Shonan Jun Aï Gumi

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Onizuka Eikichi et Danma Ryûji viennent de se faire expulser de leur lycée et arrivent dans un nouveau bahut.
Ils souhaitent mettre de côté leur tendance Furyô afin de séduire les filles et d’abandonner par la même occasion leur condition de puceau.
Malheureusement, leur réputation les a précédés et les bonnes résolutions laissent rapidement place à d’anciennes attitudes qui reviennent au galop…

Le surnom Onibaku se compose de 2 kanji. D’abord “Oni”, qui est attribué aux démons du folklore japonais. Affublés de cornes, de yeux globuleux et d’une face rouge, ils apparaissent dans les Matsuri (fêtes populaires) et le théâtre Nô et Kabuki. Dans le Bouddhisme, on considère qu’un des enfers est peuplé de ces créatures sauvages et sanguinaires. Une autre supposition décrit les Oni comme d’anciens Kami (esprits, dieux locaux) Shintô. Ainsi, ils ne sont pas tous sans foi ni loi et leur nature se caractérise par l’ambivalence. Nous retiendrons la version Shintô, plus japonaise, plus « Onizukienne ». Tantôt vrai petit démon, tantôt “Oni-Kami”, investit du pouvoir de délivrance.
Le kanji “Boku” signifie “explosion” et sied bien à Ryûji. Plus mature que son compagnon et un poil plus réfléchi. Mais quand on le cherche, on le trouve et il fait place nette des obstacles, tel un Attila. Onibaku peut donc se traduire par “Les démons explosifs”, “Les démons tout feu, tout flamme” ou encore “les démons qui explosent”.
Un horoscope des noms, incrusté dans l’histoire, cerne à merveille les personnalités et les perspectives d’avenir de chacun : Ryûji n’admet pas l’injustice car il possède en lui un côté pur ; Eikichi est chevaleresque ce qui le condamnera sa vie durant à côtoyer la violence, les problèmes et le bridera côté ” rapports profonds avec les filles “. Le mentor de Eikichi est Masaki Kyôsuke, fondateur d’une bande de motards nommée les Midnight Angels. Avant de mourir dans un accident, il lègue à Eikichi sa tenue et sa Kawasaki Z750-RS (ZII) légendaires. Eikichi apprendra progressivement à connaître les sentiments de Masaki envers le Shônan. Il finira par brûler la tenue, objet de toutes les convoitises.

Côté famille, Eikichi est élevé par une mère prostituée (serait-ce la cause qui l ’empêche de se lier totalement avec une fille ?). Il en voudra à mort à son compère lorsqu’il apprendra que Ryûji à franchit le pas avec Nagisa.. Il se consolera dans les vidéos X “car 100 filles de rêves valent mieux qu’une en chair et en os”. Une façon de voir comme une autre… L’environnement familial de Ryûji est différent.
Il a ses parents et un frère qui ne l’apprécient pas. Il fuguera puis sera renié par son père. L’action du manga se déroule dans la région du Shônan, préfecture de Kanagawa. Cette préfecture se situe au Sud de Tôkyô. Elle est constituée de montagnes, à l’Ouest, et d’une plaine côtière à l’Est, lieu de rassemblement des surfeurs. Son chef lieu est Yokohama et les principales villes la composant sont Kamakura, Kawasaki, Fujisawa, Sagamihara et Hiratsuka. Pourquoi ces précisions rébarbatives ?

Car les adversaires du tandem Onibaku proviennent de ces villes. Malgré sa forte densité de population, le Japon n’a quasiment aucune délinquance, contrairement aux USA. Le pays peut même se vanter d’avoir un taux de criminalité parmi les plus bas du Monde. L’explication est essentiellement due au très haut niveau d’éducation des japonais (pas d’analphabétisme). De plus, les Kôban (petits commissariats de proximité abritant un effectif très variable et allant de 3 à 50 policiers) résident à chaque carrefour et permettent une surveillance non-stop. Ce système d’îlotage est tellement bien rôdé, que les contrôles d’identités sont extrêmement rares. D’ailleurs, les Japonais ne possèdent pas de carte d’identité ! Cependant, ne nous voilons pas la face, depuis la crise économique qui a durement touché le pays début 90, la délinquance a tendance à progresser. Toutefois, elle reste “honorable” pour un pays industrialisé par comparaison avec la situation française…
Voilà pour la partie visible de l’iceberg. Penchons-nous sur la partie immergée du manga de FUJISAWA-sensei. A l’image des pousseurs qui tassent les gens dans les trains, la société japonaise bride la personnalité de chacun et rejette ceux qui n’entrent pas dans le moule. Efficacité et discipline sont les maîtres mots du système. Au collège, les excités que sont Onizuka Eikichi et Danma Ryûji, se sont batis une solide réputation en tant que champions de Shônan, n’hésitant pas à provoquer leurs Sempai ou autres Ténors régionaux. Malheureusement pour leur nouvel objectif (“se taper une fille”), cette réputation les rattrape et devient la principale motivation des nouveaux adversaires qui viendront chercher querelle. Les 2 premiers gros boss qu’affronteront Eikichi et Ryûji, sont “les chiens enragés de Kamakura” : Saejima Toshiyuki et Kamata Jun. Saejima (cf GTO 8) a le profil type du mauvais garçon : frappant pour un rien, hyper sensible aux critiques, sale tête qui l’empêche de draguer, pas du tout réglo dans le combat. Il vit seul car sa propre famille le craint (sa soeur a mis une chaîne à sa porte de chambre, sa mère appelle la police au moindre tressaillement de son fils !). Kamata est davantage posé, beau gosse et droit. Ce qui ne signifie pas qu’il soit moins dangereux, au contraire !

