Suite à cette discussion dans le sujet consacré aux anime "occidentaux", je propose de relancer le débat ici même.
En somme, la question était de savoir si le cinéma d'animation était un genre à part entière, nécessitant la création de catégories spécifiques lors de cérémonies de récompenses comme les Oscars ou les Césars.
Il semblerait que l'"animation" et le cinéma de prise de vue réelle soit a priori deux types de productions culturelles bien distinctes, quoi que diffusés par les mêmes médias ( salles, télévisions, etc. ).
Avant d'affirmer quoi que ce soit, de conclure hâtivement, de proclamer l'existence une frontière claire entre "animation" et "fiction", peut-être conviendrait-il avant de savoir exactement de quoi l'on parle ?
D'où vient le cinéma ? Qu'est-ce qui le définit en tant que tel ? Qu'est-ce que l'"animation" ? Réduits à leurs premières essences, l'un et l'autre ne sont-ils pas fait du même bois ? Ou au contraire, y a-t-il pour chacun d'eux une fondation particulière qui les distinguent définitivement ? Toutes ces questions me semblent en premier lieu incontournables.
La préhistoire
Pedant le 19ème siècle, on expérimente à tous vents : lien wikipédia. Il en sort une idée générale, "Le phénomène physiologique de la persistance rétinienne est observé au XVIe siècle et XVIIe siècle par le Chevalier d'Arcy et Isaac Newton. Ce défaut de l'œil, cumulé à celui de la capacité du cerveau de lier entre elles plusieurs images séparées, permettent la création d'un artifice reconstituant le mouvement."
Bref, il s'agit de créer une illusion de mouvement, et ainsi créer des scènes animées. De la photographie aux dessins, tout y passe, à la recherche d'effets remarquables qui attireront le chaland lors de kermesses ou de fêtes foraines. L'ambition se limite encore à produire des images plus que de pondre des scénarios réels.
Et les Lumières furent
La technique se précise et les résultats deviennent plus concluant. L'appareil des frères Lumières permet de réaliser des courts métrages et d'être projetés sur des écrans larges. Succès fulgurant, le principe sera copié, imité, etc.
A partir de là, le "cinéma" prend la forme que nous lui connaissons encore aujourd'hui.
Quoiqu'encore réservé à un public restreint à quelques salles et fêtes foraines, partout dans le monde un expérimente cette nouvelle forme de production : on filme de tout, de courses de voitures à des opéras.
Les débuts
Pour l'essentiel, les productions sont des espèces de documentaires, de "reportages" d'événements solennels…
Mélies est parmi les premiers à commencer à introduire des effets spéciaux pour créer un langage cinématographique. Il adapte des contes et des romans de l'époque ( Cendrillon, Gulliver, Voyage sur la lune… ). Mais à vrai dire, ces productions tiennent plus du théâtre filmé, la caméra reste fixe, tel un spectateur assistant à une représentation.
…
C'est là que j'ose proposer ceci : le cinéma à la base peut-il vraiment se distinguer du théâtre ? prenez une caméra et posez-là pour filmer quoi que ce soit : est-ce réellement bien différent de la photographie ? du théâtre ? de l'opéra ?
Ce qui va différencier le cinéma de ces autres disciplines, c'est la technique : faites tourner la caméra, mettez des zooms, raccourcissez une séquence, etc, tous ces effets spéciaux inhérents aux progrès de la technologie vont permettre la création d'un langage cinématographique.
La narration, le style, les codes, tout dépend alors directement du matériel à disposition du réalisateur ( et bien évidemment, n'oublions pas le talent des scénaristes et acteurs ^^ ).
Epuré au maximum, débarrassé de la technique, le cinéma, qu'est-ce au fond ?
C'est là que l'on va reparler du cinéma d'animation.
Une définition ? Je propose celle du Chef, Walt Disney lui-même, en 1935 :
"La fonction première du dessin animé n'est pas de représenter ou de reproduire des actions réelles ou des situations telles qu'elles se passent effectivement, mais d'offrir une caricature de la vie ou de l'action, de dépeindre sur l'écran des scènes qui ont traversé l'imagination du public, de donner vie à des rêves, des fantasmes, des choses imaginaires que nous avons tous eues à l'esprit au cours de notre vie, ou qu'on nous a montrées sous diverses formes tout au long de notre existence […] Je crois fondamentalement que nous ne pouvons réaliser des choses imginaires basées sur le réel, à moins de connaître d'abord le réel. Il faudrait très clairement attirer sur ce point l'attention de tous les [artistes]"
Bref, pour résumer, l'animation c'est l'art de la caricature pour produire quelque chose de convaincant et qui "parle" à tout le monde.
En cela, nous ne sommes pas du tout éloigné du cinéma traditionnel, qui fonctionne lui à l'éxagération, à l'accentuation des réactions des personnages, en accompagnant chaque scène clef d'un effet particulier ( musique, lumière, cadrage, trucages, maquillages, etc. ).
Alors quelle différence ?
Autre point essentiel, l'animation ne se résume pas au dessin.
On peut distinguer deux types principaux d'animations :
– la 2D : dessins, cellulo, papiers découpés, ombres, etc.
– la 3D : pâte à modeler, marionnettes, images de synthèses, etc.
A la frontière des "genres", j'ai personnellement du mal à distinguer ce qui différencie le film d'animation Roger Rabbit, avec ses toons dans des décors réels, de l'épisode III de Star Wars avec ses acteurs dans des environnements à 100% virtuels ( sans parler de séquences entières en images de synthèses… alors, animation ou pas ? ).
Le grand Ray Harryhausen lui-même était-il un animateur génial digne des maîtres comme Disney ou un simple artiste spécialiste des effets spéciaux ? Là encore la frontière est floue.
Voilà en gros posé quelques points à débattre, à approfondir, à cerner, pour bien savoir si distinction il doit y avoir ou pas.
Pour ma part, j'ai l'intime conviction que la différence résume de l'intention de départ du réalisateur : "je ferai un film d'animation" ou "je ferai un film de fiction". Voilà je pense ce qui fonde la différence entre les deux "genres", qui ne cessent de s'emprunter l'un à l'autre leurs spécificités et leurs trouvailles ( comme le storyboard du père Disney, au succès indiscutable… ).
Reste ensuite à mettre oeuvre et à rassembler le matériel et les compétences nécessaires à la réalisation du projet, mais à mes yeux impossible d'affirmer de manière préremptoire qu'une différenciation doit être faite.