Je viens de lire toutes tes critiques sur Caped Crusader et je suis ravi de constater qu’on se rejoint à nouveau sur de nombreux points ! ^^
Pas tous cependant, mais on a clairement le même avis final sur cette première saison. J’ai un gros pavé écrit à l’avance pour le prouver ! 😀
Vu les dix épisodes de Batman – Caped Crusader et c’était vraiment pas mal. J’ai isolé plus bas les reproches que je fais à la série, et il est possible que je passe ici plus de temps sur ses défauts, mais ses qualités l’emportent nettement dans mon appréciation globale. J’ai passé un très bon moment, et si à mes yeux on est pas encore au niveau de mes deux séries Batman préférées (Batman TAS et L’Alliance des Héros), Caped Crusader est une série qui a elle aussi su se démarquer en apportant une patte originale, en animation, à l’univers du Croisé à la Cape, en situant l’oeuvre à l’époque de la création de Batman en comics et en choisissant d’inscrire le show dans un ton résolument sombre et constamment sérieux, même si on n’est pas à l’abri d’un léger trait comique de temps à autre (mais jamais au niveau d’un BTAS). Sans aller jusqu’à dire que Caped Crusader est oppressant, on atteint quand même des niveaux de glauque assez surprenants.
Et au passage, si la présence à la production et à l’écriture de Ed Brubaker a laissé espérer certains d’entre nous voir dans Batman Caped Crusader une espèce de version animée de l’excellent comics Gotham Central, je dois tout de suite vous prévenir : le seul véritable rapport avec ce titre, c’est le traitement d’un personnage secondaire,
. On verra même que si influence il y a, elle se situe plus du côté de Batman – Year One de Miller et Mazzucchelli, et bien évidemment des premières années de publication de Batman en comics.
On ressent dès le début quel sera le ton et l’ambiance de la série, et ce à travers le traitement de son protagoniste.
Batman est plus dur, froid et impitoyable dans cette série, et s’il lui arrive néanmoins de faire preuve de compassion à quelques reprises (la plupart du temps lorsqu’il s’agit d’enfants), il est de nature extrêmement solitaire. Même ses interactions avec Alfred (qu’il appelle Pennyworth) sont très formelles et peu chaleureuses. Il utilise de plus très peu de gadgets et sa batmobile est une simple voiture noire. Ce Batman est très physique et fait peu de cas des moyens utilisés pour parvenir à ses fins dans ses enquêtes, qu’il effectue là encore avec des moyens assez limités (un labo de chimie tout au plus, dans sa batcave très peu décorée).
C’est toute l’originalité de cette série que de s’en tenir à une ambiance résolument proche des premières années de publication du bébé de Bob Kane et Bill Finger, et on sent bien que tout cet environnement est appelé à évoluer, si d’autres saisons il y a (et ce serait franchement dommage que la série s’arrête là), à commencer par Batman lui-même. On sent d’ailleurs que c’est déjà le cas dans cette saison,
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ne serait-ce que dans sa relation avec Alfred.
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Son alter ego Bruce Wayne est quant à lui un dragueur vantard, arrogant, parfois même pernicieux, on est loin du Bruce Wayne inoffensif, philanthrope et généreux de BTAS. Ça me plaît beaucoup !
De fait, l’ambiance film noir et années 30 / 40 est plutôt bien retranscrite, notamment dans les choix de couleurs qui pourront là encore rappeler BTAS, mais aussi d’accessoires, d’architectures, de technologie, de costumes et de coiffures. Par contraste, on se permet quand même des transgressions mais dans un esprit très “comic-book”, comme le coup de poing américain électrique de Catwoman, ou sa panthère noire qui sortent de nulle part et sans explication dans l’épisode 3, ou encore le repaire d’un vilain avec un mécanisme anachronique et un système d’autodestruction dignes d’un méchant de James Bond.
