COUP DE GUEULE : ce forum est toujours aussi naze depuis 5 ans, les images font dégueuler le texte hors de l'écran. Je pige mieux pourquoi j'avais déserté, tiens. Bref dites merci à AL, mais vous n'aurez pas d'images, ça me gave trop.
Allez, je viens enfin de trouver le temps de relire ces 3 foutus tomes. Je m'excuse d'avoir commencé le duel de manière aussi éhontée, mais il est vrai que depuis jeudi soir je n'ai pas une seconde à moi, et que le père Bub comme prévu m'a bien paniqué.
Ceci dit, par respect pour vous et pour Edison, je me dois de combattre sérieusement sur le ring.
Tetsuroh KASAHARA est un auteur dont on ne sait à ce jour pas grand chose (je ne choisis pas la facilité à la Miyazaki, moi :-p). Né en 1967, il fait ses études à l'université des arts de Tokyo. Passionné de mécanique, il est également l'auteur de Ride Back, qui eut pour sa part droit à son adaptation en anime par le studio Madhouse. Il est enfin le papa d'un one shot intitulé “Vice no Sora”.
Edison Fantasy Science
Que dire sur ce titre ? Commençons par le commencement : le synopsis. la “magie” des tirages au sort de Vongola me font faire face à Nausicaä, un titre avec lequel on pourrait facielment comparer EFS, par certains cotés.
Mais pas tous.
Graphiquement EFS n'est pas une grosse tuerie, même s'il dégage un certain charme. On sent l'auteur assez débutant. Le tome 3 est toutefois de loin le mieux maitrisé, et quelques planches restent bien ne mémoire une fois le bouquin refermé.
EFS est une ode au steam punk et à la révolution industrielle, le tout dans une époque type moyen âge. Un téléscopage des époques étrange mais néanmoins pas désagréable. L'histoire, en 3 tomes, démarre à Nostragia, un village qui a la particularité d'être totalement isolé du monde, plus encore qu'une simple Vallée du Vent (ou malgré tout les contacts avec l'extérieur existent). Ici, nous sommes encaissés au fond d'un cratère au fond duquel se trouve un lac profond et aux murs infranchissables, du haut desquels coule une cascade. Bref un lieu que Gurren Lagann ne renierait pas. La vie est rude et chacun doit mettre la main à la pâte que ce soit à la mécanique du moulin à eau, à l'agriculture ou encore aux diverses tâches nécessaire au bon fonctionnement de la communauté. Le “Monde Extérieur” est inconnu, et ne doit surtout pas l'être : interdiction formelle par le Conseil des Anciens de tenter de sortir du cratère, car les démons rôdent en haut.
Nous suivons le parcours d'une jeune demoiselle, Milo, la meilleure mécanicienne de son village, capable de tout réparer et de créer pas mal de trucs. Ceci dit une partie de son talent est dû au Balkan, un outil qu'elle tient de son père à la technologie inconnue, capable de tout visser, couper, souder, clouer, scier, sertir, riveter, etc. Son fiancé, Albert, a quitté contre toute attente le village un an auparavant, et n'a plus donné de nouvelles depuis.
Un jour Milo trouve au fond d'un lac une boule, juste avant qu'un “monstre” attaque le village. Le monstre s'avèrera être une machine (de guerre), et la boule un allié inattendu puisqu'elle se mettra à parler et à projeter régulièrement des plans de machine à Milo, qui la sortiront de moult mauvais pas. Ce jour sera celui du départ également pour Milo et Edison Stein (la boule), les Anciens jugeant finalement qu'un emissaire doit être envoyé pour informer le village sur le monde. Elle profitera de cette occasion pour réaliser son souhait : partir à la recherche de son fiancé disparu.
Je ne m'étalerai pas plus pour ne pas tout dévoiler, mais vous aurez compris que le monde exterieur regorgera de merveilles et de dangers : une faction construisant une armée contre un ennemi que nul n'a jamais rencontré (les prophéties parlent “d'une armée divine descendant du ciel”), une repaire de femmes pirates esclavagistes (dirigé par “Les Deux Renardes”), des boules de contrôle inertes ressemblant étrangement à Edison, un duo intello/gros bras volant des pierres précieuses à travers le monde, un village industriel militaire, une religion au symbole intrigant… Le tout développé en seulement trois tomes (fournis) : aucun risque dans ces conditions d'être victime de temps morts, de longueurs ou autres problèmes de rythme. Le tout s'enchaîne sans accroc, nous faisant admirer une galerie de personnages colorés et de situations rigolotes, tout en nous faisant avancer vers une fin, mon dieu une fin ! J'y reviendrai. La narration est donc maitrisée, mais arrive à nous surprendre 2 fois sur le dernier tome, via une ellipse inattendue et un flashback aux effets de bourre pif bien sentis. Qui est Albert ? Où est-il ? Que fait-il ? D'où sort Edison ? Le Balkan ? Quel est ce mystérieux symbole qui apparait sur le Balkan, sur Edison, sur les églises d'Isaac, ainsi que sur un autre endroit des plus incongrus mais dont je tairai le nom ? Hookin vole-t-il des joyaux uniquement pour l'argent ?
