Mais qu'est-ce qui plait tant dans le gothique ?

10 sujets de 1 à 10 (sur un total de 10)

Posté dans : Manga & BD

  • Bub
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    bub le #289867

    La misérable chose complètement larguée que je suis a du mal à comprendre le fulgurant succès du look et style gothique qui inonde les 3/4 des oeuvres actuelles.

    Non pas que, comme beaucoup ici, je n'apprécie pas. Après tout, il y a 20 ans on lisait déjà Clamp, Yuki Kaori, des oeuvres à l'influence "gothique" très prononcée. Et je ne parle même de Junko Mizuno, qui a su proposer un univers mignon/gore très particulier.

    Mais j'ai l'impression que les shonen/shojo actuels ne proposent quasiment plus que ça !

    Même One Piece a cédé un temps à la tendance avec l'arc "Thriller Bark" :

    D'ailleurs, je dis "tendance", mais on est bien au-delà j'ai l'impression.

    Aussi j'aimerais comprendre pourquoi cet engouement de la jeunesse pour un truc somme toute franchement cosmétique (du moins à première vue). Ou alors s'agit-il d'autre chose ? D'un mouvement qui s'inscrit dans un héritage littéraire et graphique depuis très longtemps ancré dans l'imaginaire japonais ? Ou d'un truc plutôt générationnel, au même titre que la généralisation du space opéra dans les 80 ?

    Akiko_12
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    Akiko_12 le #289868

    Ca, c'est un sujet qui me plaît. 😃 😃

    Déjà, il faut dégager ce qui surfe purement sur la tendance commerciale et ce qui propose un vrai contenu gothique. One Piece, par exemple, me semble entrer directement dans la première catégorie car, même si je ne connais pas cet arc, l'univers global et si “bruyamment heureux” qu'il me paraît fort peu compatible avec le gothique.

    D'abord, ce qui qualifie le gothique à la japonaise, c'est une vision fantasmée de l'Europe et de son histoire. D'après mes connaissances (j'espère ne pas dire trop d'âneries dans ce post…), le look goth japonais vient essentiellement du visual-kei. Certains sont assez classiques et misent sur le noir, le cuir et les clous, d'autres s'amusent à explorer des univers comme Hyde (L'Arc~en~Ciel) lors de sa période “pirate”. D'autres enfin allient les spectres du passé, le romantisme et la flamboyance des costumes d'époque. A ce propos tu peux prendre comme exemple les costumes du groupe Lareine, ou plus récemment son “dérivé” Versailles.

    L'Occident en général a déjà une tradition gothique, mais on peut dire que les Japonais y ont apporté un côté extrême, par leur point de vue “neuf” et jusqu'au-boutiste. Ils ont aussi apporté le style goth-loli qui allie l'innocence enfantine et la mort, contrairement à l'association classique Eros/Thanatos. L'intérêt c'est la confrontation entre naïveté, pureté, fraîcheur et kawaii, et le monde adulte autour qui se révèle violent et sans pitié, avec toujours le fantôme ultime de la mort. En terme d'exemple, je citerai Le Portrait de Petite Cosette, ou Kuroshitsuji.

    Ce sont des angoisses que tu peux retrouver facilement chez les jeunes, même si elles s'expriment de façon diverse. Cette forme de gothique permet l'introspection et d'aborder ces peurs, tout en se tournant vers un passé fantasmé et raffiné. Dans un sens, c'est une vision plus rassurante que celle du futur incertain d'un monde actuellement en crise financière, politique, écologique et que sais-je encore.
    Bien entendu, il ne faut pas négliger l'élégance des tenues ; au final peu de jeunes qui s'habillent en goth-loli, ou même en goth tout court, partagent ou gardent une sensibilité de ce type une fois l'effet de mode et la crise d'adolescence passée.
    Mais quoi qu'il en soit, l'amour des tenues sophistiquées et raffinées fait la joie autant des cosplayeurs que des dessinatrices de manga. Le raffinement et la grandeur sont aussi valables pour tous les décors qui vont autour, à base de châteaux, d'églises, de salons luxueux… C'est l'une des raisons pour lesquelles, graphiquement et esthétiquement, le style gothique est un must.