En fait, c’était un garçon docile dans son enfance. Il aura fallu le viol et le suicide de son premier amour, la soeur de son meilleur ami Natsu, et le fait d’avoir un arrière goût de trahison envers ce dernier pour le faire basculer dans la violence. Quelques années plus tard, il rencontre de nouveau Natsu et s’engage en solo dans une expédition punitive pour se racheter et épargner la vie de Natsu. Cela termine mal, il assiste à la mort de son ami. De là, il part réaliser le rêve américain, une ancienne promesse, pour devenir guitariste. C’est sans contexte l’histoire la plus dramatique du manga. Quand Onibaku se mesure à Ôkubo Mitsuaki, un homme qui a déjà tué, le tandem est proche de la dissolution. Eikichi hésite répondre par les poings au début, de peur que cela se répercute sur le bonheur que vit Ryûji et Ayumi. Par la suite, nos joyeux drilles subiront les manigances de Kashiya Junji, fils de yakuza ; la folie des grandeurs de Tamaru, ancien souffre douleur qui décide de prendre modèle sur Eikichi et de réaliser une promesse faite à la mort de son grand-père ; ou encore Jôji, individu atteint par la maladie et complètement insensible à la douleur causée par la prise excessive de médicaments. En définitif, ce dernier souhaitera mourir pour mieux renaître. Eikichi lui fera ressentir une peur jadis oubliée via une mémorable chevauchée à moto. Seul Nakajô Kunito, l’un des 3 chefs rescapés des Midnight Angels seconde génération, n’aura guère le loisir de mettre la main sur les Onibaku, et ce, malgré une forte détermination à reconquérir le Shônan. Que remarque-t-on chez les spécimens ? Simplement que la plupart de ceux qui se dressent devant Eikichi et Ryûji sont des névrosés qu’une psychologie post-clinique made in Onibaku aura probablement sauvée ! Troubles du caractère ou tares mentales se retrouvent en chacun d’eux. Ils croient tous avoir une bonne raison de taper sur leur prochain et ont tous la mauvaise raison qui les autorise à passer à l’acte (quelquefois, acte criminel…). A la fin du manga, Eikichi et Ryûji s’aperçoivent de la proportion démesurée qu’a prise leur légende et décident d’orchestrer leur mort pour mettre fin au chahut total.

Onizuka, Danma, Saeba : même combat ! L’objectif premier de ces lascars est de tirer un coup et d’abandonner une virginité pesante. Le terme “Seishônen”, jeunesse en japonais, possède une double définition : juridiquement parlant, il englobe les personnes ayant moins de 20 ans ; dans le langage courant, il désigne les jeunes âgés de 0 à 24 ans. Au Japon, tous admettent que c’est la période placée sous le signe de l’irresponsabilité. Eikichi et Ryûji, 15 ans et en pleine puberté, ont jusqu’ici joué à fond la carte de l’irresponsabilité. Désormais, ils se lancent dans la plus terrible rixe jamais entreprise : le sexe (l’amour est facultatif au début) ! Mais voilà, nos 2 puceaux pénètrent en terrain inconnu. Les Japonais et les Japonaises évoluent en général dans des mondes bien distincts et ont une vision assez manichéenne du sexe opposé : les garçons doivent êtres Otokorashii (viril) et les filles Onnarashii (féminine). Dans ce contexte, une rencontre exige une impressionnante panoplie de détours avant d’arriver à la communication directe. C’est l’un des durs combats qui se livre en chaque japonais : vivre ou être aimé. A l’instar des cosplayers, ils revêtent le costume du “agir ainsi, car c’est normal et correct”. Ayant appris la leçon, Eikichi et Ryûji ont la ferme intention de changer sitôt arrivés au lycée. Non pas qu’ils regrettent leur ancien comportement, mais uniquement parce que “les filles d’aujourd’hui n’aiment pas les Furyô”. Branle bas de combat, ils s’achètent une conduite et modifient leur look : caractère docile et gueule de premier de la classe. Pourtant, chacun a sa manière personnelle d’aborder les filles.

