La Mort de Superman
Un monde sans Superman
Jurgens – Ordway – Simonson – Stern
Le règne des Supermen
Jurgens – Kesel – Simonson – Stern
Quelque part sur Terre, ou plutôt sous Terre, un monstre enfermé se libère peu à peu de ses entraves et de sa prison , à la force de ses poings, de ses phalanges.
Ce monstre est une machine à tuer, implacable, qui ne semble avoir d'autre ambition que celle de tuer tout ce qui vit dans son sillage, riant inlassablement et criant “Doom !”
La Ligue de Justice est impuissante face à ce monstre, vite surnommé Doomsday.
C'est à ce moment que Superman entre en scène. Un duel de titans débute alors.
Doomsday est aussi puissant, sinon plus, que Superman. Leur combat se poursuit pendant des heures, sur plusieurs kilomètres, pour se terminer en plein centre de Metropolis.
L'issue est connue, après tout le titre de ce run est “La Mort de Superman“.
Comment l'Humanité va-t-elle gérer la mort de son plus grand héros ? Loïs Lane, qui était alors fiancée à Clark Kent, Jonathan et Martha Kent, les parents adoptifs de Superman, Lex Luthor II, le “fils” de Lex Luthor, la Ligue de Justice. Chacun d'entre eux gérera la mort de ce dieu de manière plus ou moins différente.
Tandis que certains tenteront de faire le deuil de Superman, d'autres nieront et feront tout pour “ressusciter dieu”. D'autres encore, sachant que Clark Kent était Superman, devront continuer à entretenir le secret sur son identité, afin de protéger sa famille.
Volà une histoire totalement ancrée dans son époque, une histoire qui a surtout marqué son époque !
Si vous avez été, au moins, adolescents au cours des années 90, impossible que vous n'ayez pas ne serait-ce qu'entendu parler de cet évènement qui a bouleversé le monde des comics à l'époque, et dont la portée a dépassé le simple cadre de la bande-dessinée américaine, comme rarement ce fut le cas !
Et pourtant, dans le monde des comics, la mort (et le retour) des super-héros est presque une banalité, un passage obligé ! La façon dont les gens ont réagi montre bien que Superman n'a jamais été, et ne sera jamais, un super-héros comme les autres. C'est LE Super-Héros par définition, et une icône très forte ! Imaginez que Mickey ait été annoncé comme mort, le choc aurait été le même !
Tous les médias s'étaient intéressés à la mort du premier super-héros, et les journaux télévisés ont largement diffusé la nouvelle, même en France !
– La genèse de La Mort de Superman :
Superman : The Man of Steel, Superman, The Adventures of Superman et Action Comics. Ces quatre titres mensuels consacrés à l'Homme d'Acier à cette époque étaient tous liés entre eux et racontaient cette histoire unique. Au même moment d'ailleurs, tous les titres Batman se consacraient à Knightfall (en cours de parution chez Urban)
Le point commun entre ces deux évènements ? Ils se posent tous deux en réaction au courant cynique de l'époque, mettant en avant des anti-héros prêts à se salir les mains, éventuellement à tuer, pour parvenir à leurs fins.
C'est en mettant ses deux plus grands super-héros en situation d'échec face à une force implacable (Doomsday pour Superman, Bane pour Batman), puis en les mettant littéralement hors de combat pendant une longue période, que les auteurs abordent cet avènement des anti-héros. En effet, la nature ne supportant pas le vide, l'absence de Superman et de Batman est comblée par d'autres avatars. Des avatars à la morale bien plus fluctuante que celle de leurs vénérables ainés.
En bousculant le statu quo, l'éditeur joue aussi avec les attentes du public. “Si la mode est aux anti-héros ultra-violents, OK ! Pas de souci ! On vous débarrasse de Superman !” semblent nous dire les auteurs. Et tout-à-coup, le lecteur qui considérait l'Homme d'Acier comme un élément de son décor quotidien, voit disparaître quelque chose de familier, d'évident, qui a toujours été présent. Il se retrouve orphelin en quelque sorte. Le choc est rude. Certes, Superman faisait tapisserie (les ventes n'étaient alors pas formidables), mais il était “là”.
Dans la préface du tome 2, Mike Carlin résume parfaitement la chose :
“Les journalistes nous demandaient 'comment osez-vous arracher Superman aux gens ?' Je leur demandais en retour 'ça remonte à quand, la dernière fois où vous avez acheté un numéro de Superman ?' La réponse, invariablement, était quelque chose comme 'Euh… il y a vingt ou trente ans.'
De l'eau à mon moulin : 'si vous n'arrosez pas vos plantes, elles MEURENT. Et Superman était là alors que vous n'y étiez plus !'“
Il faut bien sûr aussi prendre en compte un autre évènement : La série Loïs et Clark, les nouvelles aventures de Superman ! Cette série se concentrait en grande partie sur la romance entre Loïs Lane et Clark Kent, et qui devait à terme mener au mariage des deux journalistes. Or, le mariage était aussi dans le planning du comic, à peu près à la même période. Il fut donc décidé, afin de ne pas empiéter sur la série, de trouver une autre idée, de retarder le mariage, ce qui amena à cette histoire.