    Concernant l'attrait japonais pour l'époque victorienne et la noblesse, j'avais justement donné quelques éléments de réponse dans ce post.
    Il est aussi partagé par la tradition gothique occidentale, l'autre période revenant souvent étant celle du Moyen-Age. En revanche le Moyen-Age échappe encore beaucoup aux Japonais, période obscure dont le romantisme réside surtout dans l'idéal courtois. Je ne suis pas sûre que ses figures sombres comme l'obscurantisme religieux, l'inquisition, la sorcellerie etc leur soit très familières.
    L'intérêt pour le XIXe siècle s'appuie aussi sur tout un héritage fantastique où l'étrange ressurgit, je citerai Poe, Le Fanu, Oscar Wilde, Mary Shelley… (cf article Roman gothique). A travers ces écrits qui nourrissent l'imaginaire, on se forge une vision littéraire d'une époque. Cette image forte et exotique a visiblement trouvé écho dans la sensibilité japonaise.

    Globalement, ce qu'il faut retenir, c'est que le gothique aime l'étrange, le non-conventionnel. Dans un monde policé et cloisonné il penche donc pour explorer les zones d'ombres, ce qui est en marge etc…
    Transposé à la forme même du manga, cela peut donner des résultats très intéressants comme le personnage de Ciel Phantomhive, qui en plus d'être un personnage torturé naviguant dans un Londres fantasmé et fantastique, se pose en héros de shônen totalement opposé aux codes du nekketsu.

    Après bien sûr, toutes les œuvres présentant un style gothique ne le sont pas. C'est là qu'il faut discerner le vrai fond sombre de son enrobage. Mais les tendances reflètent la société qui les créé et je pense que notre époque anxiogène prête particulièrement à se questionner, à refuser l'ordre établi au moins en s'évadant par l'esprit. Au Japon on a aussi vu le fantastique ressurgir ces dernières années avec un intérêt renouvelé pour les yôkai. Mais sorti de ces figures, des revenants et de leurs éventuelles malédictions, le Japon ne me semble pas vraiment avoir de grande tradition fantastique… D'un côté, c'était donc normal qu'ils viennent explorer celle qu'il existe dans les tréfonds grouillants de la “vieille” Europe. 😃

    Shinji-Kun
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    Shinji-kun le #289869

    Je n'ai pas tout lu, je ferai ça après animasia. Maintenant, le gothique japonais n'est pas réellement gothique. Comme la plupart des gens se réclamant du gothisme n'en sont pas. Le réel gothique est très sombre à tendance autodestructrice est suicidaire. D'ailleurs la mode gothic-lolita n'a rien à voir avec cela. Elle se rapproche du gothisme "à la japnaise" qui est éro-gore-kawaii. Et comme tout ce qui est kawaii ça fonctionne. Ce qu'on développé les japonais autour du gothisme (le shônen gothique par exemple) n'a rien à voir avec le gothisme original occidental. Ne serait-il pas d'ailleurs (par la période concernée notamment) plus proche du romantisme ? C'est une question, je n'y connais pas grand chose (si ce n'est les dates) sur ces courants.

    Akiko_12
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    Akiko_12 le #289870

    Citation (Shinji-kun @ 29/09/2012 00:03)
    Ne serait-il pas d'ailleurs (par la période concernée notamment) plus proche du romantisme ? C'est une question, je n'y connais pas grand chose (si ce n'est les dates) sur ces courants.


    La forme de gothique abordée dans tous les mangas sur fond historique est le gothique romantique, ou romantisme noir. Cependant le gothique n'a pas de forme précise et s'exprime de diverses manières. C'est ainsi qu'on peut trouver aussi, à l'opposé du gothique romantique, le style cyber-goth.

    Citation (Shinji-kun @ 29/09/2012 00:03)
    Maintenant, le gothique japonais n'est pas réellement gothique.
    (…)
    Le réel gothique est très sombre à tendance autodestructrice est suicidaire.


