[Chronique] My Favorite War, le communisme à hauteur d’enfant

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My Favorite War d’Ilze Burkovska-Jacobsen est un film documentaire d’animation mêlant habilement souvenirs de jeunesse, images d’archives et entretiens filmés. Ce film à l’esthétique singulière sort sur les écrans hexagonaux ce mercredi 20 avril et trouve une résonance toute particulière avec l’actualité.

Ilze Burkovska-Jacobsen a grandi dans la Lettonie des années 1970-1980. Dans ce petit pays situé alors de l’autre côté du rideau de fer, le système communiste bat son plein grâce à une propagande d’une efficacité redoutable. Entre parole officielle, non-dits, secrets et histoire écrasante, la fillette est imprégnée dès le plus jeune âge par les idéaux du régime qui prône l’égalitarisme et se pare des glorieux oripeaux de la seconde Guerre Mondiale dont se gargarise le régime en place mais dont les adultes ont un tout autre souvenir. Ce récit guerrier fondateur pousse Ilze et ses camarades à suivre fièrement la doctrine officielle dans un pays en pleine guerre froide. D’ailleurs, si la menace d’une invasion par les USA est régulièrement évoquée, pour la petite fille, les G.I. ressemblent et parlent comme des allemands.

Conditionnée dès le plus jeune âge

Tout comme son défunt père, Ilze rêve de devenir journaliste et, pour y parvenir, elle devient la parfaite petite communiste. Ainsi, elle intègre les pionniers des jeunesses socialistes, participe aux actions sociales et publie des articles. Si son destin semble tout tracé, Ilze se rend bien compte que quelque chose cloche. Que ce soit dans la vie de tous les jours, ou dans le regard des adultes, le bonheur n’est pas là. Pourtant un vieux dicton dit « heureux ceux qui n’ont pas à faire de choix ». Et c’est bien là que le bât blesse. Si son père était un membre du puissant parti communiste, sa mère était fille de dissident politique et a longtemps souffert de brimades. D’ailleurs, Ilze adore sont grand-père dont les seuls torts étaient d’être propriétaire de sa fermette et d’aimer peindre des sujets populaires éloignés de l’art officiel.

Tout en suivant scrupuleusement la voie du communisme militant, la jeune fille commence à aiguiser son esprit critique, et comme son grand-père lui avait un jour demandé : « veux tu être un radis rouge à l’extérieur seulement ou une tomate entièrement rouge ? » peu à peu, elle comprend la nature des fausses utopies, la dérive du pouvoir, la ségrégation… Et le doute s’installe.

Naissance de l’esprit critique

Servi par une animation singulière faite de grisaille avec des touches de rouge et de bleu clair et une rigidité inhérente à la technique d’animation sélectionnée, ce choix peut se comprendre par sa relative simple mise en œuvre. Le norvégien Svein Nyhus, auteur et illustrateur de livres pour enfants, est l’artiste conceptuel du film alors que l’artiste lettone Laima Puntule s’est occupée des arrière-plans.

Le choix de l’animation par Ilze Burkovska-Jacobsen répond à une contrainte technique. En effet, la réalisatrice de documentaires n’est pas parvenue à trouver de sources suffisamment fiables tant les documents d’époque étaient déjà manipulés et ne correspondaient pas à la réalité. Dans la Lettonie des années 1970-1980, l’État décidait de tout, tout en faisant croire aux populations que c’était leur choix. Un film comme My Favorite War, est intéressant par la démonstration de la construction d’un regard critique et de l’éveil d’une conscience politique, deux éléments qui se font de plus en plus rare dans la population. Cette perte de conscience politique et de recul critique est un terreau fertile pour

le populisme et la propagation de fausses informations. En faisant primer le sentimental sur le rationnel chacun est amené à faire des choix qu’il ne ferait pas avec un peu de recul.

Sandra BERNARD

Titre original : My Favorite War
Réalisateur : Ilze Burkovska-Jacobsen
Durée : 1h22
Sortie salles : 20/04/2022
Genres : Documentaire – histoire – tranche de vie – autobiographie

(c) Destiny Films

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Cami-Sama