Voilà un post que j’avais envie d’écrire depuis un moment !
Soyons clairs : ça va divulgâcher Frozen II (forcément), et un peu Captain Marvel et X-Men : Dark Phoenix. Amis frileux, passez votre chemin. ^^
En 2019, parmi la maigre poignée de films que j’ai vus en salle, j’ai vu se dessiner une tendance qui m’a laissée pensive.
Tout d’abord, prenons Frozen II, que j’ai placé au cœur de ce topic.
Résumé : Elsa, reine d’Arendelle, a accepté de faire la paix avec elle-même et avec le monde. Elle s’est réconciliée avec sa vraie nature (son pouvoir). Autrefois, elle devait mentir constamment, elle a été rejetée pour sa différence, elle a cru qu’elle devrait vivre seule dans un palais de glace, en pleine montagne. Mais, grâce à l’amour de sa sœur Anna qui la relie au reste du monde, Elsa a pu revenir parmi les vivants. Elle vit maintenant sans se cacher, sans inspirer la crainte ou le rejet. Elle est intégrée à la société et occupe la fonction qui lui revient.
Frozen I, c’est donc l’histoire d’une personne particulière, différente, qui après s’être rejetée elle-même puis avoir été rejetée des autres, est finalement réintégrée et autorisée à vivre en étant elle-même.
C’est là qu’arrive Frozen II.
Notez que j’ai beaucoup aimé cette suite, tant sur l’histoire que sur l’animation. Pas question de la casser, à aucun niveau.
Donc, Frozen II débute. Ici, nous allons explorer plus profondément l’origine des pouvoirs d’Elsa, et surtout leur étendue. Ce n’est plus tant une histoire d’acceptation de soi ou des autres (c’est déjà fait). C’est savoir quoi faire avec sa particularité, la mettre en pratique, se révéler. La chanson Show Yourself le retranscrit parfaitement : Elsa incite la « voix » extérieure à se montrer, mais cette voix n’est pas seulement extérieure. Il y a quelque chose qui renvoie à soi-même dans « yourself ». On peut parler de porter, de montrer sa nature profonde au reste du monde. Elsa va bien se transcender dans ce film : à la fin, elle apparaît comme une véritable déesse.
Il y a des plans sublimes dans la caverne, où on la voit en silhouette, une simple femme, cheveux détachée, libre. Elle n’a pas besoin d’artifices ou d’objets pour apparaître incroyablement puissante. Idem lorsqu’elle sauve Arendelle de la submersion : elle monte à cru, sans selle ou bride, une entité qu’elle a apprivoisée avec sa seule force intérieure. Elle porte une robe d’une blancheur immaculée et commande désormais aux esprits, ce qui est logique : elle revient littéralement de la mort grâce à sa sœur, toujours dans son rôle de passerelle.
A ce stade, Elsa est devenue une divinité.
Depuis le début, l’histoire sous-tend une problématique entre Elsa et Anna : elles ne sont pas du même monde. On comprend l’angoisse d’Anna de perdre sa sœur, sa volonté de vouloir l’accompagner, de tout faire avec elle. On peut s’agacer qu’Elsa la renvoie contre son gré, comme si elle se victimisait avec un discours « je dois être seule, tu ne peux pas me suivre ». Le fait est que c’est pourtant vrai. Elsa ne peut révéler son plein potentiel si elle reste prudente, dans les clous, si elle doit se préoccuper de sa sœur à l’arrière. Elle doit se mettre en jeu, risquer sa vie pour atteindre son plein potentiel. C’est une dimension où Anna ne peut pas la suivre. Heureusement, cette différence n’empêche pas l’amour entre elles. C’est en mettant en avant la notion de lien inébranlable et de complémentarité que le film finit.
Sauf que… Le fait est qu’en accédant à la déité, Elsa n’est plus reine d’Arendelle. On la voit fréquenter les Indiens, puis partir seule son son île. Est-ce là qu’elle vit ? Quid de tous les efforts fournis dans le premier film ?
Attention : cette désintégration ne semble pas au détriment du personnage. Elsa semble heureuse, épanouie à 100%. Juste, je remarque que cette femme, devenue comme trop puissante pour le commun des mortels, n’a plus vraiment sa place dans la société. Cette société l’enfermait dans un rôle de reine où elle n’était pas forcément à l’aise. Mais n’y aurait-il pas eu un rôle, une place pour elle, où elle aurait pu à la fois révéler son potentiel, et vivre intégrée ?
C’est là qu’interviennent Dark Phoenix et Captain Marvel. A l’issue de ces deux films, j’avais un sentiment de miroir : deux longs métrages mettant en avant une femme (ce qui constitue pour l’instant des exceptions dans le paysage des super-héros au cinéma), deux héroïnes aux pouvoirs incommensurables, quasiment des déesses… Et deux déesses qui doivent finalement s’exiler de cette terre.
Je m’interroge : qu’est-ce que cela révèle ? Pourquoi cette tendance à déifier les héroïnes ? Est-ce à dire qu’une femme ne peut atteindre dans ce monde son plein potentiel ? Que si elle obtient le pouvoir, elle sera alors en marge de la société, et qu’elle devra partir ?
Voilà la réflexion que j’avais envie de partager.