    Ca, c'est un cliché. De même qu'assimiler les gothiques à des dépressifs, des violents, des satanistes, des pervers, et tutti quanti…
    D'autre part il est faux de dire que le goth-loli ou le gothique japonais est n'en est pas, car c'en est une forme comme une autre.
    Si l'on devait trouver des points communs à toutes les formes de gothique existantes ce serait probablement le goût de l'étrange, le rejet du conformisme et une certaine sensibilité.
    A mon avis la différence commence à se faire quand, là où la plupart des gens vont préférer se dorer la pilule une semaine au Club Med de Djerba, tu trouveras mille fois plus fun d'aller te paumer dans un château du fin fond des Highlands dans l'espoir d'apercevoir un quelconque fantôme. 😃

    Bub
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    bub le #289871

    Citation (akiko_12 @ 28/09/2012 21:50)
    D'abord, ce qui qualifie le gothique à la japonaise, c'est une vision fantasmée de l'Europe et de son histoire. D'après mes connaissances (j'espère ne pas dire trop d'âneries dans ce post…), le look goth japonais vient essentiellement du visual-kei. Certains sont assez classiques et misent sur le noir, le cuir et les clous, d'autres s'amusent à explorer des univers comme Hyde (L'Arc~en~Ciel) lors de sa période “pirate”. D'autres enfin allient les spectres du passé, le romantisme et la flamboyance des costumes d'époque. A ce propos tu peux prendre comme exemple les costumes du groupe Lareine, ou plus récemment son “dérivé” Versailles.

    Ok. Donc un peu comme en Europe, l'esthétique gothique moderne vient tout d'abord du milieu musical, plus ou moins underground.
    Je me demandais à la base s'il y existait aussi au Japon un “mouvement gothique”, si je puis dire, qui aurait traversé les différents domaines de l'art depuis plus longtemps que la fin des années 80.

    Citation (akiko_12 @ 28/09/2012 21:50)
    Ce sont des angoisses que tu peux retrouver facilement chez les jeunes, même si elles s'expriment de façon diverse. Cette forme de gothique permet l'introspection et d'aborder ces peurs, tout en se tournant vers un passé fantasmé et raffiné. Dans un sens, c'est une vision plus rassurante que celle du futur incertain d'un monde actuellement en crise financière, politique, écologique et que sais-je encore.

    Voilà une remarque vraiment intéressante.
    J'appartiens à une génération qui a été sevrée aux oeuvres SF japonaises pas franchement optimistes : Akira par exemple, est plus ou moins une allégorie sur la vacuité de la maîtrise du nucléaire. “Quand Akira échapper au contrôle des scientifiques, lui tout faire pêter”. Maintenant, il est vrai qu'Akira n'est pas un shonen et vise un autre type de public que Letter Bee par exemple.
    Reste que je trouve paradoxal que pour évacuer l'angoisse d'un futur très incertain les auteurs aillent puiser dans une esthétique quelque peu morbide (pas au sens péjoratif) l'inspiration pour réaliser des oeuvres destinées à la jeunesse.

    Citation (akiko_12 @ 28/09/2012 21:50)
    Bien entendu, il ne faut pas négliger l'élégance des tenues ; au final peu de jeunes qui s'habillent en goth-loli, ou même en goth tout court, partagent ou gardent une sensibilité de ce type une fois l'effet de mode et la crise d'adolescence passée.
    Mais quoi qu'il en soit, l'amour des tenues sophistiquées et raffinées fait la joie autant des cosplayeurs que des dessinatrices de manga. Le raffinement et la grandeur sont aussi valables pour tous les décors qui vont autour, à base de châteaux, d'églises, de salons luxueux… C'est l'une des raisons pour lesquelles, graphiquement et esthétiquement, le style gothique est un must.

    Je suis d'accord, ce style permet une exubérance visuelle que d'autres univers ne peuvent pas vraiment se permettre, peut-être pour des raisons de réalisme ? Alors qu'un univers gothique permettrait à la fois plus de liberté et de sophistication aux dessinateurs/trices ? C'est très probable en effet.
    A ce propos, je me demandais quand apparaissait le “style gothique” dans les mangas ?
    Avec Clamp et Kaori Yuki au début des années 90 ? Ou encore un peu avant ? Je pense par exemple à l'univers de Matsumoto : Harlock, Galaxy Express, Emeraldas, etc. Peut-on le ranger dans la catégorie “gothique” ou pas ?


    Gothique ?

    Citation (akiko_12 @ 28/09/2012 21:50)
    Concernant l'attrait japonais pour l'époque victorienne et la noblesse, j'avais justement donné quelques éléments de réponse dans ce post.

