En voilà un film qu’il est bien. Je l’avais vu à sa sortie en VO, mais j’ai profité de mon DVD fraîchement acheté pour le revoir, histoire de replonger avec béatitude dans ce monde fantasmagorique (en VF pour Jhudson)… J’avais oublié pas mal de choses, mais ce que je n’ai jamais oublié par contre, c’est cette beauté qui s’en dégage.
Evidemment, la première claque : la beauté plastique du film, un mélange savoureux de 3D (bien intégrée, ils maîtrisent admirablement le truc les Coréens aussi) & de 2D (que je qualifierai d’originale). En effet les personnages ont ceci d’innovant (dans un long métrage) que les traits noirs de bordures sont inexistants, et si ça étonne au premier regard, on se laisse tout de suite envelopper par la douceur que ça libère. Ce film est en coton. Le tout étant servi par une animation de qualité, avec plusieurs prouesses à noter, comme l’animation du chat Yo (spéciale pour Rajiku) qui est criant de réalisme, l’introduction, la scène de la tempête, très bien orchestrée ; où encore les scènes sous marines, aux effets lumineux… lumineux, si j’ose dire…
Deuxième claque (toute douce la claque) : des musiques & une ambiance vraiment enchanteurs, mais pas au sens Disneyen du terme. L’histoire en deux mots : Nam-Woo & Joon-Ho sont inséparables. Le truc con, c’est que c’est bientôt les vacances, et ils sont bien les seuls à les redouter : elles signifieront le départ de Joon-Ho pour la Grande Ville (Séoul) et donc des adieux malvenus. Afin de profiter un maximum l’un de l’autre ils passent leurs derniers instants ensembles à 100p100, dont une grosse partie aux environ du phare abandonné, porte bizarre vers un monde d’autant plus bizarre… On se sent vraiment bien dans ce film, à suivre la vie de ces deux gamins paumé dans leur bled côtier, & qui de temps en temps passent la porte pour passer du coté de Mari, cette drôle de fille à la fourrure blanche & au discours aussi bruyant qu’une pierre tombale, mais dont le silence en dit long parfois.
Ce qui est assez marrant dans ce film c’est qu’on peut interpréter assez librement toute cette histoire : Mari & son univers existent ils vraiment ? Est-ce un fantasme de gamins qui veulent fuir une réalité qui s’annonce des plus moroses ? Le silence de Mari pourrait le laisser croire. Malgré tout plusieurs interactions avec le monde réel, comme la fin de la tempête ou l’évolution de la bille, tendrait à prouver le contraire. On pourrait rapprocher ce film de Totoro par certains coté : seuls deux gamins voient une créature mystérieuse mais bienveillante, créature qui toutefois se révèle d’une grande aide dans tel problème, ce qui laissera une petite trace de son passage dans notre monde… Les deux sont des odes à la Nature aussi. C’est marrant mais je viens juste d’avoir cette idée, et plus j’y réfléchie & plus le parallélisme entre les deux œuvres est visible. L’emplacement pour trouver la bestiole est unique aussi (le phare VS l’arbre géant). Rigolo.
Sinon vous avez remarqué comme le chien géant de Mari ressemble au chien-dragon de l’Histoire Sans Fin ? Coté VF, comme de coutume, pari réussi pour un long métrage récent. La voix du gamin héros je suis sur de la connaître mais impossible de mettre la main dessus, si quelqu’un est plus éclairé…
Je voudrais finir par une chose qui m’a touché plus particulièrement : le traitement de l’angoisse de partir de Joon-Ho pour Seoul, tout au long du film… A mon avis le vrai thème du film, c’est celui ci. Je me suis trop retrouvé dans ce personnage. Non pas que je sois gros, à lunette, riche, trouillard & plus ou moins prétentieux, mais j’ai eu aussi à subir ce genre de départ, après 14 ans de Tahiti (ici bled côtier) pour la grande Métropole inconnue (ici Séoul) qu’est la France. Les mêmes sentiments, les même réactions des gens (« T’as trop de chance d’aller en France si je pouvais moi aussi j’irai » qu’on me disait. « Si tu veux prends ma place » que je répondais…), le même dégoût lors du jour J (12 Juillet 1998, la date maudite, l’avion maudit) : comme je comprenais ce gamin qui dit au revoir dans son train, en se convaincant que c’est pas pour toujours, qu’on se reverra etc. Tu parles… Oui bon c’était juste pour préciser pour ceux qui en doutent : oui, le film est (très) bien traité. Il y aurait des passages autobiographiques que ça ne m’étonnerait pas.
A voir pour ceux qui ont encore la chance de ne pas le connaître !