Expendables
"- What happened to you?
– I got my ass kicked…"
Stallone continue d'explorer le thème du héros fatigué (entamé avec les excellents Rocky Balboa et John Rambo) avec un brio désinvolte.
Précurseur de la vague des Action Movie des années 80-90, Stallone n'a jamais eu les films qu'il méritait (en dehors des trois premiers Rocky et des deux premiers Rambo). Tandis que Schwarzenegger s'est souvent entouré de grands réalisateurs (John Mc Tiernan pour Predator, James Cameron pour Terminator 1 et 2, ou True Lies, Paul Verhoeven pour Total Recall…), Sly, partisan d'une approche plus personnelle et de personnages vulnérables, dut se contenter de réal de seconde main et de films, notez l'opportunité du mot choisi, dispensables.
Puisque le genre Action Movie refuse de lui rendre l'hommage qu'il mérite largement, Sylvester a décidé de se l'accaparer, de le modifier, de l'emmener là où il a toujours voulu aller en devenant son propre scénariste et réalisateur.
Expendables, c'est un peu l'histoire de Stallone, la traversée du désert, le retour aux armes d'hommes qui ne savent faire qu'une chose, dézinguer en grandes pompes, et dont plus personne ne veut, une fois qu'ils ont servi et sont usés, jetés comme de vieilles chaussettes par l'industrie du divertissement leur gouvernement. Et le résultat est un film d'action qui continuera à dissuader l'intelligentsia du milieu de parier sur l'homme, mais qui apporte indubitablement un souffle nouveau au genre, une nouvelle catégorie d'Action Movie, croisement entre l'action décomplexée mais réaliste d'un Jason Bourne (ou des derniers James Bond), la démesure d'un Commando, agrémenté d'un côté Buddy Movie pas dégeu du tout, le tout saupoudré de dialogues et de scènes évitant les clichés inhérents au genre, et par là-même humanisant les personnages.
Schwarzie est sûr de lui, direct, d'une précision d'horlogerie suisse, dans ses films. De Conan le Barbare à Terminator 2, il campe des mâles alpha, des dos argenté. C'est pour ça qu'on l'apprécie, il est invincible. A chacun de ses films, tout le monde attendait la phrase choc, la réplique qui tue, "I'll be back" en est l'exemple type! A ce sujet, je vous recommande de voir, si ce n'est déjà fait, Last Action Hero (1993), film paradoxal qui, tout en sublimant le parcours de l'acteur, en est aussi le chant du cygne. Après, c'est le déluge, mis à part True Lies (1994), reprise Hollywoodienne de La totale.
Revenons-en à Sly. Donc, si Schwarzenegger représente l'invincible dominant, qui fait tomber toutes les femmes a ses pieds, Stallone joue sur la corde de la sensibilité. Parce qu'il est complexé, Stallone, des yeux de cocker, une gueule tordue, une timidité maladive, un mal-être qu'on ressent parfaitement dans les deux rôles de sa vie, Rocky et Rambo.
Rocky bégaie, cherche ses mots, baisse les yeux, se fait rembarrer, élève deux tortues, fait le sale boulot pour un mafieux de bas-étage, fait maladroitement la court à la jeune vendeuse Adrianne, s'enferme dans un mutisme avant de crier désespérément à l'aide à Mickey. Puis il se trouve. Sur un ring. Contre le champion Apollo "Cassius Clay" Creed. Il encaisse, il tombe, il se relève, le petit Rocky.
Toute une philosophie de vie qu'il tentera d'appliquer.
Rambo emmerde le monde; Rambo a fait le Viet Nam. Il en est revenu, en partie. Ses amis y sont restés, il développe un complexe du survivant. De retour au pays, il apprend qu'il est loin d'y être le bienvenu, tout lui est refusé, même la traversée d'une paisible bourgade. Voilà la récompense pour ce héros de guerre, une séance de "brimades" amicale au poste de police local.
Mine de rien, Stallone est certes le précurseur des Action Movies des 80's, mais il est aussi l'initiateur, dix bonnes années avant tout le monde, du mythe du héros fatigué, figure de proue de la fin des années 90 – début 2000, remise en question, défaites, voire morts, têtes baissées…
On peut évidemment citer d'autres films faisant honneur à Stallone, comme Demolition Man, où il campe un parfait clone de Schwarzie, ou encore le sous-estimé Copland, mais Stallone en a bavé, jusqu'à Rocky Balboa. Il aura fallu attendre la fin de sa carrière pour que papy Sly (64 ans cette année tout de même!) daigne enfin se rebeller, "lève-toi, vieille carcasse!" se dit-il. N'ayant plus rien à prouver ni à perdre, il écrit et se met en scène lui-même, et pourtant ça le démangeait depuis le premier Rocky! Résultat, du grand Rocky, un miroir sur l'homme, quelques réflexions, beaucoup d'auto critique, et une phrase qui résume bien ce qu'est Stallone: "C'est pas les coups que tu peux donner qui comptent, c'est combien tu peux en prendre tout en continuant d'avancer."