Ryûji s’investit rapidement et totalement dans une relation amoureuse. Problème : il n’attire jamais la facilité. Son premier et grand amour est Ayumi, sa prof ! Elle a perdu son petit ami dans un accident de moto, est fortement ébranlée et tente de remonter la pente. Après une brouille et pas mal d’incertitudes, l’intervention musclée de Shindôji Fumiya entraînera l’aveu et l’acceptation des sentiments. Ryûji propose carrément le mariage et est prêt à abandonner moto, Eikichi, et école, pour travailler et se responsabiliser. Ayumi préférera fuir et ne pas gâcher la jeunesse de son élève. Fumiya est le jeune frère du défunt fiancé de Ayumi. N’acceptant pas qu’elle se donne à un autre, il veut purement et simplement éradiquer le couple. Il opte pour un choix “rationnel” plutôt que pour la voie du coeur, en omettant que ce qu’il prend pour “rationnel” est juste le chemin de la peur. Akutsu Junya fait de même. Grand nostalgique des célèbres Midnight Angels et de son fondateur Masaki Kyôsuke, limite fétichiste, Akutsu croisera la route de Ryûji, prêt à le tuer pour sauver Nagisa, et de Eikichi, propriétaire d’accessoires légendaires et héritier spirituel de feu Masagi. Ryûji s’éprend donc de Nagase Nagisa, une fille à la double personnalité. Par le passé, Junya a fait d’elle sa chose et afin de parvenir à la délivrance, Nagisa s’est forgée une double violente : Yasha, femme et exécutante attitrée de Junya. Détail amusant, Nagisa est toujours la petite amie de Ryûji (cf GTO 7) et suit actuellement des études pour devenir psychologue-clinicienne afin d’aider ceux qui souffrent comme elle a souffert. Nagisa et Ryûji fugueront et éliront domicile dans un vieux bus, avant que les parents de la jeune fille ne se décident à appeler la police.

Quant à Eikichi, ses relations avec la gente féminine sont plus superficielles voire platoniques. Il commence par essuyer les foudres de Mariko, sa prof et fille d’un chef de gang, puis Yarita Aina viendra le titiller en ayant une seule idée en tête : se venger des garçons en leur refilant une maladie sexuellement transmissible contractée auprès d’un inconscient. Force est de constater que Eikichi plait aussi beaucoup aux… hommes. Il bataillera sec pour échapper à la crise d’hémorroïdes (piège de Mariko) et sera poursuivi par Kaoru, jolie collégienne qui n’est autre que le jeune frère de Kamata.
Tous le savent, sauf la victime. Enfin, le retour de Fujisaki Shinomi révèlera le côté “protecteur” de Eikichi qui considère la jeune fille comme sa petite soeur. Mais Shinomi ne l’entend pas de cette oreille, sous ses airs de mauvaise fille, elle cache de profonds sentiments pour lui qui seront partiellement satisfaits à la fin du manga. Kadena Nao surgira dans la vie de Eikichi en tant que prof principal et appliquera des méthodes originales pour mâter les mauvaises graines (Eikichi empruntera à la méthode d’enseigner de Nao dans GTO, en la mettant à sa sauce). Elle porte un tatouage de la Vierge Marie dans le dos et par ce biais supporte une lourde croix. Ancienne coureuse de course clandestine automobile, un accident a plongé son petit frère dans un long coma. Il s’était mesuré à elle sous couvert de l’anonymat. Nao essaie de réunir les fonds nécessaires pour le soigner à domicile. Eikichi se mesurera à elle via une course endiablée et la libérera de son fardeau. Le passé est le passé, ne revenons pas là-dessus.

Le trait arrondi présent dans les 2 premiers tiers du manga de FUJISAWA-sensei est très éloigné de celui de GTO. Les volumes ne sont pas toujours respectés et dans certaines cases nos lycéens ressemblent à des bibendums ! Le vêtement large y est pour beaucoup mais quand même… Quant aux filles, elles sont taillées culbuto ! Aussi grandes que larges avec des épaules de déménageurs ! Un simple changement de perruques et de noms suffisent à les distinguer. Ce n’est qu’à partir du 20ème volume que FUJISAWA-sensei incorpore les références GTO, à savoir : les jolies filles au regard noir, les visages grimaçants et réalistes, le déguisement du vieux sourdingue qui joue au croquet, et même le sang dans les urines via le stress (la victime est Tsukai).
Ces notables changements sont-ils dus à FUJISAWA-sensei seul ou bien à l’apport non négligeable de ses assistants ? Les situations comiques sont souvent amorcées par un gars de la bande, comme par exemple le bouffon Hashiri Makoto et ses plans foireux, le généreux Tsukai Tsuyoshi et ses bonnes attentions ou encore le turbulent Tsumoto Katsuyuki et sa “conquête du pays” au nom de Onizuka…

En conclusion, nous ajouterons que lire Shônan Junai Gumi équivaut à entrer de plein pied dans le monde de Shônen manga : Zoku (bande de motards), querelles de pouvoir et mécanique via l’omniprésence des motos. En fait, Eikichi et Ryûji ont appris à avoir besoin de ce qui va leur empoisonner l’existence : la baston. Car chez nos Furyô, la Raison, l’Emotion et l’Action ne sont pas toujours convenablement liées. Mais devant les esprits butés, il est plus facile de se faire comprendre en agissant qu’en expliquant. Pourtant gardons en tête que la vie ne se plie pas à nos règles…

Shônan Junai Gumi: 31 volumes parus, traduit en français
GTO: 25 volumes parus en français chez PIKA

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