Des raisons de l’amour du manga.
J’ai, pour des raisons pratiques, été privé récemment de mes mangas que je n’ai pu emmener lors de mon déménagement et cette privation m’a fait me pencher plus sérieusement sur mon rapport à ces bandes dessinées.
Ce fut d’abord cette impression de ne sentir aucun manque quand à leur absence qui prédomina, mais je réalisais rapidement que mes sentiments étaient plus complexes qu’un manque ou plaisir selon que mes mangas soient proches de moi ou au contraire fort éloignés.
Je pu distinguer plusieurs étapes et sentiments, soulagement, manque, peur, puis introspection et c’est à ce point que j’en suis.
Le soulagement fut mon premier sentiment. Je ne ressentais rien particulier après une dizaine de jours privé de ce qui alors représentait une énorme part de mon budget mensuel et de mon intérêt. J’avais bien sur parfois envie de lire tel ou tel tome, ou de relire tel passage dont je m’étais remémoré le plaisir que j’avais ressenti à ses nombreuses lectures. Mais je ne me sentais pas oppressé, ni angoissé, le manque n’était pas trop fort, bref je n’étais pas accroc!! Soulagement!
Mais impossible dans ce monde civilisé, surtout dans une grande ville, de ne pas tomber sur un rayon manga…Et un soir ce fut chose faite, devant ce rayon je constatais que j’avais déjà 5 ou 6 tomes à acheter. Mais pas de crise d’achat compulsif. J’avais l’argent, j’aurais pu les acheter, mais non, je ne le fis point. Je pensais que le plus dur était alors fait! J’avais fait la preuve que les mangas étaient un plaisir et non une drogue. Bien sur j’avais volontairement omis de prendre en considération les deux bonnes années passées à détruire mon budget en achat inconsidérés. J’étais en quelque sorte comme Charles Swann, tentant de me convaincre que j’avais résisté à la tentation (quand sans le savoir j’y succombais) et que cette résistance bien que presque de caractère unique démontrais mon emprise sur mon désir (et par extension son manque d‘emprise sur moi). À la différence bien sur que mon désir était dirigé vers des mangas et non vers une amante devenant fuyante. (Ce qui n’est pas forcement à mon avantage…). Ce sentiment de résister à la tentation: je m’étais promis de m’éloigner pendant quelques temps des histoires qui me faisaient vibrer, me parcourait encore quand, de retour dans ma chambre d’hôtel, je décidais d ‘aller sur le site d’animeland. Très vite je m’inscrivais et commençais mon entrée dans le forum. Petit à petit « il » monta en moi, subrepticement, et bientôt il occupait une grande part de mes pensées. « lui », le manque, le désir, cette mort miniature que l’on croit ressentir chaque seconde, et cette vie que, dans le même temps, on ressent à l’idée d’assouvir ce désir. D’acheter ces tomes manquants…car c’était de cela qu’il s’agissait!! C’était un manque de collectionneur. Pas une envie de vibrer sur une histoire prenante, non il me fallait posséder ces tomes!
Et la peur que ce constat fit monter en moi fut désagréable comme seules savent l’être ces personnes acariâtres chargé pour dieu sait quelle raison de l’accueil et qui alors que vous êtes disposés aux plus charmantes attentions envers toute l’humanité, vous glacent le sang par leur regard, le mépris que l’on ressent à travers tout leur être et ce sentiment qu’elles font monter en vous de les déranger. Alors nous haïssons ces personnes, elles qui osent contrer notre vision du monde, elles qui transforment l’humain en un être dénué de toute bonté et « qui pourrait bien disparaître cela ne serait que mieux! ». Et de même je haïssais ce sentiment comme il m’était arrivé par le passé d’haïr ces mégères qui décidemment n’avaient cure de mes bons sentiments. Et de même j’avais honte de cette haine générée par ma peur. Tout comme j’avais honte de ma peur elle-même. Tout comme j’avais honte de mon manque. Mais la peur était là et elle était justifié. J’étais devenu une espèce de collectionneur sans passion. J’achetais non pour mon plaisir mais pour soulager mon manque. Il y avait de quoi avoir l’échine glacée.
