Interview : Vincent PATAR

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Après avoir signé l’étonnant Panique au village, Vincent Patar retrouve son ami Stéphane Aubier à la mise en scène d’un long métrage plus classique, en animation traditionnelle 2D : Ernest et Célestine, d’après un scénario de l’écrivain Daniel Pennac. La sortie est prévue le 12 décembre 2012 au cinéma, mais il a déjà été montré à Cannes dans Quinzaine des réalisateurs, et il sera aussi diffusé en avant-première vendredi 5 juin à 20h30, à Annecy (cinéma Decavision).

Quelles sont vos références en matière de science-fiction ?
Au niveau de la littérature, c’est basique de chez basique. J’aime bien picorer dans tout dans toutes les matières, mais quand j’étais gamin, c’était Conan Doyle et Jules Verne. Un peu plus tard, c’était Lovecraft, bien sûr. Côté cinéma, quand on est arrivé à Bruxelles, on allait souvent découvrir des films classiques comme Les 5000 doigts du docteur T, La planète interdite et tous ces films du genre. Sans compter, bien évidemment, les films des frères Fleischer comme Le voyage fantastique. Dans les trucs plus récents, Blade Runner et les films de Ridley Scott. Ceci dit, je découvre. Je suis curieux de nature, je n’ai pas un goût précis.

Est-ce qu’il y a un univers qui vous fascine en particulier ?
Quand j’étais gamin, j’étais fasciné par les fonds marins. Ça s’est retrouvé un peu dans Panique au village. Il y des images comme ça qui me restent. Je me souviens aussi d’expositions sur les extraterrestres. La reproduction plastique de l’époque est proche du dessin animé. Je suis plutôt attiré par des atmosphères, une esthétique. J’aime bien quand les films “cheep” tentaient de représenter le futur.

Est-ce que vous auriez envie d’adapter une œuvre ?
D’emblée, comme ça, ça ne nous est jamais venu à l’idée. On a une palette de personnages et on crée. Mais dans toutes nos œuvres, on s’inspire des choses qui nous nourrissent. On cherche des ambiances à la Jules Verne avec des gravures de Gustave Dore. Quelque part, on est influencé. Actuellement, on œuvre sur Ernest et Célestine avec Benjamin Renner : on l’a épaulé pour la mise en scène. C’est Daniel Pennac qui a écrit le scénario et, pour nous, c’était la première fois qu’on travaillait avec un scénariste et, qui plus est, très littéraire. Il fallait réadapter l’écriture de Daniel en storyboard et refaire un découpage. C’est, pour le coup, réellement un travail d’adaptation. A part les dialogues qui sont magnifiques, il fallait qu’on restructure un peu les choses de manière dessinée.

L’adaptation d’Ernest et Célestine est-elle toujours dans l’univers enfantin ?
Il a trois parties dans le film. Le monde des souris, en bas, et le monde des ours, en haut. Ils sont un peu présentés au début avec la rencontre d’Ernest et Célestine. Après plusieurs histoires, ils se sauvent et se retrouvent dans le petit monde d’Ernest où là, la partie centrale est plus proche du livre.

Panique au village avait demandé 14 mois de travail. Y a-t-il encore une place pour un cinéma qui demande du temps ?
Je pense qu’y a de la place pour tous les cinémas. Nous, on n’est pas une usine qui doit livrer un film tous les mois ! En ce moment, on est tranquille : on est dans une période de préparation d’un nouveau projet. On se considère plus comme des artisans vivant au jour le jour. Un rythme de grand studio ne nous conviendrait absolument pas. Il nous faut quatre ans pour faire ce film. De toute façon, en animation, même s’il y a du solide en production derrière (comme Ernest et Célestine), c’est toujours très long. Quand on est arrivé sur ce projet, on a pris le train en route. Ils avaient commencé en 2009 et le film est seulement terminé en juin (2011, NDR).