    … qui m'a donné envie d'ouvrir cette discussion. ^^

    Citation (akiko_12 @ 28/09/2012 21:50)
    Il est aussi partagé par la tradition gothique occidentale, l'autre période revenant souvent étant celle du Moyen-Age. En revanche le Moyen-Age échappe encore beaucoup aux Japonais, période obscure dont le romantisme réside surtout dans l'idéal courtois. Je ne suis pas sûre que ses figures sombres comme l'obscurantisme religieux, l'inquisition, la sorcellerie etc leur soit très familières.

    Arf, l'inquisition remonte quand même à plus tard que l'an mil. Elle est surtout présente à la Renaissance, qui fascine tant.
    Le Moyen-Age offre lui aussi énormément de sources d'inspiration, ne serait-ce que la quête du Graal et les mythes arthuriens, inépuisable.
    Je t'accorde qu'on trouve pas souvent des mangas ayant pour thème cette période, mais est-ce aussi le cas dans les jeux vidéos ? Après tout, l'héroïc fantasy n'est-il pas un Moyen Age fantasmé, tout comme le fantastique gothique serait un fantasme de l'époque victorienne ?

    Citation (akiko_12 @ 28/09/2012 21:50)
    L'intérêt pour le XIXe siècle s'appuie aussi sur tout un héritage fantastique où l'étrange ressurgit, je citerai Poe, Le Fanu, Oscar Wilde, Mary Shelley… (cf article Roman gothique). A travers ces écrits qui nourrissent l'imaginaire, on se forge une vision littéraire d'une époque. Cette image forte et exotique a visiblement trouvé écho dans la sensibilité japonaise.

    Globalement, ce qu'il faut retenir, c'est que le gothique aime l'étrange, le non-conventionnel. Dans un monde policé et cloisonné il penche donc pour explorer les zones d'ombres, ce qui est en marge etc…
    Transposé à la forme même du manga, cela peut donner des résultats très intéressants comme le personnage de Ciel Phantomhive, qui en plus d'être un personnage torturé naviguant dans un Londres fantasmé et fantastique, se pose en héros de shônen totalement opposé aux codes du nekketsu.

    Ah la la la, va vraiment falloir que je m'y mette à Black Buttler et Pandora Hearts. ^^

    Citation (akiko_12 @ 28/09/2012 21:50)
    Après bien sûr, toutes les œuvres présentant un style gothique ne le sont pas. C'est là qu'il faut discerner le vrai fond sombre de son enrobage. Mais les tendances reflètent la société qui les créé et je pense que notre époque anxiogène prête particulièrement à se questionner, à refuser l'ordre établi au moins en s'évadant par l'esprit. Au Japon on a aussi vu le fantastique ressurgir ces dernières années avec un intérêt renouvelé pour les yôkai. Mais sorti de ces figures, des revenants et de leurs éventuelles malédictions, le Japon ne me semble pas vraiment avoir de grande tradition fantastique… D'un côté, c'était donc normal qu'ils viennent explorer celle qu'il existe dans les tréfonds grouillants de la “vieille” Europe. 😃

    Et c'est là que j'en reviens à ce que je demandais plus haut : quand commence cette tendance exactement ?
    X de Clamp a 20 ans, et pourtant ce titre pourrait être sorti hier, ses thématiques ne dénoteraient absolument pas dans le contexte créatif actuel. “Notre époque” ne me semble pas plus anxiogène qu'hier (enfin, 2011 aura quand même fichu un méchant coup aux japonais, mais on parle ici d'oeuvres pré existantes au tsunami, Fukushima et crise sino/japonaise).
    Qu'est-ce qui fait donc le lien entre des auteurs aujourd'hui quadragénaires comme Clamp, leurs premiers lecteurs des années 90 aujourd'hui trentenaires et les jeunes fans actuels ? Une même vision de l'avenir ? ça m'a l'air plus profond que ça.

    Lord-Yupa
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    Lord Yupa le #289872

    Citation (akiko_12 @ 28/09/2012 20:50)
    Concernant l'attrait japonais pour l'époque victorienne et la noblesse, j'avais justement donné quelques éléments de réponse dans ce post.
    Il est aussi partagé par la tradition gothique occidentale, l'autre période revenant souvent étant celle du Moyen-Age. En revanche le Moyen-Age échappe encore beaucoup aux Japonais, période obscure dont le romantisme réside surtout dans l'idéal courtois. Je ne suis pas sûre que ses figures sombres comme l'obscurantisme religieux, l'inquisition, la sorcellerie etc leur soit très familières.
    L'intérêt pour le XIXe siècle s'appuie aussi sur tout un héritage fantastique où l'étrange ressurgit, je citerai Poe, Le Fanu, Oscar Wilde, Mary Shelley… (cf article Roman gothique). A travers ces écrits qui nourrissent l'imaginaire, on se forge une vision littéraire d'une époque. Cette image forte et exotique a visiblement trouvé écho dans la sensibilité japonaise.

