Voici un anime atypique de type seinen dont on parle peu et que j’ai (trop) rapidement dévoré : il s’agit de Red Garden, du studio Gonzo.
Petit résumé : New York. Kate, Rachel, Claire et Rose sont des jeunes filles que tout sépare : personnalité, catégorie sociale, cadre familial… Leur seul point commun est le lycée Roosevelt qu’elles fréquentent, et une amie qu’elles ont en commun : Lise.
Un matin, le cadavre de Lise est retrouvé dans la forêt. Dans un même temps, nos quatre jeunes filles sont prises de malaises et de troubles de la mémoire : que faisaient-elles la veille au soir ? Impossible de s’en souvenir…
Suivant d’étranges papillons rouges les guidant vers un même lieu, elles y retrouvent deux individus mystérieux et qui leur font alors une terrible révélation. Une révélation qui va complètement bouleverser leur vie et balayer l’insouciance de leur jeunesse…
Red Garden est un très bel anime, avec un final qui vous mettrait presque la larme à l’œil juste parce que c’est beau. Personnellement si je devais donner une note sur 20, je n’hésiterais pas à mettre un 17, voire un 18.
Ce qui frappe au premier abord, c’est l’aspect graphique. Très particulier, presque « shôjouille », j’ai tout d’abord cru que je n’allais pas m’y faire : vaste erreur. On s’habitue très vite au chara-design, aux traits bien occidentaux de certains protagonistes (le nez en trompette de Rachel était osé pour un anime), on finit vraiment par l’adorer. Chaque personnage est unique, autant psychologiquement que graphiquement. Les designers se sont lâchés et c’est un véritable défilé de mode, chaque personnage arborant des tenues toutes plus originales et fashions les unes que les autres, collant parfaitement à son style. Le lycée étant américain, point d’uniformes (sauf pour le conseil des étudiants), mais un festival de couleurs et de genres, chaque personnage changeant de tenue au moins à chaque épisode. Les eyecatchs sont de petites œuvres d’art à eux seuls, dessinés sans aucun doute par des passionnés de stylisme. L’opening (voir image au-dessus) est également un feu d’artifice de couleurs, conçu à base d’un système de trames déjà expérimenté dans Gankutsuou, mais ici vraiment mieux maîtrisé. La chanson d’ouverture, à consonance jazzy, nous plonge d’office dans le rêve américain, un New York éclatant, ville de lumière et de couleurs. Les paroles sont d’une futilité déconcertante, on se demande quel genre d’anime on va regarder.
Pourtant, comme les héroïnes, on tombe très vite de la futilité vers un monde sombre, glauque et violent, pour en ressortir brusquement, y retomber, en ressortir…. Voilà le paradoxe Red Garden, paradoxe qui va aller s’estompant lorsqu’on commence à mieux cerner le propos de l’anime. Particulièrement focalisé sur la psychologie de ses personnages, la série explore d’une façon extrêmement fine et sensible les différents aspects de leur personnalité, leur quotidien, leurs rapports aux autres (famille, camarades de classe, amis…) pour en brosser des portraits incroyablement humains. Alors que le graphisme sonne davantage « shôjo », l’histoire aurait facilement pu basculer dans le shônen mais il n’en est rien. Ici point de nekketsu ou de gloire ; juste quatre filles qui n’ont rien en commun, et des « victoires » au goût amer… Le début de la série est particulièrement éprouvant et violent psychologiquement. Face au danger, point d’héroïsme soudain, de révélation d’un futur héros en puissance : juste des filles qui hurlent, qui se cachent, qui tentent de s’échapper, une débandade rarement vue et qui somme toute, est plus proche de la réaction que pourrait avoir n’importe lequel d’entre nous dans la même situation. Certains diront que le côté psychologique de la série ralentit le rythme et n’a que peu d’intérêt ; je pense que le propos réside justement dedans, et que si l’on n’aime pas il vaut mieux passer directement son chemin. Crises existentielles ou joies de la vie quotidienne, nous partageons tout avec les quatre jeunes filles et observons leur évolution personnelle (impressionnante, et pourtant dosée si justement au fil des épisodes), et l’évolution de leurs rapports entre elles. Tout manichéisme est balayé pour tous les personnages, présentés avec leurs bons et leurs mauvais côtés, leurs motivations et leur complexité d’être humains.
Lula, dont la personnalité est un parfait exemple de ce refus du manichéisme.
Le récit quant à lui, bien ficelé et maîtrisé, nous délivre juste la bonne quantité d’informations et de rebondissements pour nous tenir en haleine, si bien que les épisodes s’enchaînent et qu’on ne s’ennuie pas une seconde. Ralentissements puis accélérations soudaines, certains épisodes sont des coups de massues avec des scènes vraiment poignantes. Opposition adultes / adolescents, hommes / femmes, humanité / monstruosité, cycle vie / mort / renaissance (symbolisé par le papillon), de nombreuses interprétations et réflexions sont possibles tant le fond est riche. L’histoire me semble un brin féministe et une piste est peut-être aussi à creuser dans ce sens, je pense d’ailleurs que le public féminin sera encore plus sensible et se reconnaîtra volontiers dans les portraits de femmes si justes que brosse la série.
Côté musique, en opposition à l’opening jazzy et léger, on trouve des ending bien rock à la limite du punk (un peu comme Gankutsuou, opening doux et ending violent), chansons assez connues du groupe de visual LM.C. (« Rock the LM.C » et « Oh my Juliet »). Des messages « subliminaux » sont dispersés dans l’anime (sans doute négociés par la production pour exploiter les chansons : logo, membres qui apparaissent…) : ça amusera les fans, personnellement à force j’ai trouvé ça lourd… Mais ce genre de détail ne gênera pas les gens qui n’y connaissent rien en J.Rock.
Curiosité musicale dans certains épisodes : des passages… chantés par les héros ! Etrange, mais finalement pas plus que l’ambiance en règle générale : tantôt mystérieuse ou banale, dangereuse ou insouciante, affreuse ou sublime…
Même si certaines questions resteront en suspens à la fin de la série, le tout semble vraiment achevé car son propos y est bouclé.
L’histoire de Red Garden, bien plus que le récit classique d’un passage de l’enfance à l’âge adulte, est une leçon de vie. Plongés dans l’horreur, la mort et la dépression, les personnages se relèvent et apprennent à redécouvrir et à aimer l’existence. Incroyablement optimiste et magnifique, cet anime va vous donner envie de sourire et d’aimer les futilités et la vie de tous les jours ; l’envie de porter un regard nouveau vers le quotidien dont nous ne voyons plus, à force de l’avoir sous les yeux, la lumière et les couleurs.
« La vie n’est pas une progression lente vers la mort, c’est le chemin vers la renaissance. »