John Rambo suit. Retiré dans un coin paumé d'Asie, le guerrier est devenu ermite-pêcheur, "Fuck the world!" lance-t-il lorsqu'on vient pour tenter de louer ses services. Le ton est donné. Des missionnaires demandent son aide? "Pas mon problème…" Ni la patrie, ni la religion ne feront sortir Rambo de sa retraite. Sa raison d'agir? Une petite blonde en danger. Décapitations à la machette, sulfateuses, poignards de trente centimètres dans l'oesophage, les vieilles habitudes ont la vie dure. Mais à la fin, le guerrier trouvera la paix de l'âme dans une maison familiale, perdue au fin fond de l'Amérique profonde.
Et donc maintenant, Expendables!
Un commando de mercenaires, dont la plupart a passé l'âge de la retraite, payés pour faire le sale boulot, tous classés dans les pertes acceptables, sacrifiables (expendables). la dernière mission en date a vu l'un des membres péter les plombs puis retourner son arme contre l'un des siens. Ce sont des choses qui arrivent, mais Gunnar n'accepte pas sa mise à l'écart.
Une nouvelle mission emmène Barney Ross (Stallone) sur une île d'Amérique centrale (Vilena) pour tuer un dictateur. Une mission suicide aux yeux des hommes de Barney.
Sur le papier, l'histoire ne fera pas dix lignes. La magie du cinéma d'action fait que cela suffit amplement. Stallone installe ses personnages, leur donne un background, des cicatrices, un paquet de fêlures, de traumatismes. Certains sont cocus, d'autres tentent de soigner leur dépression avec la drogue, et d'autres encores voient un psy. Mais ce qu'on voit dans cette boutique de tatouages, QG des expendables, c'est une bande de potes qui ont vieilli ensemble, qui se pardonnent tout, qui se soutiennent mutuellement, qui craignent d'avoir perdu leurs âmes au coin d'une rue de Bosnie.
Niveau action, on reste dans la lignée de John Rambo, en "légèrement" plus soft. La démesure d'un Commando, donc, mais avec réalisme. Les soldats ne viennent pas s'aligner en attendant de se faire trucider, par exemple. Néanmoins, il se dégage du final un parfum old 80's absolument enivrant.
La scène d'introduction du film pose d'emblée la norme, un peu de gore, des perso Bad ass comme on aime, quelques répliques cinglantes, et un Stallone adepte du vieux six-coups avec la rapidité et la dexterité d'un Revolver Ocelot (Metal Gear Solid)!
On assiste plus tard à la rencontre du trio d'action heroes symbolique des années 80-90: Stallone – Bruce Willis – Schwarzenegger! Là encore, Sly donne à Schwarzie les répliques qui nous font regretter cette époque bénie!
Un combat en particulier sort du lot, Steve Austin/Sly. Ce n'est pas tant le combat en lui-même qui impressionne que la mise en scène et le culot de Stallone dans son aboutissement.
Deux acteurs sortent du lot. Si Jason Statham (Christmas) reste fidèle à lui-même, et donc ne surprend jamais, Dolph Lundgren campe un Gunnar déjanté, laissant au premier abord une impression de caricature vivante pour finalement dévoiler un personnage complexé, stressé, terrifié à l'idée d'être abandonné par ses amis, prisonnier de sa timidité et de ses sautes d'humeur, allant jusqu'à penser à la trahison.
Ensuite, Mickey Rourke (Tool). Pas d'action pour lui, tatoueur, ancien soldat ayant rangé les armes, il déplore la perte d'humanité du monde actuel, et surtout la sienne. Véritable conscience de l'équipe, ses répliques ne sont pas lancées au hasard.
Concernant la forme, le film pêche par une composition musicale transparente, peu marquante, mais qui encombre parfois quelques scènes et finit par devenir génante, excepté dans le final.
La mise en scène est un peu trop conventionnelle, et rend parfois l'action brouillonne, mais Stallone n'aime pas trop l'esbroufe visuelle et les effets inutiles, ce qui est tout à son honneur.Un film à ne pas rater! Pas de Bullet-Time! Pas d'explosions avec les héros qui sautent au premier plan au ralenti! Pas de vampires Emo-Goth! Pas de Michael Bay! Pas de Nicolas Cage! Pas de Megan Fox! Du défouraillage en bonne et due forme! Du Stallone! Un autel dressé au culte de la barbarie des années 80! Un retour vers le passé! Un retour vers le futur! Des bras cassés! Même pas en 3D! Wouhou!
Reste une chose à dire: Allez, la suite!
"With the first link, the chain is forged. The first speech censured, the first thought forbidden, the first freedom denied, chains us all irrevocably." -Jean-Luc Picard
Star Trek - The Next Generation / The Drumhead