Gankutsuou – Le comte de Monte-Cristo
Une adaptation futuriste de l'œuvre bien connue d'Alexandre Dumas ? Voilà une initiative intéressante… Ne connaissant le roman que de nom, je ne savais pas à quoi m'attendre. Il est vrai qu'en dehors de ''La Reine Margot'' découvert en 6e et qui m'avait beaucoup plu à l'époque malgré le côté historique à côté de la plaque (j'ai aussi apprécié le film de 1954 avec Jeanne Moreau, adaptation qui a bien vieilli mais très plaisante contrairement à la version pornographique de 1994). Je viens de me souvenir que ''Les Trois Mousquetaires'' moisissent dans ma bibliothèque depuis plus de douze ans… J'ai décidé de me racheter vis-à-vis de son œuvre et ai donc commencé la lecture du ''Comte de Monte-Cristo'' depuis quelques jours, bien après avoir terminé la série animée.
Comme beaucoup j'imagine, j'ai entendu parler de ''Gankutsuou'' pour la première fois lors de sa sortie en DVD ou tout du moins de sa présentation dans Animeland (n° je ne sais plus combien). A l'époque, plus que l'adaptation en elle-même, c'est surtout l'aspect visuel de la série qui m'a intrigué. Un mélange hétéroclite entre baroque et Art Nouveau, rappelant quelque peu aussi les tableaux de Klimt. Bref, une innovation bienvenue. Mon verdict définitif sur cette série après découverte rejoint mes premières impressions : visuellement, c'est très joli, classe, un design typiquement nippon mais avec un rendu au niveau des couleurs et des textures très bien travaillé. Les décors sont réussis et détaillés. Il y a un peu de 3D employée, mais en dehors des armures qui jurent terriblement, le reste s’insère parfaitement dans les dessins. On sent un petit côté années 20 à l'époque du cinéma expressionniste allemand (''Le cabinet du Dr. Caligari'' pour ne citer que celui-ci). ainsi qu'une touche de rococo par moments. Un choix qui tranche pas mal avec le contexte du roman et son ambiance, plus réaliste et rappelant la période romantique des années 1830. Mais qui reste intéressant.
Si la série reste atypique visuellement parlant, elle l'est moins pour son scénario. En dehors de la mise en scène assez particulière par moments (renforcée par la musique de Jean-Jacques Burnel) et des épisodes amenant un certain nombre de rebondissement dans la seconde partie, j’avoue ne pas avoir été tant convaincue par l’histoire bien que sympathique. Le principal problème étant la mise en avant du personnage insupportable d’Albert de Morcerf : encore une fois, on retombe dans le schéma classique des anime qui ne sont pas des adaptations de mangas ; à nouveau, le héros est un très jeune homme (Albert n’a que quinze ans), immature et excessivement naïf, confronté à une réalité dangereuse qui ne correspond pas à ses idéaux. Je n’ai rien contre ce topos cinématographique, étant moi-même une lectrice d’un certain nombre de shônen rétros. Malheureusement, si sur certains anime ce stéréotype fonctionne très bien, ici sur ''Gankutsuou'' plus vraiment.
Albert est un personnage insipide, casse-pieds et puéril, sorte d’enfant pourri gâté qui découvre la société mondaine à laquelle il appartient et en profite pour dépenser aveuglement sa rente et profiter du charme féminin pendant que sa fiancée est délaissée dans ses appartements. Dans le roman, il est très imbu de sa position et n'hésite pas à demander le meilleur confort (''Et Morcerf, avec cette admirable philosophie qui ne croit rien impossible tant qu’elle sent sa bourse ronde ou son portefeuille garni, soupa, se coucha, s’endormit sur les deux oreilles, et rêva qu’il courait le carnaval dans une calèche à six chevaux''), allant même jusqu’à se confronter innocemment au bandit Luigi Vampa alors qu’on l’a informé encore tout récemment de la dangerosité du personnage, mais celui de l’anime m’a davantage déplu. Non seulement sa personnalité n’a rien d’exceptionnelle ou d’attirante, mais surtout, il faut attendre une vingtaine d’épisodes pour qu’il y ait un soupçon d’évolution en lui. Autant dire que pendant presque vingt épisodes, on a droit à un ''héros'' sans grand charisme. Certes, on en déduit que ça vient de son éducation et de son jeune âge, mais même avec ces explications, il ne m’est pas davantage sympathique. Néanmoins, j’ai bien apprécié sa relation avec Franz lors de la mort de ce dernier, j’avoue.
Dans le roman, c’est Franz qui est davantage mis en avant même si c’est bien Edmond Dantès/Le comte qui en est le personnage principal. A y réfléchir, même si Franz est dans l’anime bien moins attrayant, il n’en reste pas moins plus sensé, mature et entreprenant qu’Albert et j’aurai bien aimé que ce soit lui qui soit à la première place.
