La BD digitale

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Un quart des habitants de la Corée possédant une connexion haut débit (soit plus de 10 millions d’habitants), de nouveaux réflexes de création et de diffusion sont nés naturellement. Le marché de la bande dessinée sur Internet est en pleine croissance : on l’estime actuellement à 17 millions de wons (15 millions d’euros). Sur le même principe que les salles de prêt (manwhabang), des sites de manwhabang permettent ainsi d’acheter des pages par monnaie électronique pour les lire sur son écran d’ordinateur. Ces habitudes de consommation entraînent une nouvelle recherche au niveau de la création elle-même.

En effet, les universités proposent de plus en plus de formations aux arts graphiques : à l’heure actuelle, on compte environ 70 départements consacrés à l’animation et à la bande dessinée. Les jeunes talents se servent de supports divers pour arriver à leurs fins. Le dessin sur ordinateur est devenu quelque chose de naturel pour eux, ils mélangent allègrement la 2D, la 3D, le papier et l’Internet, pour construire une « nouvelle grammaire de la BD ». Ainsi, une jeunes auteur comme IWAN explorent les nouvelles formes narratives d’une BD adapté à Internet (voir Jumping sur son site www.iwanroom.com, dans la rubrique Old works), selon le découpage des cases et l’affichage des planches propres à un écran. KWON Yoon joo (www.snowcat.f) de son côté utilise les ressources spécifiques au net : mise à jour quotidienne, grande surface de dessin. La plupart des dessinateurs et des collectifs se sont également dotés de leur propre site Internet, nous permettant de découvrir de véritables créations multimedia (www.comic.co.kr). Pour une génération née dans les nouvelles technologies, Internet est un nouveau support de création autant que de diffusion.

Bien que le concept nous ait été présenté lors du festival d’Angoulême comme artistiquement révolutionnaire, la bande dessinée sur téléphone portable (et par extension sur Palm Pilot) découle d’un acte plus commercial. Avec un marché coréen de 27 millions de portable, il aurait été dommage de ne pas exploiter ce système de diffusion. Le téléchargement de BD sur portable procède du même système que sur Internet : après inscription à une communauté (réservée aux majeurs, ce qui se comprend au regard de quelques strips vraiment coquins), il suffit de passer un coup de fil au provider pour effectuer le téléchargement d’un dessin de son choix, qui prend environ 30 secondes. Que télécharge-t-on ? Une succession de dessins : les cases d’un strip (de 4 à 16), parfois accompagnées de sons. Le portable est-il un nouveau support qui permet davantage de liberté au dessinateur ? En fait, la diffusion sur portable implique pour l’instant davantage de contraintes que de libertés : il faut s’adapter à la taille de l’écran, ce qui présuppose des dessins relativement simples. Contrairement à la BD sur Internet, il n’y a pas de création spécifique pour le portable : certains dessins sont auparavant publiés sur papier, puis numérisés pour être diffusés sur mobile, et inversement. « One source, multi support », commente fièrement MOH Hae-Gyu, du Studio Monandol. Chaque série est généralement actualisée toutes les semaines ; leur suivi dépend néanmoins de leur succès. Commercialisé depuis environ 1 an, le concept s’est développé de manière assez fulgurante : la communauté d’inscrits compte aujourd’hui 1 million de membres.

Cependant, l’obstacle principal à la grande diffusion reste le coût du joujou. Le téléphone doit comporter un écran d’au moins 65 couleurs (n’espérez rien avec votre petit Nokia !), les modèles présentés à l’exposition ( dernier cri, datant de moins d’un an) coûtaient entre 300 et 400 euros pièce. Chaque téléchargement coûte ensuite de 1 à 6 euros (suivant le nombre de cases, la qualité des dessins, les couleurs et les sons…), pour environ 30 secondes de lecture. Il faut également penser à la taille des fichiers, et à la capacité de stockage. Même avec un portable de cette qualité, on ne peut conserver que 4 fichiers en même temps ; il faut ensuite les effacer pour pouvoir télécharger des nouveautés.

* Si la commande d’un strip quotidien sur portable semble relever davantage du gadget que d’une véritable avancée dans le monde de la bande dessinée, l’exploration du support Internet offre de multiples possibilités de création. Pour l’instant en France, le web reste un moyen de prépublication avantageux, qui permet aux auteurs de se faire connaître aux quatre coins du monde à moindres frais. Néanmoins, seuls les allumés de Coconino World tentent une réelle fusion entre le fond et la forme.
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