    Wah, brillante analyse de notre Miss Banquise !
    Je connais trop mal les séries “gothiques” (à part Kuroshitsuji) pour me lancer bien sérieusement, et puis, on est forcément dans l'hypothèse, l'interprétation…
    J'aurais tendance à rebondir sur ce qui précède d'Akiko pour dire que le “gothique” japonais est plus proche du néo-gothique de l'ère romantique européenne que d'un revival médiéval véritable. “Le Château d'Otrante”, oui, “Le Chevalier à la charrette”, non, et j'abonde donc dans son sens. Justement, l'ère victorienne en Angleterre fut néo-néo-gothique, le plus beau vestige en étant le Parlement de Londres des années 1860.
    Le Japon à l'ère Meiji, un peu après, a imité une Europe austro-bismarckienne d'opéras et de palais en forme de bonbonnières roses et blanches à colonnes et frontons, on en trouve maints exemples à travers le pays, ainsi n'a t-il aucun antécédent gothique, même pas sous forme de revival, c'est donc pour lui du “neuf” en quelque sorte.
    Mais je ne saurais ajouter grand-chose… Ah si, l'influence du fantastique US et de certains groupes de rockers américains, très férus de satanisme aux allures médiévales (pour la même raison d'exotisme, puisque l'Amérique n'a point connu de Moyen-Age) ???

    Akiko_12
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    Akiko_12 le #289873

    Citation (bub @ 29/09/2012 09:34)
    Voilà une remarque vraiment intéressante.
    J'appartiens à une génération qui a été sevrée aux oeuvres SF japonaises pas franchement optimistes : Akira par exemple, est plus ou moins une allégorie sur la vacuité de la maîtrise du nucléaire. “Quand Akira échapper au contrôle des scientifiques, lui tout faire pêter”. Maintenant, il est vrai qu'Akira n'est pas un shonen et vise un autre type de public que Letter Bee par exemple.
    Reste que je trouve paradoxal que pour évacuer l'angoisse d'un futur très incertain les auteurs aillent puiser dans une esthétique quelque peu morbide (pas au sens péjoratif) l'inspiration pour réaliser des oeuvres destinées à la jeunesse.


    Pour la jeunesse spécifiquement, elle peut être très difficile surtout pendant l'adolescence. Il ne me surprend pas que les récits sombres puissent concerner plus particulièrement à cette période, je suppose qu'il y a quelque part un phénomène de cartharsis (quand tu es triste, n'as-tu pas tendance à écouter de la musique triste, et de la musique punchy quand tu es joyeux ?).
    Après, comme je le disais plus haut, l'intérêt du gothique ne se manifeste pas que dans la noirceur du récit, mais plutôt dans l'étrange, le dérangeant, la zone d'ombre incertaine et fascinante. Ce qui fait que les ados ne partageant pas cet intérêt là se rangeront à la fin de leur crise, pendant que d'autre continueront à nourrir cet imaginaire.

    Après, sur l'époque, à mon avis on est dans le même cas de figure que dans les années 80/90, voire pire. Le spleen “fin de siècle” était assez diffus, mais depuis on se coltine de “vrais résultats” avec toujours plus de catastrophes naturelles, la crise financière, chômage toujours en hausse… Le 11 septembre a prouvé que la folie de quelques individus pouvait même meurtrir la première puissance mondiale, ce qui sous-entend que personne n'est à l'abri. Tchernobyl a fichu un coup au moral, 25 ans après Fukushima vient faire un rappel. On a eu notre spectre de la fin du monde en 99, bizarrement l'angoisse est exactement la même avec 2012, jusqu'à ce qu'elle puisse se concentrer sur une nouvelle date…
    Enfin, tout cela n'est pas lié au gothique directement, mais ce climat peut y contribuer. Dans un autre registre, il paraît que la dystopie est un genre littéraire en pleine explosion, avec notamment l'exemple de la saga Hunger Games. N'est-ce pas un signe que la jeunesse se pose actuellement beaucoup de questions ?

