Je disais que j’allais m’intéresser de plus près à Lost Canvas le manga, c’est désormais chose faite : je n’ai pas acheté la série intégralement, mais les tomes qui m’intéressaient à partir de la fin de la série animée. Mon constat est finalement très proche de ce que je pensais déjà de la fin de la 2e saison de l’anime et des deux tomes de ”Lost Canvas Chronicles” que j’ai achetés 2 mois auparavant : je n’ai pas détesté, la lecture est plutôt agréable, mais je trouve personnellement ce titre très surestimé. Je vais quand même m’expliquer un peu plus ^^ Attention il y a quelques SPOILS !
Déjà gros point positif, le dessin (on l’a dit et redit mais autant y aller franchement) est de très grande qualité, on a un style mêlant à la fois l’esthétisme shôjo (pour les Gold, c’est particulièrement flagrant : que des bishônen quasiment) et la mise en scène très ”nekketsu” d’un shônen d’aventure et de combat. Je peux comprendre que certains préfèrent le design de Teshirogi, plus ”viril” que Saintia Shô (qui lorgne beaucoup plus sur le manga pour jeunes filles). On pourra toujours regretter de perdre la patte assez vintage de Kurumada au profit de quelque chose de plus esthétique mais en même temps plus consensuel aussi ; à chacun de voir quelle préférence il gardera. Bref le dessin j’aime beaucoup !
Teshirogi dessine donc très bien et son découpage est très sympa aussi, enfin tant que les personnages parlent, marchent et sont en terrain ”repos”. Dès qu’il s’agit de combattre, c’est une autre histoire… Kurumada est un piètre dessinateur, on ne reviendra pas dessus, en revanche j’ai toujours trouvé son découpage très dynamique et en même temps parfaitement lisible, l’action est fluide et va à l’essentiel. Teshirogi en fait beaucoup trop avec moult détails et des traits qui partent dans tous les sens, au point qu’il m’a fallu souvent relire plusieurs fois la même planche pour vraiment saisir ce qui s’y passait. Peut-être un effet de style ?
Autre point positif : Teshirogi est une immense fan de Saint Seiya, et ça se sent de tous les côtés. On retrouve l’univers habituel mis en place par Kurumada, des personnages qui font forcément écho au manga d’origine, une reprise de l’arc Hadès avec un respect des ficelles narratives (un humain au cœur pur réceptacle de l’âme d’Hadès, les spectres ressuscités, les techniques, les dieux jumeaux…) et c’est très plaisant de retrouver Dohko et Shion. L’ambiance XVIIIe reste un décor au final, même la religion est la grande absente, mais je reste indulgente avec la dessinatrice (cultures différentes, c’est un shônen pour jeunes gens). J’apprécie par contre qu’elle ait cherché à donner des noms qui sonnent ”ancien” aux personnages, hormis Sasha dont je ne comprends pas le choix.
Enfin troisième point positif : Teshirogi a d’excellentes idées générales. Déjà le concept de la ”dernière toile” pour achever l’humanité, par l’intermédiaire d’un jeune peintre possédé par Hadès est bien vu et passionnant. Les thèmes qu’elle introduit font même parfois écho à l’époque dans laquelle se déroule l’histoire (le XVIIIe) et vont finalement de pair avec ce qu’on avait déjà vu avec le manga de Kuru. Problème, et là j’arrive aux points négatifs :
Teshirogi a d’excellentes idées, mais elle ne sait pas toujours bien les exploiter, en particulier durant la deuxième partie (post-anime donc). Les idées qu’elle distille dans l’intrigue ne servent finalement qu’à accumuler les combats et l’arrivée de nouveaux personnages. On parle par exemple du Temps dans les derniers tomes : voilà un sujet qui s’imbrique bien dans le récit et qui aurait mérité plus de matière et de réflexion; hélas non, il n’est introduit que pour permettre à Yoma de s’amuser avec Aspros… J’ai également déjà évoqué sur d’autres sites l’intérêt que je porte à cette autre idée de Teshirogi, celle entourant les Gémeaux : parler dans un contexte du XVIIIe siècle des problèmes de succession, de la mise à l’écart du cadet pour favoriser l’aîné (l’héritier donc)… voilà un thème très parlant avec son époque et qui s’est déjà présenté au cours de l’Histoire. Si l’on favorise l’éducation de l’aîné et néglige celle du cadet, qu’arrive-t-il si finalement ce cadet devait quand même reprendre la succession ? Ça c’était le thème que je voulais absolument voir mis en avant ! Et au début, Teshirogi s’en sortait bien, même si elle pompe les mythes autour du Masque de Fer, mais là encore on va dire qu’on a un petit clin d’oeil au passé (même si le masque, c’est plutôt le XVIIe). Cette thématique reste tout de même mieux mise en scène que celle du Temps.