Parmi les personnages dits secondaires, j’ai surtout adoré le personnage d’Eugénie. Dans l’anime, c’est une jeune femme entreprenante, talentueuse, pleine de projets et prête à mettre sa vie amoureuse entre parenthèses pour faire carrière dans la musique. Elle n’hésite pas à faire savoir ce qu’elle pense à Albert et aux autres, on sent bien qu’au départ ses fiançailles ne l’intéressent pas et qu’elle a accepté contre son gré comme bien souvent à l’époque dans ces familles aristocrates. Sa confrontation avec le marquis de Cavalcanti, personnage oh combien cliché au niveau du design (sorte de pseudo bishônen aux cheveux longs) mais d’une perversité et surtout d’un machiavélisme bien trempé apporte beaucoup à la série, car elle permet de relancer le scénario et surtout d’en finir avec cette relation ubuesque forcée entre Albert et Eugénie.
Le personnage de Maximilien Morrel ne m’a pas déplu. Son projet d’épouser une noble qu’il ne peut fréquenter en raison de ses origines roturières lui permet de se mettre un peu en avant au cours de la série, mais là encore j’ai eu l’impression d’avoir déjà vu cent fois ce genre de personnage. Celui qui me vient directement à l’esprit est le lieutenant (capitaine dans le roman) Marcenay, personnage de la série Tv ''Le secret du sable bleu'', elle aussi adaptée d’un roman français, cette fois de Jules Verne. On y retrouve là aussi un militaire impressionnant au niveau physique, mais timide, peu sûr de lui et qui tombe amoureux d’une jeune fille inaccessible au premier coup d’œil.
A vrai dire, en dehors d’Eugénie, les personnages gravitant autour d’Albert que j’ai le plus apprécié sont le journaliste Beauchamp, Renaud le passionné d’automobile et le secrétaire du ministère de l’intérieur Debray. Malheureusement on ne les voit pas beaucoup…
Plus que ces jeunes gens, ce sont davantage les adultes qui font tout l’intérêt de cette série. A commencer par le comte de Monte-Cristo : voilà un personnage qui impose, dont les intentions restent troubles mais machiavéliques vers la fin lorsqu’il abandonne Albert à son propre désespoir (bon notez que dans mon cas je m’en fichais pas mal d’Albert à ce moment-là) et part venger son séjour au château d’If. Ses adversaires, aussi arrogants qu’ils se montrent au grand jour, se font avoir par leurs propres faiblesses et ce à notre grand plaisir ( je pense notamment au sort de Danglars). Le combat final entre Fernand de Morcerf et le comte est très appréciable. La bonne surprise est également du côté féminin avec entre-autre une marquise G. intrigante même si elle apparaît peu (j’ai enfin compris d’où venait le très bel avatar de subaru64 sur le forum DVDanime), et surtout Mercédès ! Même si au départ elle semble rester dans l’ombre de son mari, les mystères qui entourent sa relation font beaucoup l’intérêt du personnage ainsi que sa volonté de protéger son fils. Malheureusement, sa relation avec le comte n’est plus vraiment développer à partir d’un certain nombre d’épisodes. Un comble pour une intrigue qui constitue tout de même l’une des bases du roman !
Pour les personnages restants, il y a du bon et du moins bon. Haydée et Beppo sont intéressantes, mais souvent assez cliché, comme sortant de n’importe quel anime. Impression d’ailleurs renforcée en VO qui leur attribue des voix typiques sans grande originalité. Le bandit Luigi Vampa aurait mérité davantage de présence, car il paraît bien fade par rapport à ce que dit de lui le roman.
J’ai déjà exprimé mes impressions au niveau du scénario que j’ai trouvé plutôt réussi mais plein de défauts. Tout d'abord, il écarte beaucoup trop le passé du comte (alors que le roman s’y attarde longuement) pour se concentrer uniquement sur la vengeance du comte, ce qui rend ses motivations un peu superficielles. Le contexte géopolitique me semble bien trop vite esquissé (qu’est-ce que sont ces territoires ennemis ? L’Empire ? L’Espace de l’ouest et de l’est ?) : on devine bien que le réalisateur s’est quelque peu inspiré du monde de l’époque, mais pourquoi ne pas nous en dire un peu plus ? On apprend que ces territoires sont en guerre avec Paris, mais mis à part Morrel, ça ne concerne plus personne à partir de certains épisodes. Il est vrai que la série n'est pas très longue, mais quitte à proposer une série de 24 épisodes, autant faire en sorte que les épisodes ne s'attardent pas sur des détails inutiles. Le début de la série est particulièrement laborieux. Sans parler de la retranscription de l'Europe du XIXe siècle (bien qu'ayant lieu dans un univers futuriste) : le duel en armures ressemble davantage à un combat de robots géants plus qu’à un duel d’époque. On sent le côté exotique dans la représentation de Paris qui au fond ne change pas beaucoup de celle qu’on retrouve dans majorité de titres extra-européens. Quant à cette histoire de Gankutsuou, toute la période où Albert et Franz tentent de se renseigner sur ce côté obscure du comte le faisant ressembler à un vampire (dans le roman, c’est parce qu’il est resté 14 ans enfermé sans voir le soleil) apporte beaucoup de mystères. On reste scotché à l’écran, espérant en savoir davantage et comprendre comment tout ceci va se terminer. Pour finalement tourner court et tomber à plat. La tentative naïve d’Albert de sauver le comte en lui causant amitié et tout le bazar m’a rappelé les meilleurs épisodes de ''Yu-Gi-Oh'' (toute ma jeunesse) et des ''Chevaliers du Zodiaque'', c’est dire ! Albert, descendant du casse-pied Seiya ?