    Citation (bub @ 29/09/2012 09:34)

    Gothique ?


    Hmm, je ne connais pas assez l'univers de Matsumoto pour donner un avis. <img src="style_emoticons//happy.gif” style=”vertical-align:middle” emoid=”^_^” border=”0″ alt=”happy.gif” />
    Je ne pense pas que cela soit le cas, mais la couverture d'un des derniers numéros d'AL s'en approchait.
    Il faut surtout voir le fond du personnage. Il est défini comme pirate, mais est-ce vraiment un être à part par sa psychologie ? A-t-il quelque chose de singulier, qui le place en marge ? L'espace est-il synonyme d'errance sombre ou pas ? Des éléments fantastiques viennent-ils donner à cet ensemble un caractère étrange, fascinant, déstabilisant ? Ou est-ce un espace très codifié, une imagerie finalement assez aseptisée ?

    Citation (bub @ 29/09/2012 09:34)
    Je t'accorde qu'on trouve pas souvent des mangas ayant pour thème cette période, mais est-ce aussi le cas dans les jeux vidéos ? Après tout, l'héroïc fantasy n'est-il pas un Moyen Age fantasmé, tout comme le fantastique gothique serait un fantasme de l'époque victorienne ?


    Je ne m'y connais pas assez en jeux vidéo, en revanche j'approuve pour la fantasy = Moyen-Age fantasmé.
    Pour rebondir sur Yupa qui citait Le chevalier à la charrette, le seul titre de ma connaissance traitant un peu du mythe Arthurien est Fate/Zero (et pas Fate/Stay Night, la différence entre ces deux séries étant abyssale). Même si Arthur y est devenu une femme, certains questionnements sur le sens de la quête du Graal, sur la façon de gouverner, sur la place des idéaux dans un monde sans pitié est vraiment recherché et bien traité. En plus, la série est juste visuellement belle à pleurer dans de nombreuses séquences, ça dépasse largement nombre de longs métrages d'animation. Mais bon, c'est un autre débat 😉 !

    Citation (bub @ 29/09/2012 09:34)
    Qu'est-ce qui fait donc le lien entre des auteurs aujourd'hui quadragénaires comme Clamp, leurs premiers lecteurs des années 90 aujourd'hui trentenaires et les jeunes fans actuels ? Une même vision de l'avenir ? ça m'a l'air plus profond que ça.


    Ayant pas mal de lacunes à rattraper, je lisais il y a peu les premiers chapitres du tome 1 de Tokyo Babylon. On y retrouve des questionnements qui dépassent les années : orgueil et décadence de l'humanité, sentiment de ne pas être “comme les autres”, peur de la solitude, de l'échec… Tout ça mâtiné de fantastique, d'histoires dérangeantes comme l'image du cerisier fleurissant sur des cadavres.
    Les thèmes traités sont suffisamment universels pour traverser les époques, et le surnaturel assez fascinant pour laisser une impression forte. Ne sommes-nous pas toujours aussi fascinés par des récits comme Le Portrait de Dorian Gray, alors qu'il date de plus d'un siècle ? L'image du portrait en lui-même est toujours aussi saisissante, de même que la fascination de contempler sur un support réel l'image de sa propre décadence. Il est à la fois le thème du double, de la conscience, la peur de sa propre personne et de notre ambivalence. Il est le symbole de la désagrégation d'une âme initialement pure qui ne cesse de s'enfoncer et de se pervertir, si bien qu'elle devient l'horreur visualisable de son propre porteur.

    Citation (bub @ 29/09/2012 09:34)
    Et c'est là que j'en reviens à ce que je demandais plus haut : quand commence cette tendance exactement ?


    Dans les manga, je crois que Fullmetal Alchemist marque un tournant. D'abord, parce qu'il ose introduire dans le shônen le thème central de la mort, et l'idée d'une quête intérieure profonde qui ne soit pas simplement “je veux devenir le plus fort”. Il a une dimension psychologique et des questionnements existentiels graves malgré son côté accessible, même s'il ne présente pas une esthétique franchement gothique.
    Tu pourras noter que l'arrivée des femmes dans le shônen accentue la brèche initiée par Arakawa : D.Gray-man, Kuroshitsuji, Pandora Hearts… présentent un aspect psychologique fort, des enjeux bien autres qu'une quête de puissance, et sont tous dessinés par des femmes. Peut-être leur arrivée dans le shônen a-t-elle permis l'émergence et la popularisation de ce genre qui, en reprenant Clamp et Kaori Yuki, s'était surtout contenté de rester côté shôjo ?

