, bien que je doive l’avouer je n’ai jamais lu aucun Goncourt (mais ça viendra, d’abord les classiques, puis viendront les génies et talentueux de notre ère), ceci prouvant une fois encore les abîmes effrayants qui hantent cette mer intérieure qu’est ma culture!) Proust mène son récit, dans ce premier volume à son rythme. Insistant (parfois à la limite de l’outrance) sur ce qui lui semble le mériter (peut être pour une vision plus claire de son œuvre du lecteur par la suite? Simple supposition) .
La singularité se ressent aussi au niveau de la prose elle-même, souvent complexe, parfois lourde, mais toujours juste, et pour celui qui parviendra, à force de concentration (et d’habitude, les débuts sont compliqués mais on se fait à tout) à saisir les nuances de son discours, combien alors sera-t-il frappé de la subtilité de ces dernières, de leur nombre, de leur force évocatrice (qui parfois nous fait nous sentir plus proche de cet être singulier que Proust nous décrit, que de tout autre être vivant que nous pourrions croiser). La nuance est la force de Proust. Il parviens à faire passer les états d’esprits de ses personnages, en mots, qui de là, une fois encrés dans notre conscience redeviennent alors ces mêmes états d’âmes!! Et cela sans les artifices habituels! Ici pas de morts dramatiques et dramatisée (toute mort est dramatique mais il n’appuie pas sur ce qui d’habitude cause les plus grands moments d’émotions lors de nos lectures), tout est dans le quotidien, dans les pensées, dans les détails.
Et pourtant quelle vision générale en ressort alors! Tous ces détails ne pouvant bien sur être pris en compte par notre cerveau, celui-ci ne garde que ceux qui l’intéresse et qu’il peut traiter, ainsi nous trouvons nous face à cette vision générale qui quand par caprice on tente de se prouver qu’elle ne peut être si complète, de nouveaux détails, si réels, ressortent à la relecture. (suite à ceux, venant de notre vécu mais retranscris dans son univers, mais aussi à ceux dont nous nous souvenons de notre ancienne lecture et qui venant de leur origines respectives nous inspirent de nouvelles pensées, nous font remarquer de nouveaux détails qui nous avaient échappé).
Voilà pour ce qui est de sa singularité.
Ce qui nous emmène sur la piste de mon deuxième argument à destination de ceux qui comme moi il y avait encore peu de temps n’ont pas encore plongé dans les méandres tortueux (et parfois douloureux) de la prose de Proust. Et cet argument peut paraître fastidieux, car il s’agit de la richesse du vocabulaire de celui que certains considèrent comme étant le plus grand écrivain de son époque (d’ailleurs non si ancienne puisque qu’il y a cent ans de cela ce roman (« Du coté de chez Swann ») n’existait pas (tout du moins pas sous sa forme actuelle)), voire le plus grand de tous. Et son vocabulaire justement est stupéfiant de diversité. J’ai rencontré dans ce roman plus de mots inconnus de moi que durant les dernières années de ma vie!
Viens le bémol. Ce roman est parfois… trop intellectuel. Trop réfléchi, trop dirigé vers des descriptions qui si elles font indéniablement la richesse du style de Proust, sont aussi des freins terribles à l’envie de tourner les pages alors que l’on sait déjà combien elles nous apporteront! Souvent ai-je reposé mon livre à peine quelques pages tournées pour ne le rouvrir que des jours plus tard, sachant devoir affronter pour avoir jeté un coup d’œil curieux, des descriptions d’églises, de clochers, de vitraux ou au mieux de tourments amoureux sur des pages et des pages, ce qui même avec tout le talent du monde est difficilement rendu passionnant!!
Je suis pourtant convaincu de l’utilité de ces descriptions qui nous font entrer dans le monde du narrateur. Je pense même que sans ces descriptions je n’aurais pas autant été marqué par ce roman.
« Et l’histoire?! » me direz vous.
Et bien il y a très peu à dire sur l’histoire, il n’y a pas d’intrigue à proprement parler. Tout du moins pas d’intrigue déclarée autre que celle d’un homme qui revient sur son passé, son enfance plus précisément et sur le passé d’un autre homme, dont je ne sais toujours pas après ce roman, qui n’est que le premier de la série nommée « A la recherche du temps perdu », ce que sera son rôle dans la vie du narrateur!
Mais l’intérêt principal est pour moi loin d’être l’histoire dans son déroulement, mais l’histoire dans sa compréhension, dans ce lien qui se crée avec le narrateur, que l’on comprend dans ses peurs et ses joies alors que sa vie est sur tant de plans différentes de ce que, nous, vivons aujourd’hui.
Mais mon argument final est celui là même qui m’insupporte chez les nouveaux chrétiens (je ne suis pas trop fan des anciens non plus mais leur vision est différente sur ce point) qui pour convaincre partagent leur « témoignage »…Procédé qui ne m’as finalement qu’agacé car, sans justification autre que des sentiments; aucun appel à ma raison, qui, peut être d’orgueil, ne le supporta pas!
Et c’est sur ce point que je vais différer: Je conseille ce livre car il ma plu. Et comment vais-je justifier qu’il m’a plu? C’est très simple, ce livre vit avec moi depuis que je l’ai lu. Il est dans ma façon de lire d’autres livres, dans ma façon d’apprécier autrui, et quand plus rien n’active mon cerveau, ils reviennent, les personnages de ce roman, je me dis que Swann dans son amour issu d’une habitude menacée me ressemble, je me dis que le narrateur dans son façonnement de l’image de celle qu’il aime par son besoin qu’elle l’aime en retour, me ressemble aussi, et je me dis que Proust décidemment était quelqu’un que j’aurais aimé connaître.
Et bientôt, (après avoir lu « Le nom de la rose » d’Umberto Eco), je me plongerais d’autant plus heureux dans le deuxième volume de cette série, « A l’ombre des jeunes filles en fleurs », que d’une part son titre est une douceur pour mon cerveau, une décharge d’endorphine douce et délicate, et d’autre part que d’un avis précieux pour moi j’ai appris que cette première partie du grand roman de Proust n’était pas la meilleure! Oh joie! Le meilleur est devant moi!!
En espérant, d’abord, n’avoir pas encombré le forum ^^°, et ensuite avoir convaincu ne serait ce qu’une personne que l’effort de lire Proust est récompensé au centuple!