J’ai l’impression que Teshirogi s’est peu à peu perdue dans son récit, alors que l’histoire démarrait très bien, la suite use de beaucoup de facilités. L’entraînement de Tenma sur l’île Kanon est expédié, Yatô et Yuzuriha, si sympathiques, sont carrément oubliés, Tenma rencontre au moins 4 ou 5 fois Alone/Hadès et à chaque fois le combat final est ”remis à plus tard”, les Golds du XVIIIe sont des clones (y compris physiquement !) des Golds de 1986… sans compter des événement trop similaires au manga de Kuru : le Sagittaire est choisi pour être Pope, opposé au Gémeau qui a un frère jumeau caché et qui finit par sombrer du côté du Mal… Mouais. Au passage, Teshirogi adore les Golds, on le sent tout au long du manga (sans parler de ”Chronicles”) : certaines scènes donneraient presque l’impression d’être issues d’un fanbook écrit par une jeune fan qui met sur papier tous ses fantasmes !
Concernant les Golds, la plupart font le job, mais peu m’ont vraiment marquée (à cause du clonage justement), mais je retiendrai Albafica et Manigoldo (très bonnes réécritures d’Aphrodite et Deathmask) ainsi que Deuteros (autre bonne réécriture de Kanon, qui réussit à devenir plus attachant que ce dernier). Les autres, sans être inintéressants, me paraissent vraiment trop proches de leur modèle (Sisyphe = Aiolos, Dégel = Camus…) voire très mal réécrits (Aspros, avec son insupportable caractère d’héritier né le cul dans le beurre, arrogant et condescendant – et dire que Sasha préfère compatir pour lui que pour Deuteros…). Je n’ai pas non plus apprécié le nouveau caractère de Shion, trop éloigné de celui qu’il avait chez Kurumada.
Restent Tenma, très bon héros de shônen tel qu’on l’attend et qui reste jusqu’à la fin au centre de l’intrigue (bravo Shiori !), Alone, personnification d’Hadès rappelant Shun mais avec sa propre personnalité, le Grand-Pope et son frère jumeau Hakurei qui ont une vraie prestance, Dohko toujours au top et quelques personnages secondaires sympathiques, ainsi qu’une Sasha à la fois touchante et combattive, même si l’on pouvait quand même espérer plus au vu de son éducation au Sanctuaire.
Dans l’ensemble, Lost Canvas est une lecture agréable pour les fans de Saint Seiya, un spin-off sympathique et divertissant avec de bons moments, mais qui hélas finit par partir en vrille. Je suis partagée concernant l’adaptation animée stoppée à la saison 2 : à la fois je me dis qu’au vu de la direction que prend le manga au tome 12, il valait mieux adapter les meilleurs tomes, et en même temps une adaptation améliorant pas mal de choses aurait permis de mettre en avant les bons tomes de la seconde partie.
PS : j’ai éprouvé beaucoup plus de plaisir à lire les tomes de ”Chronicles” finalement, sans doute parce qu’ils sont détachés du récit principal et permettent de développer des points qui n’avaient été qu’esquissés par Teshirogi.