Le seul défaut dans cette volonté de transcription d’une époque définie se situe lorsque ladite volonté de transcription se heurte aux exigences que s’impose la production dans sa volonté non pas de refléter l’ambiance des comics de super-héros de l’époque, mais de “s’adresser à un public moderne”, pour reprendre l’expression consacrée, plutôt que de se raccorder aux moeurs de l’époque traitée : on pourra ainsi douter de la présence de femmes dans la police ou dans le métier d’avocat, ou de couple homosexuel s’embrassant en public, à cette époque. C’est un gros problème d’incohérence, et on pourra toujours arguer que ce n’est qu’une fiction, c’est étonnant de vouloir refléter l’ambiance d’une époque tout en voulant lui imposer une vue progressiste plus moderne, surtout que ça l’empêche ironiquement de traiter de sujets qui justement parlent à cette vue progressiste comme le sexisme et le racisme. Cela dit, je ne me plains pas de cette absence, parce que c’est pas ce qui m’intéresse quand je veux voir une série de Batman. C’est même à se demander si Bruce Timm et son équipe n’ont pas fait justement exprès de mettre cela en avant pour éviter d’avoir à aborder des sujets moralisateurs. On peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre.
Caped Crusader amène également un autre sujet à polémique sur le tapis. Je l’ai déjà dit sur d’autres sujets, je trouve tout le concept de “race-swap” et de “gender-swap” inutile et jamais justifié, et cette série ne m’aura pas fait changer d’avis. Mais l’un d’entre eux me laisse tout de même dubitatif.
Oswalda Cobblepot ? Honnêtement, je ne sais pas si je déteste ou si j’aime. Le côté meneuse de cabaret, le côté mafieuse surjoué qui n’hésite pas à utiliser un canon pour détruire le commissariat
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ou à tuer ses propres fils
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… non je sais vraiment pas si je trouve tout ça ridicule ou génial. Mais je dirais que c’est peut-être le seul changement qui a une véritable justification (l’aspect cabaret de l’Iceberg). Bref, je trouve toujours cela inutile et jamais justifié, mais dans le cas de Pingouin… je sais pas 😆
Pour un changement moins remarquable et même inutile, c’est du côté de Harley Quinn qu’il faut regarder.
Je ne suis pas fan de cette Harley Quinn. DC semble avoir un problème avec ce personnage depuis maintenant plus de dix ans en voulant à tout prix couper tout lien entre elle et le Joker, ou plus précisément en retirant toute l’intensité du lien qui les unissait et / ou séparait. On évite ainsi le plus souvent d’évoquer la dépendance affective et maladive de Harley envers le Joker, soit en décrivant leur relation comme amoureuse sans l’aspect toxique, soit en en faisant des antagonistes sans la moindre ambiguïté. Or, c’est véritablement tout le côté malsain de cette relation qui apportait à Harley Quinn la sympathie du public envers elle. On compatissait à la voir faire un pas en avant à tenter de se libérer de cette liaison, on se déplorait de la voir replonger. Il est bien sûr plaisant de la voir évoluer, mais le résultat de cette évolution est souvent inintéressant et la Harley qui en ressort n’a plus vraiment grand-chose à proposer d’aussi appétant.
La plupart du temps on joue sur la relation qu’elle avait avec Poison Ivy dans BTAS, voire on base tout sur ce lien en mettant les deux femmes en couple. Un résultat qui rend service ni à Harley ni à Ivy (qui a clairement perdu son statut de vilaine et de femme fatale), mais juste au shipping (l’action chez les fans de former des couples plus ou moins improbables, et très souvent homosexuels, entre perso de fiction).
Que ce soit en comics ou en série, Harley Quinn est devenue une anti-héroïne plus ou moins trash et sans problème véritable et qui passe du temps avec ses potes / colocataires tout aussi déjantés. Et c’est tout.
Dans le cas de cette série, on voit bien que Bruce Timm cherche à contenter tout le monde en la libérant du Joker (puisqu’il n’existe même pas encore) tout en appuyant sur un trait que les gens ont souvent tendance à oublier, son côté criminel et assassin. Cette Harley Quinn rend la justice en enfermant certains de ses patients (elle est psychiatre) qu’elle juge irrécupérables et incapables de rendre service à la société, et les soumet à des tortures physiques et psychologiques afin de modifier leur comportement.