Comprenez-moi, je n’ai rien contre d’ajouter du fantastique à cette adaptation (je dirai plus interprétation voire transposition), à condition que ça apporte réellement quelque chose à l’histoire. Or je pense que cette série aurait pu se passer de cet ajout quelque peu sans rapport avec le reste de l’anime. Peut-être d’autres l’ont-ils apprécié (j’ai lu des critiques arguant qu’il s’agissait du seul point donnant un certain intérêt à l’anime) et j’aurai peut-être eu la même impression si la fin avait été mieux amenée.
L’idée narrative que j’ai eu le plus de plaisir à suivre est bien la vengeance du comte sur ceux l’ayant autrefois trahi. Ce personnage haut en couleur s’en donne à cœur joie pour donner une punition méritée à ces hommes jusqu’ici insolents et avides de pouvoir. Ces derniers tremblent devant la puissance du comte et on se prend un malin plaisir à suivre leur confrontation puis la déchéance des coupables. Assurément l’autre point fort du film avec l’aspect visuel, car le comte, plus que charismatique dans ces séquences, n’a aucune pitié pour ses adversaires.
J’ai vu la série en VF, beaucoup ayant certifié sa grande qualité, bien que son origine (les studios St-Maur) n’était guère rassurant. Mais je ne serai pas si enthousiaste. Certes, la voix du comte est de loin la meilleure du casting et son collègue japonais réalise une performance exemplaire en faisant le résumé des épisodes précédent en bon français ! Sur ce point, les deux versions se valent parfaitement. Pour les autres personnages, la plupart des voix d’adultes sont très bien choisis et je n’ai pas grand-chose à redire. Pour les plus jeunes, hormis Beauchamp et Debray vu qu’ils n’apparaissent pas beaucoup, ainsi qu’Eugénie et son jeune frère, les autres ont des voix plutôt moyennes. Je ne vais pas m’étaler sur Albert qui comme sa personnalité a une voix très indigeste (mais qui colle très bien au personnage), néanmoins j’ai apprécié la prestation du comédien sur certaines scènes dans les derniers épisodes. Un bel effort à constater. Franz malheureusement a une voix très insipide comme si son comédien s’ennuyait. Quant à Maximilien et Renaud, leurs voix sont bien trop caricaturales et désagréables à entendre. Quant aux filles restantes, c’est correct mais sans plus (je sauve néanmoins Beppo qui a une voix plutôt réussi dans la catégorie malicieuse).
Si la traduction est très réussie et colle relativement à la période où Dumas a écrit son roman ainsi qu’une distinction entre le langage aristocrate et le langage plus populaire (voire argotique pour les brigands) – Oh surprise c’est Ilan Nguyên, avec qui je suis régulièrement en désaccord concernant Lupin III qu’il semble connaître à peine, qui a travaillé sur l'adaptation française – j’ai eu la surprise d’assister durant le duel à un défaut technique datant… de la belle époque des années AB ! Vous vous souvenez des mots voire de répliques entières laissées en japonais dans la VF parce que rapidement doublée ? Eh bien il en est de même ici où un mot n’a pas été doublé (et je suis persuadée que les cris entendus durant le duel sont en VO) ! Incroyable ! Je n’aurai jamais cru revoir ça dans un anime doublé en 2005 ! Heureusement ce n’est qu’une fois, mais c’est une fois de trop !
Pour conclure, sans être un chef-d’œuvre, ''Gankutsuou'' reste une belle tentative d’adapter d’une façon originale le roman de Dumas (que je n’ai pas encore terminé je précise) et il est certain que d’un point de vue esthétique, la série apporte une certaine révolution expérimentale dans le milieu de la japanime des années 2000. En soi, ce fut une série passionnante à suivre malgré ses gros défauts narratifs et le comte rend honneur à celui d’Alexandre Dumas. Pour autant, je ne conseillerai pas la série à tout le monde : les amateurs d’anime disons ''grand-public'' n’accrocheraient pas forcément au graphisme et je doute qu’un novice soit attiré par cette transposition futuriste qui reprend malgré tout pas mal de codes scénaristiques des anime.