Une idée qui m’est venue comme ça : Dans les BD occidentales on mange très peu, avec une (grosse !) exception, Obélix évidemment (et les autres Gaulois, seulement au banquet de dernière page). Tintin ne mange jamais, et si dans “Le Sceptre d’Ottokar” il commande pour son enquête un repas dans un restaurant syldave, il ne le consomme pas. Haddock boit très souvent mais ne mange pas non plus. Averell Dalton aimerait manger mais n’a guère l’occasion d’un vrai repas, il prend ce qu’il trouve, herbe, savon… Un rare morfal occidental, Pirlouit, mais pas Johan. Je ne me souviens pas d’avoir vu Corto Maltese à table, et je les ai tous lus. Le héros, personnage d’élite, n’est presque jamais montré occupé à manger. C’est trivial, et il n’a pas de temps à “perdre”.
Dans le manga c’est très différent : on mange beaucoup et on s’occupe du repas ! On pense tout de suite à Son Goku, cet aspirateur à bouffe, mais n’oublions pas que c’est pour avoir de l’énergie, ou en récompense de celle qu’il a dépensée. Un peu comme lui, Ryô Saeba festoie (et boit) souvent, sans raffinement aucun ; alors que Cobra, lui, déguste d’excellents vins. “Les Gouttes de Dieu” sont un sommet pour cette boisson. Les séries et mangas totalement centrés sur l’art culinaire surabondent, tel “Le Chef de Nobunaga”, entrant dans des finesses à ridiculiser les critiques du Gault et Millau. Seuls quelques très rares héros / héroïnes ne sont pas montrés à table ou au café / salon de thé. En fait il ne me vient que la jeune peintre Arte en exemple.
Je connais très mal les comics à superhéros, mais mon impression est qu’ils ne mangent pas, ni ne boivent. Bien sûr d’autres comics US ont des morfals, tels Garfield ou Scoubidou, mais il semble qu’en Occident le mangeur-buveur est un personnage comique, un “clown” avide de malbouffe ou seulement de gras morceaux. Au contraire, au Japon : Kiyo dans “La Maison des Maiko” est applaudie pour ses talents de cuisinière, et l’autrice donne des pages de recettes et conseils entre chaque chapitre. De même chaque chapitre de “La Cantine de Minuit” ne fait que décrire et développer un plat de saison courant mais qui a marqué intimement un des habitués. Dans “Golden Kamui”, Sugimoto et Ashirpa se montrent extrêmement amateurs de gibiers et poissons locaux, de vrais gastronomes ! Caïman dans “Dorohedoro” est un fan absolu des gyôza de Nikaido. “The Commonbread” est centré sur une nourriture sacrée : c’est un crime d’en préférer une autre. Etc.
Bref, si un fort contraste Occident / Japon existe, c’est sur la nourriture, ou plutôt le fait de manger, de le montrer, de s’y intéresser. Vous avez sûrement des compléments, arguments, contre-arguments sur ce thème ?