Seirei no Moribito est un anime exceptionnel produit par le studio IG, malheureusement encore trop peu connu (pas encore licencié) et qui mérite amplement d'être mis en avant dans un topic propre. S'il fallait le classer dans une catégorie, il serait indubitablement classé seinen.
En quelques mots, cet anime raconte l'histoire de Chagum, jeune prince du pays de Yogo, qui possède en lui l'étrange pouvoir d'un démon de l'eau. Pensant qu'il est possédé, son père l'empereur décide de le mettre à mort afin de protéger l'honneur de leur famille… Mais sa mère ne peut se résoudre à cette idée et décide de le confier en cachette à la guerrière et garde du corps Balsa.
Commence alors pour Balsa et Chagum une fuite pour la survie, mais aussi une quête afin de percer le secret de l'étrange pouvoir du petit prince…
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S'ancrant dans le Japon médiéval et dans un univers rappelant par bien des aspects Princesse Mononoké, Seirei no Moribito est un très bel anime, essentiellement poétique et contemplatif, et parfois aussi très émouvant. Pour 26 épisodes, nous entrons dans un monde complexe et découvrons les codes et le quotidien des différentes classes sociales de l'époque (vie dans les campagnes, dans les villes, au palais impérial…). La part belle est aussi faite aux légendes, aux kami et aux chamans, ainsi qu'à des personnages très complexes évitant tout manichéisme. Il en résulte un monde à la fois réaliste et magique, qui pour un occidental fascine et fait d'autant plus rêver.
Le graphisme très soigné, l'intégration de la 3D vraiment très fluide et réussie contribuent grandement à l'immersion dans ce monde aux paysages magnifiques. Le chara design est très réaliste, se permettant des libertés par rapports aux codes classiques pour coller davantage aux personnages et à l'époque (guerriers balafrés, visages sculptés, le gosse des rues Touya a les dents en avant…). La musique, composée par Kenji Kawai, aide beaucoup à cette immersion en utilisant des instruments traditionnels. Le chant des paysans “Nahji no uta” est magnifique, et certains thèmes n'ont rien à envier aux BO de Joe Hisaishi (notons pour les fans que l'excellent opening “Shine” est signé l'Arc en Ciel !).
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J'en viens aux principales qualités de Seirei no Moribito : ses personnages et son univers extrêmement riche. Ce qui est assez peu habituel, c'est que le duo principal est composé d'un enfant et d'une femme mature (la trentaine), qui possède déjà un certain vécu et une sagesse. Nous sommes loin des habituels lycéens et autres “djeunzs” et c'est une bouffée d'air frais, un nouveau paysage et de nouveaux questionnements qui s'offrent à nous. Balsa est l'un des meilleurs personnages féminins que j'ai rencontrée (elle est entrée directement dans mon top 3 aux côtés de Lady Oscar et de Yuuko de xxxHolic). Ce personnage est si riche qu'il mériterait une page entière. Guerrière aguerrie et très puissante (ses combats sont de vraies chorégraphies, mélange de beauté et de violence, de puissance et de rapidité), son charisme éclipse sans mal celui de tous les autres personnages. Femme très forte et indépendante, elle n'en garde pas moins son humanité, ses faiblesses, sa sociabilité, sa féminité et son instinct maternel. Balsa est un personnage au passé complexe et au caractère extrêmement fouillé, c'est une femme fascinante qui est bien au dessus de nombre de personnages féminins et des personnages de guerriers que j'ai rencontré jusqu'ici.
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Cette complexité s'applique également aux autres personnages de l'anime, sans exception. Il serait trop long de tous les évoquer mais leurs personnalités complexes et profondes méritent réellement que je le mentionne.
Le fond culturel est très développé dans Seirei no Moribito, ce qui en fait une des forces principales du titre. L'anime aborde la fondation de l'empire de Yogo, bâti sur une légende accordant un dimension quasi divine à l'Empereur, ce qui lui permet d'asseoir son autorité politique…. La fondation de Yogo n'est pas sans rappeler celle du Japon lui-même, bâti également sur une légende conférant à l'Empereur un statut quasi-divin.
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Extrait de la fondation de l'Empire de Yogo
Les traditions qui se perdent, la mise à l'écart du savoir ancestral des chamans, le reniement et la chasse aux kami pour de nouvelles sciences comme l'astronomie sont au centre de cet anime très dense. L'aveuglement des hommes, leur méconnaissance et leur mépris de la nature et des traditions les conduit à se mettre en danger eux-même. Face à l'empire de Yogo qui incarne la civilisation moderne, le peuple Yakue qui incarne les traditions n'est pas sans évoquer le peuple Aïnou, par son histoire et ses costumes.
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Ainous et Yakue… La ressemblance parle d'elle même.
Malheureusement menacés par le peuple de Yogo (les soldat n'hésitent pas à menacer de raser un village entier pour des motifs dérisoires), retirés dans de rares hameaux cachés dans les montagnes, les Yakue et leurs traditions se perdent et leur culture semble vouée à se disparaitre peu à peu, même si leur sagesse est inestimable. Civilisation moderne et culture traditionnelle se heurtent, et même si la modernité n'est pas jugée négativement et qu'on ne peut aller contre, on sent déjà la nostalgie de ce temps où vivaient encore des esprits dans la nature, et où les hommes savaient encore communiquer avec et vivre en harmonie.
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La chaman Torogai, gardienne d'un savoir millénaire
Même s'il réserve des passages d'action très soutenue, un bon suspense et une quantité d'information distillée avec ce qu'il faut de justesse pour nous tenir en haleine, Seirei no Moribito est avant tout un titre magnifique et extrêmement fouillé, dont on ne peut qu'apprécier l'univers fascinant et les personnages très riches. Le dépaysement est total et je le conseille vivement à tous ceux qui recherchent un peu d'évasion et de poésie. Une production intelligente à la qualité rare, incontestablement l'une des meilleures de 2007 : le genre d'anime qu'on aimerait vraiment voir plus souvent 😃 !
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