Sur le papier on a un bon vilain de Batman, mais pourquoi avoir utilisé Harley Quinn dans ce qui ressemble fortement au modus operandi d’un Docteur Hugo Strange ou d’un Chapelier Fou ? Cette Harley Quinn n’a plus rien à voir avec le personnage original, elle en est même presque une version “négatif” (un aspect voulu par Bruce Timm : son côté léger et un peu, mais vraiment un peu, loufoque ne s’exprime que lorsqu’elle est en civile), mais l’impression qui en ressort, c’est juste qu’on a une psychiatre atteinte soit de double personnalité soit de mythomanie aiguë.
Toujours au rayon des changements, on a Barbara Gordon en avocate, pourquoi pas, et on ressent bien l’amour qu’elle porte à son père et l’idéalisme qui la caractérise. C’est en revanche dommage que ses relations avec les autres personnages soient moins supportables, ça lui ferait pas de mal de péter un coup, je la trouve trop hautaine et désagréable les trois-quarts du temps. Quant à son père, il a quelques bons moments (notamment lors du quatrième épisode, très inspiré par Year One, qui remettra en question son jugement sur Batman), mais il est clairement mis de côté au profit de Renée Montoya, qui n’a pas grand chose à voir avec la version de BTAS ou même celle de Gotham Central. Elle n’apporte rien de plus à l’intrigue si ce n’est d’être une version féminine de Jim Gordon. Je ne suis de plus pas fan de l’apparence en surpoids qu’ils lui ont donnée, comme pour Harleen. C’est une idée que je trouve stupide et aussi débile que d’avoir amaigri Waller dans les New52. C’est aussi le cas d’Alfred, mais étant donné que c’est cette apparence qu’il avait à ses débuts dans les comics, il n’y a rien à redire, on reste dans l’intention de base de la série et non dans le résultat d’un caprice progressiste.
Harvey Dent est dépeint comme un avocat jusqu’au-boutiste voire corrompu, un peu comme il l’était dans Beware the Batman et ça ne me plaît pas. Du moins c’est ce que je pensais après avoir vu le premier épisode. Arrivé à la fin de cette première saison, je suis obligé de revoir mon jugement. Le personnage est finalement bien plus complexe et intéressant qu’il ne le paraissait au premier épisode. Vraiment rien à voir avec la version stupide et bornée de Beware the Batman. C’est même certainement le meilleur personnage de la saison, le mieux développé et sans aucun doute le plus complexe, une vraie réussite. En revanche,
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je suis perturbé par le visage de Double Face, pas parce qu’il est hideux (c’est même plutôt réussi) mais parce que la partie déformée à l’acide ne se trouve pas sur son côté gauche mais droit.
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Et je me demande si il n’y a pas là un sens caché, comme une version “négatif” du personnage (ce qui ne serait pas étonnant au vu du parcours du personnage dans la saison), à l’instar du choix concernant Harley Quinn, ou s’il s’agit juste d’une intention délibérée de perturber le spectateur de manière plus ou moins consciente. Un choix étonnant en tout cas.
Au-delà de ces personnages, on retrouve quelques têtes plus ou moins connues de l’univers de Batman et DC Comics en général qui viennent le temps d’un ou plusieurs épisodes. Bullock, loin de celui qu’il est dans BTAS et plus proche de ses racines comics est accompagné de Flass, et tous deux sont clairement les ripoux de service. Mais peut être Bullock aura-t-il droit à sa rédemption à l’avenir ?
Catwoman est très fidèle à sa version comics, que ce soit tant au niveau physique et moral que dans sa relation avec Batman, un très bon point pour la série.
Loin de se complaire dans ses réussites passées, Bruce Timm étoffe le tableau des vilains avec de “nouveaux” visages, ceux de personnages plus obscurs, comme
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Onomatopée, le Gentleman Ghost, Nocturna, et d’autres un peu plus connus comme Gueule d’Argile (version Basil Karlo), Waylon Jones (Killer Croc) et Firebug / Firefly
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. Il se permet même un clin d’œil amusant à la série en prises de vue réelles Batman ’66
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avec le personnage de King Tut.