Justement, est-ce que vous vous considérez comme des artisans ?
Par exemple sur Panique au village, on a voulu faire un maximum de choses devant la caméra et éviter le plus possible la post-production. Il a forcément des effets pour la tempête de neige, mais le tsunami est fait à partir d’une couverture de latex bleu qu’on a animé image par image, avec des structures de bois. On n’était pas loin des systèmes D de Meliès ! On travaille toujours de la même façon, que ce soit un film de commande ou un projet venant de nous. On a fait toute une série de spots publicitaires pour une marque de lait en Angleterre. Il y avait du budget et beaucoup de travail de postprod car ils aiment une image lisse. Malgré le fait qu’ils nous aient pris pour notre côté rock’n’roll, on a du méchamment le raboter. Mais l’esprit et l’énergie de l’animation n’est pas abîmé. Dans le cas d’Ernest et Célestine, Benjamin a choisi de travailler avec une équipe qui aime l’animation traditionnelle. Ils dessinaient tous sur une palette graphique, mais l’essence est restée la même !

Y a-t-il une différence avec d’autres réalisateur quand vous travaillez pour un film ?
L’équipe est plus importante. Stéphane et moi devons tout diriger, mais les gens que nous choisissons possèdent les mêmes affinités. C’est un peu de pression, mais on détend un maximum l’atmosphère. La liberté, c’est la technique qui nous la donne, pas le format. Dans le cas d’un dessin animé on doit tout penser à l’avance. On doit respecter un timing pour que tout coule.

Avez-vous l’impression de faire partie d’une troupe représentant le cinéma belge actuel ?
En fait, on est des amis car on faisait nos études ensemble. Par exemple, Rémi Belvaux est venu un an avec nous à La Cambre (école d’arts visuels, NDR). Benoît Poelvoorde, on l’a connu aussi à cette époque. Avec Bouli Lanners, ils continuent tous les deux à venir faire des voix. On se sent assez proche dans une certaine manière de travailler. Il y a un côté résistance face à aux méthodes des grosses productions. Nous, on aime bien faire avec les moyens du bord, tout en le faisant sérieusement, bien sûr. Mais ce n’est pas calculé, ça vient naturellement, on est comme ça !

Que pensez-vous des films de Tintin et des Schtroumpfs ?
Les Schtroumpfs, je l’ai vu avec mes enfants car j’ai reçu une invitation pour la première. Sinon, je pense que je n’aurais pas été le voir. Je ne pense rien ! On est à mille lieues de l’univers de Peyo et envoyer les schtroumpfs à New-York, il faudra m’expliquer ! Plastiquement, les petits schtroumpfs, ça ne le fait pas. Le personnage le plus réussi, finalement, c’est Gargamel. Le comédien est bon, proche du personnage crétin d’origine et les enfants ont adoré. Mais mon fils de huit ans connait bien l’univers de Peyo et, pourtant, il était fan du film. Je n’étais pas déçu, je ne m’attendais à rien. Tintin, j’irai le voir. Les images fixes étaient assez vilaines, mais j’ai été bluffé par la bande-annonce. Il s’en dégage quelque chose, j’avais le sentiment de retrouver l’ambiance de Tintin. Toutefois, artistiquement parlant, je ne trouve pas cette démarche intéressante. J’adore Peter Jackson, mais je ne comprends pas. Ce n’est pas très rock’n’roll.

Des nouvelles aventures d’Indien, Côboy et Cheval ?
Oui, il y a des petites choses, c’est dans les tiroirs. On a passé neuf ans à jouer avec eux, on a envie d’y revenir. Mais avant, on souhaite passer des vacances avec un projet de dessin animé. On travaille sur le long métrage de Pic Pic et André, mais nous n’en sommes qu’au tout début. On veut revenir au dessin. On a aussi un projet de série en papier découpé. Ce sont quelques petites casseroles qui mijotent. On est un peu en mode laboratoire.

Y a-t-il une technique d’animation que vous aimeriez essayer ?
On verra, c’est en fonction de ce qu’on veut raconter. Dans le cas de Panique au village, les figurines nous ont donné envie de faire la stopmotion. Norman MCLaren était un vrai curieux, il a tout essayé. Il était comme un musicien qui faisait des morceaux comme une expérience. Nous, on suit notre envie.

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A propos de l'auteur

Steve-Naumann