Je me rends compte en me relisant que listés comme ça, les éléments composant l'univers ne sont pas forcément transcendants en eux mêmes, mais l'exercice est délicat pour maintenir l'équilibre entre “donner envie” et “ne pas spoiler”. Exposons donc la richesse de l'oeuvre, et le pourquoi elle mérite qu'on lui consacre quelques heures.
Première chose : la surprise. Le village cloisonné et l'aspect naïf de l'héroine ont beau être des ficelles classiques, elles restent néanmoins efficace pour faire découvrir au lecteur un monde qui ne l'est pas tant que ça. EFS aime à uiliser des éléments balisés depuis longtemps, pour mieux les essorer et nous en montrer d'autres facettes.
– Nous ne sommes pas ici dans un steam punk à la Steamboy ou à la Sakura Wars ou tout est propre, maîtrisé, gigantesque et plein de “pschiiit pschiiiit !”. Ici on est plus dans le bricolage, dans de la machine plus ou moins évoluée, mais que l'on sent encore fragile. Un peu comme dans Nausicaa finalement sauf que là où dans cette dernière la technologie paraît sale et vieille car usée et recyclée, ici c'est l'inverse puisqu'on est plus à l'époque de la découverte, des inventions et des tatonnement : bref l'âge pionnier.
– Age pionnier certes, qui n'empeche pas une bonne dose de SF bien sentie, je n'en dirai pas plus.
– L'héroine anonyme devient l'enjeu de tout un peuple ? Certes, mais n'importe qui d'autre aurait pu prendre sa place, pas de prédestinée ici : pas d'élue, pas de princesse, pas d'héritière : juste une fille qui a des couilles, comme disent les Inconnus.
Vous l'aurez compris en lisant le titre, l'auteur Tetsuroh KASAHARA vous un profond respect à la science et aux inventeurs de toute sorte, et EFS retransmet parfaitement cette passion à travers le nom d'une pléthore de personnages : Edison bien sûr, mais aussi Albert, Isaac, Watt, Dar Vinci, Dar Win, Archimède, Galilei, Curie, voilà qui donne le ton ! Cette ébullition donnera quelques morceaux de bravoure mécanique, ou nombre d'idées de mécanismes innovants et relativement déatillés viendront agrémenter l'aventure (la sortie du village, la réparation des égouts, les cachots volants…). Le coté ludico-folklorique des machines rappelle un peu l'aspect didacticiel du manga Noritaka qui présentait beaucoup de coups et d'arts martiaux au lecteur, de manière interessante et graphique.
Coté science fiction plus traditionnelle, le dernier tiers du dernier volume (en gros le finish, quoi) vous fera l'effet d'une bonne gifle en pleine couenne. Un peu comme celle que l'on ressent sur la dernière minute de Gunbuster, pour ceux qui connaissent. Si vous aimez ce genre de sensations, lisez EFS les yeux fermés. Personnellement je n'ai rien vu venir, et pourtant tout se tient. Pour adorer les histoires dites “temporelles”, sachez qu'on a là du bon, du très bon.
Et puisque l'on parle des influences, là aussi on trouve des choses relativement variées.
Commençons par l'évidence, à savoir l'indéboulonnable Zandra et ses cousines très liées Nadia et Laputa, de par la force de son héroine et sa détention d'un item “magique” (Balkan, la boule Edison), ainsi que son lien entre technologie et humanité. Toutefois contrairement à Nadia ou Laputa, Milo maitrise et communique avec ses objets, qui se révèlent utiles quand elle le souhaite, et non à des moments clés et inprévisibles.
Mais que seraient toutes ces bonnes oeuvres sans notre ami Jules Verne ? Comme Nadia, EFS emprunte carrément le nom Nautilus à l'écrivain Nantais, et toutes ses machines n'auraient pas juré dans 20000 Lieues Sous Les Mers ou même De la Terre A La Lune.
Enfin des petites choses viennent à l'esprit, au fil de la lecture, comme Waterworld (pour le passage des “Deux Renardes”) ou Cannon Fodder pour le village militaire. Ou encore Gunsmith Cats, dans le relationnel que voue parfois Milo avec son outil, le Balkan. Relation fusionnelle, parfois même quasi orgasmique, qui rappelle étrangement celle entre Rally Vincent et son pistolet CZ75, qui va jusqu'à à la rassurer en pleine prise d'otage de manière assez… déroutante. 🙂
Milo a également une fraicheur, une naiveté que n'ont pas forcément ses grandes soeurs, plus graves et solennelles. Comment ne pas sourire quand elle croit voir un 2e Edison dans une bouée, ou encore au plus profond des égouts glauques, trouve avec un sourire ravi des rats “apétissants” ? Pour elle les premières machines de guerre sont des animaux (un peu à la manière du Son Goku du 1e tome de Dragon Ball), et sa découverte du monde n'en sera que plus croustillante, loin des propos anxiogènes d'un Nausicaa ou d'un Nadia pour qui la guerre est bien plus une hantise que pour Milo, fixée sur son Albert chéri (il est mignon).