Ou était passé cette passion qui me faisait sautiller d’impatience à l’idée d’ouvrir le dernier Vagabond, les tomes de One Piece tout juste acquis, le dernier Gantz, ou plus loin encore ou était le temps ou empruntant la voiture de mes parents j’achetais d’abord une fournée de tomes de Dragon Ball puis rentrai les lires chez moi avant de refaire le plus vite possible le trajet jusqu’à Culturama, d’une vingtaine de km, pour arriver avant la fermeture et pouvoir me remettre une grosse claque avant d’aller me coucher… Probablement était ce du à l’habitude. Aussi à cet obligation d’avoir une mangathèque conséquente ainsi que la culture allant avec. De tout temps j’ai toujours voulu être à fond dans mes loisirs sûrement en réaction à ces réflexions de mes parents (que beaucoup d’autres de notre générations ont connus) qui exprimaient clairement leur lassitude de me voir « encore m’amuser ». Leur incompréhension de ce besoin d’aller au fond des choses dans ce que j’aimais, leur obstination à ne considérer cela que comme étant inutile et navrant. Ce fut en grande partie ce sentiment de rejet de ce que je considérais comme étant une part de moi-même par mes proches qui me fit m’y enfoncer profondément au point de vouloir devenir un érudit dans le domaine, d’avoir une connaissance la plus vaste possible, d’être le « meilleur » dans ce domaine, afin de ne plus m’entendre dire « tu n’es plus un enfant arrête de t’amuser ». Autant dire qu’ils ont presque réussi!
Mais! Car il y a un mais, l’espoir n’est pas perdu, je ris encore quand je lis, je vibre aussi, parfois suis-je même en colère, triste, heureux! Tout n’est pas perdu.
De plus vouloir étendre sa culture n’est pas mauvais en soi, c’est de perdre le goût dans ce domaine ou l’on aspire à devenir érudit qui est dramatique. Entrer dans une logique de performance n’est pas une façon de vivre qui me convient.
Alors pourquoi aimais-je tant les mangas?
La première chose qui m’attira vers eux furent des souvenirs. Cela se matérialisa par l’achat de Dragon Ball.
Cette lecture que je ressentis tellement différente de ce que m’avais procuré l’anime, tellement plus drôle, tellement plus intense, tellement plus beau et tellement plus disponible!!
Je continuais ma découverte avec Naruto qui me fit prendre conscience de la richesse du paysage manga.
Et me voici aujourd’hui, une mangathèque d’environ 700 tomes à quelques centaines de km, et une connaissance plus précise de ce paysage manga.
Qu’est-ce donc alors qui me plait, à quoi dois-je me raccrocher pour ne pas perdre ce goût?
La première chose qui me plait tant est le caractère épisodique du manga, j’aime suivre une histoire et ses personnages sur la durée, épisode par épisode.
Ensuite bien sur c’est la richesse des histoires. Quel plaisir que de découvrir tant de thèmes différents, tant de façon différentes de raconter des histoires toujours pourtant en noir en blanc, en case, et en bulles.
Mais ce qui me fit considérer le manga comme mon ultime loisir, fut le seinen. La liberté de ton autorisée, par l’optique d’un public adulte, le soin apporté aux planches, la complexité des histoires, tout ceci amplifia mon plaisir! Que n’ai-je pas ressenti à ma première lecture de Gantz! Combien n’ai-je pas était émerveillé par Vagabond!
Voilà d’autant plus pourquoi certains mangas comme Fairy Tail me semblent hors de propos. J’ai pris goût aux morts inacceptables, j’ai pris goût à être malmené par l’auteur. Bien sûr ce n’est pas là tout ce qui plait dans le manga, j’apprécie aussi tout particulièrement nombre de mangas comiques.
Finalement ce qui me plait dans le manga c’est son format et son hétérogénéité!
Et pour préserver mon goût j’ai trouvé ma solution, finis les mangas que je n’apprécies qu’un peu, dorénavant je vais me concentrer sur ce qui m’intéresse le plus. A moi les seinens borderlines!
Ce sera tout pour ce message, à la longueur peut être démesurée, mais pour moi nécessaire.
Et vous qu’est-ce donc qui vous fait collectionner une série ou la lire?
Pourquoi aimez vous le manga?
Et comment avez-vous réussi à en garder le goût (si vous avez réussi) sans entrer dans une logique de performance?