Chronique – Suzume

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Il est loin le temps ou Makoto Shinkai bricolait de l’animation tout seul dans son coin sur son Mac G3. Propulsé au rang des superstars internationales depuis le sacre de Your Name., au même titre qu’Hayao Miyazaki, Masaaki Yuasa ou Mamoru Hosoda, Shinkai génére à présent une forte attente avec chacun de ses nouveaux films. Suzume est-il à la hauteur de la hype ?

Pa Ming Chiu

Suzume est une lycéenne de 17 ans qui vit sur l’île de Kyushu. Alors qu’elle se rend à l’école en vélo un matin, elle croise la route d’un homme mystérieux qui lui demande si elle connait des ruines dans le coin, et plus précisément des ruines où il y aurait une “Porte”. Plus étrange encore : Suzume a l’étrange impression d’avoir déjà rencontré cet homme…

Stupeurs…
Si les qualités de réalisateur de Shinkai sont incontestables (spatialisation, découpage, cadrages, rythme, montage, etc.), on le sait plus fragile en tant que scénariste. Très bon dans la romance contrariée (5 Centimètres par Seconde, The Garden of Words), il a tendance à perdre de vue ses personnages et leurs enjeux lorsqu’il fait du fantastique (La Tour au-delà des Nuages, The Voices of a Distant Star, Voyage vers Agartha).Your Name. faisait figure d’exception et le réalisateur parvenait enfin à concilier ses deux principales marottes de manière équilibrée… avant de retomber légèrement dans ses travers avec Les Enfants du Temps en 2019.

Suzume est au final mieux écrit que ce dernier, mais reste bancal sur certains aspects. Ainsi, la romance peine ici à convaincre et à émouvoir, tant elle est linéaire et sans aspérités. Et si les personnages secondaires que rencontre Suzume au fil de son périple sont bien campés, ils n’en sont pas moins anecdotiques. Au lieu de devenir les vecteurs d’une quête initiatique, ils ne servent en réalité qu’à illustrer une phrase d’un discours rhétorique final, de surcroit assez léger.

…et tremblements
L’écriture se rattrape néanmoins du côté des enjeux généraux et personnels qui sont prenants et clairement définis. Le thème du deuil, en particulier, est traité avec beaucoup de sensibilité. Le second degré de lecture (le traumatisme des tremblements de terre, et l’ombre de Fukushima) fonctionne également parfaitement via le prisme – typiquement japonais – de l’animisme (ce n’est pas une invention du film, les séismes étant liés à des forces cosmiques/divines dans le folklore nippon). Depuis le solaire Your Name., Shinkai semble par ailleurs avoir délaissé les sombres crises existentielles et nous offre à nouveau un feel good movie qui fait mouche. Qu’on adhère ou pas à l’histoire globale, on ressort de Suzume avec le sourire et le cœur plus léger.

Enfin, il faudrait être plus que difficile pour ne pas se laisser éblouir par le spectacle visuel que nous offre le film. Shinkai nous régale comme toujours de plans larges avec de sublimes ciels, de détails foisonnants dans les décors et de colorimétrie chaleureuses. Et si l’utilisation des personnages est perfectible, on est touchés par leur animation, par la finesse de l’expressivité des visages, par la justesse des langages corporels.

A défaut d’être le chef-d’œuvre de Shinkai (5 Centimètres par Seconde et Your Name. restent à ce jour sur le trône de sa filmo’), Suzume est indéniablement un bon crû. Ce nouveau film cristallise les obsessions du réalisateur et confirme sa nouvelle orientation mais dévoile aussi une ambition thématique plus large. En tout cas, nul doute qu’on sera toujours dans l’attente de ses prochains métrages.

Article de Pa Ming Chiu

Remerciements à Anne-Charlotte Pivot, Eurozoom et Crunchyroll.

  • RéalisationMakoto Shinkai
  • Chara-DesignTanaka Masayoshi
  • StudioCoMix Wave
  • MusiqueRadwimps, Jinnouchi Kazuma
  • Genrefantasy, aventure, romance,
  • Date de sortie12/04/2023
  • DiffusionCinéma
  • Duréemm
  • LangueVOSTFR, VF
  • Sous-titresFR
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A propos de l'auteur

Bruno

Défendre les couleurs d'AnimeLand était un rêve. Il ne me reste plus qu'à rencontrer Hiroaki Samura et je pourrai partir tranquille.