    D'une autre part, je me pose la question de la mondialisation de la culture. En France, ces dernières années ont vu les manga exploser, et avec eux la démystification de nombreux aspects de la culture japonaise (aperçu de l'Histoire, vie quotidienne, traditions…). N'y aurait-il pas un effet similaire de leur côté, avec notamment toutes les perspectives qu'offre Internet ?
    Il y a vingt ans, faire un travail de recherche prenait avant du temps. Il fallait se documenter dans des bouquins, trouver des renseignements sur tel détail de l'époque que ce soit en architecture, mœurs, objets usuels etc… Maintenant, toute une culture lointaine est à portée de clic. N'est-il donc pas plus facile qu'avant de se faire plaisir en créant un manga se passant en Europe, la partie fantasmée permettant de toute façon toutes les approximations et fantaisies ?

    Natth
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    Natth le #289874

    Citation (akiko_12 @ 30/09/2012 19:44)
    Hmm, je ne connais pas assez l'univers de Matsumoto pour donner un avis. <img src="style_emoticons//happy.gif” style=”vertical-align:middle” emoid=”^_^” border=”0″ alt=”happy.gif” />
    Je ne pense pas que cela soit le cas, mais la couverture d'un des derniers numéros d'AL s'en approchait.
    Il faut surtout voir le fond du personnage. Il est défini comme pirate, mais est-ce vraiment un être à part par sa psychologie ? A-t-il quelque chose de singulier, qui le place en marge ? L'espace est-il synonyme d'errance sombre ou pas ? Des éléments fantastiques viennent-ils donner à cet ensemble un caractère étrange, fascinant, déstabilisant ? Ou est-ce un espace très codifié, une imagerie finalement assez aseptisée ?


    Harlock/Albator a des côtés tragiques, avec ses nombreux morts (y compris des enfants), ses destructions de planètes, sa souffrance portée par l'ensemble des personnages à cause de leurs deuils, de leur isolement… Albator a quitté un monde pervers pour découvrir une planète idéale, tout en étant conscient que la mort restera à ses côtés. Tous ses proches ne meurent pas, mais il y en a quand même un certain nombre. D'ailleurs, Albator est sans doute le seul anime que j'ai découvert petite (vers 10 ans ou moins) et qui m'ait laissé un sentiment de malaise.

    Il y a aussi l'esthétique des vaisseaux spatiaux (navire, dirigeable pour celle qu'on voit sur l'image…), la place de la musique ou du son dans les scènes difficiles, l'importance des sentiments de toutes sortes, la nostalgie du passé ou le voyage temporel, même s'il reste mental… Il y a des côtés positifs, comme l'humanisme des personnages, certains individus très jeunes (qui en ont pris plein la poire en dépit de leur âge), les liens forts entre les personnages, une certaine dose d'humour… Globalement, les héros sont en lutte contre leurs ennemis ou les humains qui ne se rendent pas compte de leur situation, en fuite ou en quête. Est-ce suffisant pour parler de gothique, je ne pourrais pas le dire.

    Citation (akiko_12 @ 30/09/2012 19:44)
    Dans les manga, je crois que Fullmetal Alchemist marque un tournant. D'abord, parce qu'il ose introduire dans le shônen le thème central de la mort, et l'idée d'une quête intérieure profonde qui ne soit pas “je veux devenir le plus fort”. Il a une dimension psychologique et des questionnements existentiels graves malgré son côté accessible, même s'il ne présente pas une esthétique franchement gothique.


    Tout dépend de ce que l'on appelle shônen. Si c'est la catégorie éditoriale, Devilman est autrement plus perturbant que FMA, tout en datant de 1972. Death Note est aussi un shônen, même si c'est mignon comparé à Devilman. Sinon, j'aime beaucoup Shingeki no Kyojin, plus récent que les précédents cités, mais très dur lui aussi. Et il y en a beaucoup d'autres (je ne sais pas si Harlock ou les sagas adjacentes ont connu une adaptation manga). Maintenant, si on parle de shônen type One Piece ou Naruto, FMA présente les choses d'une manière effectivement différente.