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Certains de ces vilains apportent de plus un aspect surnaturel à la série, pas si terre-à-terre qu’on pourrait le penser au premier abord, preuve que Bruce Timm et son équipe ne se refuseront pas à explorer toutes les facettes de l’univers de Batman, un point en commun partagé avec BTAS et l’Alliance des Héros. Dans le même ordre d’idée, un épisode, assez glauque au demeurant, va même jusqu’à taquiner le fan de cet univers en présentant plus ou moins officiellement
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quatre futurs Robin
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! De simples clins d’œil vaguement ressemblants ou une véritable note d’intention ?
Maintenant l’aspect technique, et ce sera certainement mon principal reproche à la série. J’ai du mal avec le chara-design général, et même avec l’aspect technique dans son ensemble. La musique manque de personnalité, et celle du générique d’ouverture (plutôt réussi) est inodore au possible. On a même pas droit à un thème marquant pour Batman. Et c’est pourtant l’oeuvre de Frederik Wiedmann, qui a réalisé entre autres la musique de Green Lantern TAS ou encore Beware the Batman, deux séries qui avaient justement des thèmes forts.
L’animation et surtout la mise en scène sont assez discrètes et plan-plan, et je ne parle pas des prouesses de Batman. Je comprends bien que l’intention de la série est de nous dépeindre un Batman plus brut de décoffrage, moins ninja, mais ça ne devrait pas empêcher de nous livrer quelques scènes iconiques ou percutantes, au contraire même. Cela dit, on a tout de même droit à une scène imposante et marquante, arrivé au dernier épisode, qui ne manquera certainement pas de rappeler aux fans de BTAS un moment inoubliable de la série.
Au niveau du doublage, je ne comprends pas que Diedrich Bader ne soit pas utilisé sur Batman (alors qu’il était excellent sur ce rôle dans L’Alliance des Héros) et cantonné à Harvey Dent, même si j’ai adoré ce dernier. C’est d’autant plus dommage que Hamish Linklater, celui qui interprète Batman ici, est bien trop dans la caricature de Kevin Conroy. Il est très loin de lui arriver à la cheville et c’est surtout visible, ou plutôt audible, lorsque l’on cherche la différence entre sa voix de Bruce Wayne et sa voix de Batman, une différence inexistante.
Je ne donnerai pas d’avis sur la VF, ne l’ayant pas écoutée, mais en regardant les crédits des rôles, j’ai vu que le casting était totalement nouveau (en dehors de Constantin Pappas qui retrouve le rôle de Harvey Dent, après sa prestation remarquable dans le Chevalier Noir de Nolan). Pas même d’Adrien Antoine ! Je suis très curieux d’entendre la voix de Laurent Blanpain sur Batman.
Bref, sur le plan technique je suis loin d’être convaincu, en dehors de quelques détails, comme par exemple l’apparence de certains personnages, qui pour le coup rappelle certains choix de BTAS qui n’avait pas peur de jouer sur un registre horrifique (comme avec Double Face, l’Épouvantail ou encore Gueule d’Argile).
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Je pense particulièrement à Basil Karlo dans son aspect de Gueule d’Argile qui est vraiment réussi.
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Bien sûr, tout cela n’est que mon avis, et je comprends qu’on puisse être rebuté par certains aspects cosmétiques de la série, mais que ce soit en terme de fidélité à l’univers de Batman ou en terme d’histoire, Batman – Caped Crusader est un excellent divertissement avec sa propre identité. Il n’essaie pas de jouer sur votre nostalgie de BTAS, il n’essaie aucunement de jouer les prêchi-prêcha de la bien-pensance, il se contente simplement d’explorer la mythologie de l’un des plus grands super-héros de l’histoire du genre, si ce n’est le plus grand, en racontant des histoires originales, engageantes et pertinentes. Il n’est pas parfait, je ne le considère pas comme le meilleur dessin animé de Batman, il ne va pas jusqu’au bout de son propos (la retranscription de l’univers du comics Batman tel qu’il était à ses débuts sans ingérence plus moderne), mais ce n’est qu’une première saison, on peut toujours corriger le tir avec la saison 2 annoncée, et si les scénarios sont aussi bons que ceux qui nous ont étés proposés ici, il y a matière à rigoler !
"With the first link, the chain is forged. The first speech censured, the first thought forbidden, the first freedom denied, chains us all irrevocably." -Jean-Luc Picard
Star Trek - The Next Generation / The Drumhead