Connu jusqu’ici uniquement des amateurs d’animation japonaise, c’est grâce au Voyage de Chihiro que le nom de Miyazaki s’est popularisé à l’international… il y a tout juste vingt ans.
En route vers leur nouveau domicile, à la campagne, les parents de Chihiro décident de prendre un raccourci. Au bout d’une route sinueuse, ils se retrouvent face à un étrange tunnel qui terrifie la petite fille de 10 ans. Malgré ses craintes, la famille finit par le traverser et se retrouve dans une sorte de fête foraine désaffectée… à l’exception d’un restaurant débordant de plats plus appétissants les uns que les autres. Rompus par le voyage, les parents se remplissent la panse pendant que leur enfant déambule dans les allées abandonnées, où un jeune garçon l’implore de partir avant la tombée de la nuit. Hélas, le soleil est déjà couché quand elle retrouve ses parents transformés en porcs, et des ombres menaçantes peuplent le parc d’attractions désormais coupé du reste du monde par une étendue d’eau. Grâce au jeune garçon, Haku, Chihiro pénètre dans ce monde fantastique et intègre le personnel de Yubaba, la sorcière gérante des bains publics, qui promet de rendre à ses parents leur apparence humaine si la petite fille travaille corps et âme pour elle…
Si, auparavant, Hayao Miyazaki avait conçu des films pour petites filles (Mon voisin Totoro) ou pour adolescentes (Kiki la petite sorcière), il n’avait encore jamais ciblé les préados de 10 ans. C’est durant des vacances avec des amis de sa famille que l’idée lui vient, et qu’il lance la production du Voyage de Chihiro en 2000. Une production harassante pour le staff du studio Ghibli : prévu à l’origine pour une durée de trois heures, le scénario est sans cesse retoqué selon les inspirations du réalisateur, forçant l’équipe à modifier, voire tout simplement supprimer des plans entiers ayant nécessité plusieurs jours de travail. L’exemple le plus marquant est celui du Sans-Visage, absent du script originel et devenu l’un des personnages les plus emblématiques du film ! Bien qu’il rappelle par plusieurs aspects Alice au pays des merveilles (une jeune fille passant dans un monde étrange au sortir d’un tunnel, le bébé géant qui évoque Tweedledum/Tweedledee, Yubaba renvoyant à la Reine de Cœur…), le long métrage baigne avant tout dans le folklore japonais, de l’architecture des bains publics aux yokai qui viennent les peupler.
Sorti le 20 juillet 2001 au Japon, le film est un triomphe qui dépasse toutes les espérances du studio Ghibli, jusqu’à devenir le long métrage le plus vu de toute l’histoire du cinéma nippon (il faudra attendre quinze ans pour que Your Name batte ce record). Malgré ses références japonisantes et sa durée conséquente (2h04), le film trouve un véritable écho à l’international, notamment grâce à l’accord de distribution signé avec Disney durant la production du film précédent de Miyazaki, Princesse Mononoké. Non content d’enchanter le public, Le Voyage de Chihiro enthousiasme la critique. Il rafle ainsi coup sur coup l’Ours d’Or au Festival de Berlin, l’Oscar du meilleur film d’animation et quatre Annie Awards ! Le long métrage fait du nom de Hayao Miyazaki et du studio Ghibli deux références désormais connues du grand public, la presse qualifiant le réalisateur de « Disney japonais ». La médaille a son revers : non seulement cette étiquette a du mal à partir mais, depuis, il n’est pas un long métrage d’animation japonais qui ne fasse référence dans sa communication à Miyazaki, seul repère « grand public » depuis Le Voyage de Chihiro. Pourtant, depuis vingt ans, aucune production n’a ressemblé à cette fresque fantastique et baroque, ni n’a atteint son foisonnement graphique, musical ou thématique…
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