Cowboy Bebop, le kitsch moderne

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La qualité générale de cette série, produite en 98 par les studios Sunrise, est étonnante pour une série télé. Assez classique sur le fond, elle se place bien au-dessus du lot par la réalisation technique, la mise en scène et la musique, la diversité de tons et d’influences, l’humanité et la fantaisie des personnages. En 26 épisodes trépidants, Spike, Jet, Fay, Ed et Ein nous en font voir de toutes les couleurs : action, humour, drame, émotion… Un cocktail archi-classique mais parfaitement dosé, mené tambour-battant, avec autant de brio que d’inspiration. Le tout dans un univers de space-opéra métissé complètement renouvelé. Cowboy Bebop, la série post-moderne ?

Spike Spiegel et Jet Black sont deux chasseurs de primes blasés qui opèrent à bord du Cowboy Bebop. De planète en planète, ils traquent les criminels (pas bien méchants pour la plupart) et malgré leurs qualités au combat et leur intelligence, ils emportent rarement la mise… Ils sont vite rejoints par Ein, un chien supérieurement intelligent (!), Faye Valentine, une joueuse professionnelle aussi belle que mal-embouchée, et Ed, une petite génie de l’informatique complètement barje, à l’allure de garçon manqué. Au fur et à mesure de la série, les liens se nouent entre ces personnages hétéroclites et attachants qui finissent par former une petite communauté chaotique mais solidaire, tandis que l’on découvre peu à peu le lourd passé de chacun et ses blessures cachées.
Une réalisation et un découpage virtuoses, une intégration parfaite entre animation 2D et 3D (cette dernière est utilisée avec parcimonie et à bon escient), les character et mecha design somptueux, la musique de KANNO Yokô, aussi déjantée et éclectique que la série elle-méme… La série parfaite ? Pas loin. A part deux ou trois épisodes moins forts et passionnants que les autres, on est face à une oeuvre hors-normes, d’une qualité globale, scénaristique et visuelle, proprement extra-ordinaire.

Mais ce qui caractérise Cowboy Bebop c’est le télescopage des univers et des ambiances. Malgré un aspect “space-opéra”, la série est un croisement entre différents genres, une hybridation jubilatoire et roublarde, une sorte de cocktail détonnant qui mixe des références hétéroclites. On y passe allègrement d’un genre, d’un décor à l’autre, de l’humour débridé au drame, de l’action à l’émotion ; et cela d’un épisode à l’autre ou parfois au sein même d’un épisode… On est cependant loin d’un cocktail “à l’américaine”, ou les scènes d’émotion, d’action, d’humour sont minutées et juxtaposées superficiellement. Ici l’ensemble est remarquablement cohérent, on passe sans heurts d’un aspect du récit à un autre, sans la sensation d’un “dosage” complaisant. Le recours à l’humour n’est jamais poussif ou artificiel, l’émotion sincère et l’action pas là uniquement pour empêcher le spectateur de s’endormir (certains épisodes en sont d’ailleurs complètement dépourvus) : tout est justifié par le récit.

Film noir, Comédie policière, Western, la série emprunte allègrement à tous ces genres, aussi bien au niveau de l’aspect visuel que de l’ambiance et des thèmes… On passe sans transitions du désert brûlant aux ruelles crasseuses de la mégalopole, des guerres des étoiles aux duels au soleil, de la griffe du passé aux diamants sur canapé… L’analogie avec le Western, marquée par le titre, est assez poussée. Nos héros prennent connaissance des avis de recherche via une émission télé où les deux présentateurs sont grimés en cow-boys. Au-delà de ce clin d’oeil, l’univers de la série oppose clairement “la civilisation” (la ville) et la frontière” (le far-west : les planètes lointaines et autres zones désertiques non colonisées). En plus de piocher dans les grands genres, la série fourmille de références, de décors et de personnages familiers. Au détour d’un épisode on apercevra un clone du Joker de Batman (baptisé Pierrot le fou en franéais… Si même les traducteurs s’y mettent !), un enfant télépathe Akira-esque, ou des personnages tout droit sortis d’un film de Blaxploitation… Dès le générique, qui brasse à lui-seul visuellement et musicalement des dizaines d’influences, on est dans le bain… De Mannix à Matrix, en somme.

La force de Cowboy Bebop c’est que tout ou presque a déjà été vu ailleurs mais pas agencé de cette manière. C’est un collage moderne, métissage d’influences, de références et d’univers. La série prend l’allure d’un véritable fourre-tout, mais où les références et les citations ne prennent jamais le pas sur la cohérence globale. Cowboy Bebop procède par recyclage et hybridation, au diapason de la création moderne, d’une musique électronique fondée sur le sample et le mix, à un art contemporain basé sur la notion de collage. Les nouvelles formes (musicales, visuelles, architecturales…) naissent d’un recyclage métissé, qu’illustre bien Cowboy Bebop, la première série du troisième millénaire…

CowBoy BeBop, 9 cassettes publiées chez Dynamic Visions CowBoy BeBop © SUNRISE / DYNAMIC

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