Ça fait plusieurs semaines que j’ai lâché tout ce que je suivais pour (re)plonger dans cette série de la mort qui tue : Soukyuu no Fafner – Dead Agressor.
Alors c’est clairement pas la série de la décennie 2000, en tous cas, pas la première (j’ai pas encore maté Exodus)
Il y a pas mal de défauts :
– un chara-design moche (à mon goût)
– des persos pas attachants
– un gloubi goulba mystico-technologique
– un petit côté resucée d’Evangelion
– ils essaient de mettre le spectateur en dépression pendant au moins 10 épisodes mais ils n’y arrivent pas (ils laissent tomber après, et c’est beaucoup mieux)
… Et malgré tout, j’ai adoré. 😆
En gros, pour le concept, des créatures louches et dorées attaquent Alvis, une île exotique japonaise assez paradisiaque du style Okinawa. Il se trouve que cette île est un peu spéciale. Nos héros, des jeunes qui vivaient dans la paix, se retrouvent tout à coup aux commandes de robots géants nommés Fafner pour essayer de défendre leur bout de terre. Ils vont galérer.
Honnêtement, l’animation est très marquée “année 2000”, mais c’est très bien réalisé. Le montage fait souvent mouche sur les scènes d’action. Les épisodes maintiennent une bonne tension entre attaques/révélations/tranche de vie. Le fond mythologie nordique (Fafner, système Siegfried, puits d’Urd etc) est plutôt sympa. Au final j’ai enchaîné les 25 épisodes avec toujours autant d’intérêt et j’ai super hâte de voir maintenant la 2e série de 2015.
La comparaison évidente du début avec Evangelion est pas mal démontée par la suite. D’abord, Soukyuu no Fafner est plus politique qu’Evangelion, puisqu’Alvis se heurte aux intérêts et aux manigances de la Néo-ONU. Il y a aussi un plus gros aspect “mecha”, car au-delà des Fafner, toute l’île se révèle être une véritable forteresse.
L’anime ne met pas l’accent sur les exploits guerriers, au contraire : il développe l’art de la routine, le quotidien de la paix. C’est l’un des deux concepts qui m’a le plus plu dans la série. Comment préserver la culture de la paix dans un monde en guerre perpétuelle ? Comment parvenir à aller à l’école en tant qu’enfant “normal”, à se concentrer sur ses exercices de maths, quand tout peut basculer du jour au lendemain ? Comment réussir à effacer sa casquette de pilote, de mécanicien ou de technicien de transmission, pour retourner à un métier “basique” d’artisan, d’enseignant ou d’artiste ? Et quels rêves peut-on encore avoir, si cette idée est seulement permise ?
Les adultes d’Alvis essaient à tout prix d’inculquer à leurs enfants la “culture de la paix” qu’ils n’ont pas connue. Ils se documentent dans des livres pour voir comment on organisait des fêtes, puis ils essaient de le reproduire dès qu’ils en ont l’occasion avec les moyens du bord. J’ai trouvé ça plutôt touchant. C’est comme si nous lisions dans un bouquin qu’avant, il existait une fête nommée “Noël”, et que nous essayions de refaire pareil. En temps de guerre, tenter de cultiver ses traditions et une forme d’insouciance, ce n’est pas facile. Toutes les activités hors cadre militaire paraissent futiles, alors qu’elles sont en vérité essentielles.
Les décors renforcent beaucoup ces réflexions autour de la paix. Les eaux turquoise de l’île, le ciel bleu, la petite ville classique “littoral japonais” avec ses escaliers, son temple en haut de la montagne font très carte postale. Cela contraste d’autant plus quand le monde extérieur et ses tourments reviennent rattraper nos héros. On a l’impression de voir le dernier paradis sur terre, un paradis ultra fragile à préserver absolument de la destruction.
D’autre part, l’autre point fort de Soukyuu no Fafner, c’est sa thématique du néant. D’un côté, les ennemis de l’humanité veulent retourner au noyau originel où absolument tout est assimilé. Dans leur conception des choses, il n’existe pas d’individualité, pas de vie ni de mort. Le “tout” est “un”, le “un” est “tout”, puisque rien n’est incarné. Ça peut paraître obscur résumé comme ça, mais c’est poussé, intéressant et très bien développé.
Les Festum n’entendent rien à l’humanité ni à ses sentiments. Cependant, ils sont capables d’apprendre, et leur façon de renvoyer ce qu’ils apprennent peut s’avérer assez surprenante, dans le bien comme dans le mal.
De même, quand on voit certains penchants humains (le détachement, la désinvolture, le déni voire le rejet de soi, l’envie de néant ou de destruction), on peut se demander si au fond, nous n’avons pas tous un côté Festum. Est-ce que nous nous acceptons dans notre ensemble, avec tous les aspects de notre corps physique/notre personnalité ? Avons-nous vraiment envie d’exister en tant qu’entité unique et singulière ? Vivons-nous pleinement tout ce que nous avons à vivre ? Et acceptons-nous vraiment l’idée de la mort, puisque naître au monde signifie forcément en disparaître ?
Il ne suffit pas d’avoir un corps physique pour être “là”, tout entier. Les Festum demandent sans cesse aux humains “Anata wa soko ni imasu ka” (“Es-tu là ?”). C’est une question pertinente que l’on peut tous se poser un jour, vis-à-vis de l’autre ou de soi-même.