Balade en Iblard

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Né en 1948 à Osaka, INOUE Naohisa commence à peindre l’univers d’Iblard pendant ses années à l’Université d’Arts Plastiques de Kanazawa. Il le nomme ainsi en hommage au grand écrivain MIYAZAWA Kenji, qui avait crée l’univers magique d’Iihatobu. Dans l’esprit d’INOUE, Iblard signifie ” mon monde “, ” mon univers “. A sa sortie de l’université, il travaille en tant que designer publicitaire jusqu’en 1973, avant d’enseigner les arts plastiques dans un lycée. En 1983, son premier recueil de peintures, Le voyage en Iblard, est publié par Kôdansha. Il est suivi d’une bande dessinée : Histoires d’Iblard en 1985, chez l’éditeur Seishinsha. INOUE publie un nouveau recueil en 1994 (Histoire naturelle d’Iblard) chez l’éditeur Cacoo-sha, et commence à exposer.
C’est lors d’une de ses expositions qu’il rencontre MIYAZAKI Hayao (Mon voisin Totoro, Princesse Mononoké). Les deux hommes partagent la même sensibilité et de nombreuses références communes (les univers de SWIFT et MIYAZAWA). Le réalisateur devient un admirateur du travail d’INOUE et acquiert quelques toiles, dont une, Courant ascendant, orne les murs du studio Ghibli. En 1995, il lui propose de participer à sa nouvelle production, Mimi o sumaseba (Si tu tends l’oreille, réalisé par KONDO Yoshifumi, inédit en France). INOUE devient directeur artistique de la fameuse séquence fantastique du film : ” l’histoire qui m’a été offerte par Baron “.
Cette collaboration avec le studio Ghibli accroît sa notoriété. Il publie de nouveaux recueils (Histoire naturelle d’Iblard tomes 2 et 3), produit deux CD-ROM illustrant son univers et multiplie les expositions. En 2000, il expose pour la première fois hors de son pays, à l’Espace Japon de Paris, puis à nouveau cet automne à l’Espace Culturel Bertin Poirée. Parallèlement, INOUE est chargé de cours spéciaux sur la couleur à l’Université des Arts Plastiques de Seian.

INOUE Naohisa, en disciple des impressionnistes MONET et BONNARD, est passé maître dans l’art de manier la couleur :
il jette d’abord de la peinture blanche sur la toile, afin de lui donner du relief, puis y disposer des teintes au hasard. Au fur et à mesure, une image apparaît, révélée par les couches successives. Au départ, la toile est parsemée de taches de couleurs qui se superposent, formant une composition abstraite, qui se concrétise – à tous les sens du terme – au fur et à mesure. INOUE ne se documente jamais, commence chaque toile sans idée préconçue. Il laisse le hasard et son imagination lui dicter son sujet et la composition du tableau. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’il réalise, à partir de la même composition de base, plusieurs versions d’un sujet.
Le résultat est éclatant : la superposition des couches de couleurs est invisible à distance du tableau. Elle donne richesse et subtilité aux coloris qui animent la composition. Paysages foisonnants, maisons envahies par les fleurs et architectures cyclopéennes alternent sous des ciels grandioses, propices à la contemplation.
Dans un style différent, le seul manga d’INOUE, Histoires d’Iblard, donne l’impression d’être une BD européenne, publiée en japonais…

En effet, le dessin virtuose et fouillé d’INOUE fait songer à MOEBIUS. De plus, sa narration (découpage elliptique, mise en page sobre) évoque plus la BD franco-belge, que la narration fragmentée et dynamique du manga. A la suite de cette expérience, on déconseilla d’ailleurs à INOUE de se lancer dans la carrière de mangaka !

L’univers décrit par les tableaux d’INOUE a acquis au fil des années une remarquable cohérence, avec des paysages, des motifs, des personnages et des concepts récurrents.
Iblard est une terre de beauté, habitée par des peuples pacifiques aux pouvoirs magiques : certains ont appris à voler avec le vent, d’autres à élever des laputas, ces îles flottantes, parfois habitées. D’autres encore ont développé la Soruma, cette capacité à matérialiser les pensées. Les hommes vivent en harmonie avec la nature, les plantes poussent librement sur les maisons et des prairies multicolores s’étendent à l’infini. Iblard est sillonné par des trains, notamment les Siema, qui se déplacent selon la volonté des passagers. Tout comme certains laputas, qui volent aux côtés de planètes inachevées, qui se sont détachées de leur arbre géant. Mais sur Iblard, on ne peut se fier à ce que l’on voit, la perspective est faussée : ce qui est loin paraît grand, et ce qui est près paraît petit. Ainsi, des tours monumentales se perdent-elles en fait à l’horizon. La réalité est constamment changeante, sujette à des bouleversements soudains ou à des découvertes merveilleuses : on trouve tout ce que l’on désire dans les nombreux magasins d’Iblard, mais attention à ne se pas perdre dans le labyrinthe qu’ils peuvent créer. Et au détour d’un chemin vous pourrez rencontrer Megezô, l’éléphant dépressif, présage funeste pour les adultes, mais tendre ami des enfants. On voit d’ailleurs beaucoup d’enfants sur Iblard, qui est avant tout un univers nostalgique, une réminiscence du monde de l’enfance.

Séduits par cette utopie, des admirateurs de l’oeuvre d’INOUE se sont proclamés Habitants d’Iblard et se rencontrent pour échanger leur vues sur ce monde d’adoption. Ils ont même fondé une université pour tenter de comprendre les phénomènes magiques d’Iblard ! Ces ” Iblardiens ” vivent tellement intensément dans cet univers parallèle, qu’il est, paraît-il, impossible pour le néophyte de comprendre une conversation entre deux passionnés… Mais Iblard n’est pas une secte : chacun est libre d’imaginer ce qu’il désire. INOUE lui-même ne se voit que comme un chroniqueur, un connaisseur parmi d’autres.
Et c’est le message d’INOUE Naohisa : Iblard est un univers parallèle qui existe en chacun de nous. Pour y accéder, il suffit de porter un regard neuf sur notre réalité, de discerner la beauté qui se cache tout autour de nous. Iblard est un monde de sérénité, qui appartient à tout ceux qui le désirent.
Alors, qu’attendez-vous pour entamer, vous aussi, un voyage en Iblard ?

(Nous publierons, dans un prochain numéro du magazine AnimeLand, une interview de INOUE Naohisa, autour de sa participation à Mimi o sumaseba).

Pour plus de renseignements : www.iblard.com/english/
Tous nos remerciements à FUKUOKA Toshiro, SATO Naomiki et KOUKI Eiko

©INOUE Naohisa

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