La Mort de Superman peut être décomposée en 3 parties distinctes :
– Le combat entre Doomsday et Superman, jusque son final tragique (tome 1)
– Le deuil de Superman (tome 1)
– L'arrivée des Supermen (tome 2)
Le second tome se consacre donc au “règne des Supermen“.
Dans le Règne des Supermen, quatre personnages se réclament successeurs de Superman, voire se désignent en tant qu'authentique Superman.
Le premier à nous être présenté semble posséder le corps même de Superman. S'agit-il de Superman lui-même qui aurait changé ? Ses méthodes sont plus expéditives, il va parfois même jusqu'à tuer les malfaiteurs. Il porte en permanence une espèce de visière jaune pour protéger ses yeux du soleil.
Le deuxième est un homme, monsieur tout le monde des bas quartiers, Henry Johnson, alias John Henry Irons, alias l'Homme d'Acier, alias Steel.
Se sentant responsable de la circulation d'armes de son invention, il décide de rendre hommage à Superman en se construisant une armure portant le symbole et la cape du héros mort au combat.
Le troisième certifie être Superman même. S'il ressemble à Superman, la moitié de son corps est cybernétique, lui donnant un air pas très rassurant de T-800. A ceux qui doutent de lui il déclare être différent car il a été endommagé, qu'il a perdu une partie de sa mémoire. Pourtant, les analyses semblent lui donner raison. Il serait bel et bien Superman, le seul et unique. Certainement le plus mystérieux des quatre prétendants.
Le quatrième, enfin, s'annonce très vite comme étant le clone de Superman. Il s'agit d'une version plus jeune de l'Homme d'Acier, bien qu'il refuse avec véhémence qu'on l'appelle “Superboy”.
Adolescent, il est impétueux et prétentieux. Comme Superman il vole, possède une super force, et les balles ricochent sur lui. Néanmoins, il semble détenir d'autres pouvoirs qu'il ne maîtrise pas encore complètement.
Les chapitres du Règne des Supermen sont parfaitement construits. Si au départ chaque partie (sur 20) se concentre uniquement sur le super-héros qui lui est attitré (chacun des quatre mensuels de Superman se consacrant à un seul des quatre prétendants), les “Supermen” vont vite se croiser, se toiser du regard, se sentir le derrière, se disputer, se confronter, jusqu'à ce qu'un terrible évènement secoue la planète et fasse ressortir au grand jour le grand salopard de l'histoire !
A mes yeux, cette troisième partie de la Mort de Superman est la plus intéressante du lot, dans la mesure où l'on peut constater que les différentes équipes de création ont fait de l'excellent travail ! Tous les éléments s'imbriquent parfaitement et donnent au lecteur suffisamment de matière pour le tenir en haleine jusqu'aux révélations cruciales !
On appréciera aussi ce clin d'oeil aux Quatre Fantastiques (qui tient certainement plus de l'hommage au King Kirby qu'à Marvel) dans le chapitre 15 (Superman #81 – Septembre 1993), avec l'origine du cyborg Superman racontée par un de ses serviteurs.
“Suite à cela, le sujet et ses trois compagnons ont gagné des Facultés Fantastiques.“
Un peu plus tard, dans l'épilogue 1 (Adventure of Superman #505), un groupe de quatre malfaiteurs, dont le meneur se nomme Deke Dickson, possédant chacun la même combinaison (évoquant celle des FF, mais de couleur orange), semble encore nous ramener aux FF. Le meneur, Deke Dickson (que ce soit dans l'apparence physique comme dans le nom, c'est un Reed Richards à peine voilé) est en couple avec la femme du groupe, une blonde prénommée Sheila (Sheila = Sue Storm ?).
Le temps d'une image, Clark Kent se fend aussi d'une excellente, et désopilante, référence pop au feuilleton Dallas à travers cette scène :
Le genre de révélation qui effraie tout fan de séries à suspense et d'intrigues alambiquées qui se respecte, l'Ultime épée de Damoclès ! 😂
Malgré une deuxième partie un peu trop longue et parfois assez molle, ces deux tomes de la Mort de Superman forment une histoire absolument captivante et intrigante.
Le combat entre Superman et Doomsday fait partie des évènements majeurs des années 90, tout comme sa conclusion, et ce qui suivit ! Puis on prend aussi plaisir à se voir brinquebaler d'un “Superman” à l'autre !
Une fois passée la deuxième partie, il se passe énormément de choses à chaque chapitre, et comme je l'ai déjà indiqué, les auteurs ont merveilleusement su se renvoyer la balle !
A noter que cette édition Urban est la seule édition complète sortie à ce jour en France.
Panini a bien sorti un “omnibus” fin 2008, mais il était allégé, tronqué. 760 pages contre plus d'un millier pour Urban, le compte est vite fait !
"With the first link, the chain is forged. The first speech censured, the first thought forbidden, the first freedom denied, chains us all irrevocably." -Jean-Luc Picard
Star Trek - The Next Generation / The Drumhead