    Tom-Le-Chat
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    Tom Le Chat le #289875

    Pour l'univers de Matsumoto, d'après les quelques anime et manga que j'ai lu de lui (Harlock & Galaxy Express principalement), j'ai du mal à considérer ça comme du gothique ; je trouve que ça tient plus du western spatial tant par son esthétique que par la façon dont sont traitées les histoires.

    Le monde d'Harlock et de Maetel est décrit comme sombre mais surtout très violent, impitoyable avec les faibles et où la mort par meurtre est une réalité tellement courante qu'on s'en formalise peu tant qu'elle ne nous touche pas directement. L'esthétique de Galaxy Express est très particulière mais on n'est pas du tout dans le raffinement ni la délicatesse du trait, la mort y est souvent représentée de façon soudaine et brutale, jamais magnifiée, même quand elle est souhaitée par celui qui en est victime.

    D'ailleurs, maintenant que j'y pense, c'est quand-même étonnant à quel point la SF japonaise au sens large a pu être marquée par le western : Cowboy Bebop, Trigun, la série de jeux Wild Arms, Gurren Lagann dans une certaine mesure…

    [Insérez une citation qui donne l'air intelligent ici]
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    Xanatos
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    Xanatos le #289876

    Citation (Tom le chat @ 01/10/2012 00:29)
    D'ailleurs, maintenant que j'y pense, c'est quand-même étonnant à quel point la SF japonaise au sens large a pu être marquée par le western : Cowboy Bebop, Trigun, la série de jeux Wild Arms, Gurren Lagann dans une certaine mesure…

    Et puis n'oublions pas Cobra qui est également une oeuvre de science fiction majeure qui est très fortement influencée par le western.
    Il n'y a qu'à voir les affiches “Wanted, Dead or Alive” avec l'ancien visage de Cobra dessus qui sont placardées sur beaucoup d'immeubles de nombreuses planètes. L'homme au Psychogun est traqué sans relâche non seulement par la police mais aussi et surtout par les pirates de l'espace et les chasseurs de prime.

    Le deuxième chapitre du manga de Buichi Terasawa et le 3e épisode de la série animée originale voit notre blondinet préféré entrer dans un saloon typique des films de far west. Et tout comme bon western qui se respecte, pratiquement à chaque fois que le héros de l'histoire rentre dans un saloon, cela dégénère en duels ou en bagarres générales!

    N'oublions pas non plus le 28e épisode de la série de Dezaki et le tome 7 du manga où Cobra retrouve son ami Canos alias Dog Savallas: la scène ou ils s'apprêtent à s'affronter dans un cimetière a une ambiance qui n'est pas sans rappeler les westerns de Sergio Leone, appuyé en cela par les excellentes musiques de Kentaro Haneda qui sont envoûtantes à souhait.

    Pour Gurren Lagann, l'influence western, bien que présente, est plus légère que les autres.
    Viral avec ses habits dans les épisodes 17 à 22 fait penser aux vêtements portés par Clint Eastwood dans certains westerns spaghettis (sauf quand il porte sa tenue de bagnard), et puis il y a aussi Yoko qui est chasseuse de primes, le temps d'un épisode (le 26e).

    Mais pour cet animé, les influences les plus fortes sont celles des animés de mécha tirés des oeuvres de Go Nagaï (Mazinger Z, Shin Mazinger, Goldorak), ainsi qu'un autre animé de mécha phare de Gainax (Gunbuster), les mangas nekketsu (Ashita no Joe) et enfin les space opéras de Leiji Matsumoto comme Captain Harlock/Albator (impossible de ne pas penser au ténébreux balafré quant on voit la tenue et l'assurance de Simon à la fin du 23e épisode).
    Quoi que, Albator est également influencé par les westerns (le premier épisode de Albator 84 est éloquent à ce sujet ainsi que le 30e de Albator 78 sans oublier bien sûr le manga original).

    Pour en revenir au sujet, je connais assez mal le gothique dans les oeuvres animées japonaises et les mangas et j'éprouve beaucoup de plaisir à lire vos messages passionnants et détaillés sur ce thème. 😃
    Mais bon dans ce registre, j'accroche pour le moment vraiment bien à Pandora Hearts.

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Bruno
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