Autre aspect apprécié chez Milo malgré un truc qui cloche : elle a beau être fringuée telle une pute à la mode shonen, elle reste paradoxalement relativement asexuée. Finalement assez peu mise en valeur physiquement, elle reste ce qu'elle est : une humaine, pas un objet sexuel. Toutes proportions gardées, en plus de Nausicaä, elle me rappelle une des héroines les plus respectées en tant que femme dans l'art vidéo-ludique : le monument Mass effect. Shepard (femelle) est avant tout une militaire, une fille intelligente, pragmatique même si séduisante. Dans les deux oeuvres les auteurs ne passent pas leur temps à rappeler lourdement le statut féminin des héroines : elles sont elles, et c'est tout. Exit les maquillages, les talons haut, les séances de drague et tout sexisme plus ou moins ordinaire. Bref Milo est une chouette fille pour qui on n'exprime pas de gêne au moindre regard (coucou Yoko de TTGL : tu ne sens jamais les courants d'air ou quoi ?).
Il y a aussi un petit coté Fio Piccolo qui se dégage cette mécano, capable de nuits blanches carburant au café juste pour dessiner des plans…
Doit-on pour autant se fier au ton léger de l'aventure pour juger Edison comme un titre fast food aussitôt consommé aussitôt oublié ? Après une histoire et une fin pareille, il est difficile de parler d'oeuvre sans fond. J'irai même jusqu'à me risquer à trouver dans le tome 3 un aspect sociologique juste énorme, via tous les enjeux qu'elle met sur la table. Et la sociologie, moi, je trouve ça fascinant (c'est d'ailleurs le sujet principal de l'oeuvre que je ne defendrai jamais au second tour ^^°). Sans vouloir dévoiler l'intrigue, sachez simplement que la fin de l'histoire nous montre deux choses :
– Elle nous montre en premier lieu un coté tellement humain. Le fait que, quoiqu'il se passe, même dans le meilleur des mondes, l'Homme en reviendra toujours à ses vieux instincts nauséabonds : pouvoir, religion, conflit, rebellion envers ceux à qui il doit tout… Comment dépasser tout ça ? Voir à ce sujet Matrix bien sûr, mais aussi “Le Papillon des Etoiles” de Bernard Werber, ou l'histoire d'une utopie fermée et brisée.
– Autre aspect, bien plus prometteur : le feu d'artifice final arrive à remettre en question tout l'univers présenté depuis le début, et que la redistribution des cartes est totale. Tout est lié, tout est cohérent et pourtant tout vole en éclat pour métamorphoser la situation finale. C'en devient même extrêmement frustrant, puisqu'à mes yeux ces 3 tomes ne sont finalement qu'une introduction à quelque chose de bien plus grand, de bien plus passionnant. KASAHARA a tout simplement posé les bases d'une fresque SF sociale potentiellement énorme, dont nous t'entrapercevront finalement qu'une miette. On est très loin du “ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants” (noter à ce sujet que la relation Milo / Albert est assez originale, au final).
Si une saison 2 venait à paraitre, je suis convaincu qu'elle rejoindrait le panthéon de la SF tant ce qui est présenté comme un happy end sympathique est en réalité une poudrière monstrueuse !
Allez, petit rappel pour ceux qui l'ont lu :
L'arrivée en masse de tous les vaisseaux terriens de colonisation va multiplier par 100 la population de la planète. Comment imaginer dans ces conditions que tout se passera sur des roulettes ? 35000 ans séparent les deux populations (enfin, 1400 concrètement) : les deux camps revendiqueront-ils (légitimement) la suprématie de la planète ? Le commerce et les échanges apaiseront-ils au contraire les tensions ? Les 2 “tribus”, temporellement si éloignées, resteront-elles compatibles biologiquement ?
Autant de questions qui me titillent encore le bonbon…
Je vous remercie de m'avoir lu jusqu'au bout, et vous invite à désormais voter pour me faire gagner le trophée que je vise –> celui du seul duel à proportions 100% – 0% de votes ! 😎
Ceci dit j'ai écrit tout ça car je n'ai jamais écrit sur ce titre, et je considère qu'il vaut le coup d'être connu. Si je peux attiser la curiosité d'au moins un pékin dans le coin, alors je n'aurai pas perdu ma journée.
Bonne soirée à tous ! 🙂
DUEL 6
