Ayant été intriguée par le tome 1 de Moriarty paru chez Kana, je me suis laissée tenter !
Ce manga de Ryosuke Takeuchi et Hikaru Miyoshi propose de revisiter l’univers de Sherlock Holmes dans la peau de son ennemi juré. Le début met ainsi en scène notre futur Moriarty dans son enfance. Nous assistons à “l’éclosion” de son talent, nous cernons son génie et ses convictions, pour enfin le voir en œuvre avec son premier crime…
Par la suite, nous retrouvons Moriarty adulte, fraîchement nommé professeur de mathématiques.
Les graphismes sont très agréables et le récit dynamique. L’ensemble rappelle beaucoup Kuroshitsuji (Black Butler) du fait du contexte victorien, mais aussi de l’ambiance, voire des traits des personnages. Je pense qu’il y a quelques approximations historiques (niveau costumes notamment, pour les filles de la taverne), mais rien de bien méchant. Pour la forme donc, rien à redire ! Cela se lit très bien et on passe un bon moment.
Au niveau du scénario, je l’ai trouvé intrigant, intéressant, mais aussi parfois trop manichéen.
L’auteur veut que nous ressentions le profond dégoût de Moriarty pour la société dans laquelle il vit. Il hait le système des classes avec, au sommet de la pyramide, une noblesse petite et vile, tandis que le peuple vit opprimé et méprisé. Notre héros déteste l’empire britannique et se pose comme un anarchiste, un visionnaire pro-égalité dont le seul désir est de renverser le système ! Il veut une société plus juste, quitte à employer le crime pour parvenir à ses fins. Dans cette logique, je crains que Sherlock (qui n’apparaîtra qu’au tome 2) n’en soit réduit au rôle du bloc rigide pour qui la loi est la loi, le méchant défenseur d’un système pourri.
Pour l’instant, il m’est difficile d’adhérer à 100% à la vision sociale de Takeuchi. Elle se heurte à celle que l’on peut voir dans des œuvres anglaises comme Downton Abbey par exemple, où l’on explore justement les mœurs des nobles, leur rôle dans la société, tout l’enjeu et la difficulté d’administrer leurs gens et leurs terres. Dans cette série, certains personnages comme Matthew Crowley (au tout début) et Tom Brandson, de prime abord allergiques à la noblesse, mettent de l’eau dans leur vin en découvrant peu à peu que Downton est une véritable entreprise. Le rôle de Lord Grantham n’est pas d’oppresser les petites gens : il leur fournit un travail, se préoccupe de leur vie et de leur bonheur tout en restant à une distance respectueuse, il œuvre aussi à la vie du village (la maison Grantham est la bienfaitrice de l’hôpital, ils organisent des fêtes comme la foire aux fleurs…). Le comte tient enfin un rôle de conservateur du patrimoine en entretenant son domaine et le château magnifique, un véritable casse-tête quand survient la Grande guerre, tous les chambardements et restrictions budgétaires qui s’ensuivent.
Dans le tome 1 de Moriarty, les nobles sont plus imbuvables les uns que les autres. L’auteur a-t-il forcé le trait pour bien camper le décor ? Apportera-t-il des nuances par la suite ?
J’ai noté une mauvaise traduction de la part de Kana de “Moran” (le colonel), devenu ici “Molan”. Certes les katakana sont les mêmes pour R et L, mais ils auraient pu se renseigner, à défaut d’avoir un minimum de culture… Espérons que la faute sera corrigée dans le tome 2, et qu’ils feront désormais attention aux noms propres.
La parti pris d’explorer l’univers holmésien sous l’angle de Moriarty est en tout cas intéressant. Je lirai le tome 2 pour voir dans quelle direction ce manga s’orientera !