Miyazaki / Moebius : union de cœur

Exposition parisienne de la Monnaie de Paris

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La scénographie d’une exposition, n’en doutons pas, compte autant que les oeuvres exposées elles-mêmes : il s’agit d’assurer au regard un réel confort et une lisibilité totale des oeuvres exposées. Ainsi, dans la pièce principale du musée trône une arcade circulaire avec, d’un côté, une entrée MOEBIUS, et, de l’autre, une entrée MIYAZAKI. Il faut arriver au milieu de la construction, là où s’ouvre un espace charnière, pour que les dessins des deux artistes se regardent enfin.

Dans un couloir latéral de la salle principale s’ouvre une galerie proposant un découpage similaire : des panneaux en formes de C proposent sur leur face extérieure des oeuvres de MIYAZAKI, et sur leur face intérieure, des travaux de MOEBIUS… Seule une grande pièce voit les dessins de l’un et de l’autre coexister, les uns à côtés des autres, dans une harmonie se révélant, à l’étude, des plus trompeuses.

Opposition formelle…

Que se cache-t-il derrière la volonté des organisateurs de l’exposition ? Pourquoi rapprocher deux artistes dont les références culturelles sont si différentes et dont le trait n’a finalement que très peu en commun ?

Penchons-nous un instant sur quelques illustrations exposées. Que voyons-nous ? D’un côté, le cinéaste japonais se singularise par un trait et des compositions aussi simples qu’efficaces. Chez lui, pas d’effet de manche, pas de volonté de surprendre, ni même de séduire. Son graphisme exprime simplement, mais avec sensibilité, des émotions vraies. Qu’il s’agisse d’un château dans le ciel, d’une petite fille pleurant ou d’une autre volant dans les cieux, on sent transpirer une douce émotion, un peu mélancolique, un peu romantique aussi.

Chez le créateur de Blueberry, l’enjeu graphique est tout autre. MOEBIUS travaille chaque illustration comme s’il s’agissait d’un challenge graphique : lignes de fuites, décors délirants, costumes somptueux empruntant aussi bien à Venise qu’à la Cour de France, créatures mutantes surprenantes… Une soif pour un imaginaire débridé et exubérant se fait sentir, du plus anodin de ses dessins aux plus élaborés.

On remarque aussi chez MIYAZAKI des oeuvres d’inspiration plutôt végétale (prédominance de la forêt), alors que MOEBIUS construit plutôt sur du minéral (motifs récurrents des constructions humaines).

… Mais réunion d’âme

Pourtant, à voir ainsi ces dessins, on ne se pose aucune question sur la légitimité de cette rencontre. Pourquoi ? Simplement parce qu’au-delà d’une opposition formelle, les deux hommes se rejoignent néanmoins par moments, d’une manière des plus troublantes : composition des vêtements, composition des décors, découpage et mise en scène… Dans ces moments fugaces, mais bien réels, on sent poindre quelque chose de troublant.

Car enfin, les deux hommes ne sont pas de la même culture, ils n’ont pas grandi avec les mêmes références visuelles. Et pourtant, ils ont tout deux appris leur art et l’ont poussé au-delà des limites imposées par leurs prédécesseurs : le simple fait que ces deux artistes se retrouvent, tient de l’heureuse surprise.

Mais les choses ne s’arrêtent pas là. Car dans chaque travail réalisé par les deux hommes, se dégage une même volonté : celle de restituer une émotion véhiculée par l’imaginaire. Aussi dissemblables ou semblables que soient leurs dessins, aussi opposées ou proches soient leurs façons de (re)construire la réalité, MIYAZAKI et MOEBIUS expriment la même passion pour l’imaginaire et touchent le coeur de l’enfant sommeillant en chacun de nous. On retrouve, dans leurs illustrations, quelque chose des rêves de l’enfance.

Coup de pinceau

De cette plongée dans l’imaginaire de ces deux artistes on retiendra finalement une donnée annexe mais dont le poids ne peut s’ignorer : voir, dans un lieu aussi marqué culturellement, en plein coeur de Paris, une exposition consacrée à des artistes considérés il y a encore peu comme réservés à un public d’initiés, donne la mesure de l’ampleur prise par la BD et l’animation, culture populaire s’il en est. C’est la preuve de la reconnaissance massive générée par le travail de ces deux grands noms. MIYAZAKI et MOEBIUS ne sont pas de la même origine et ne parlent pas la même langue, ils ne s’adressent pas non plus au même public. Pourtant, de la France au Japon, l’imaginaire semble se draper des mêmes atours.

Remerciements à Linda pour son précieux concours

Miyazaki-Moebius, deux artistes dont les dessins prennent vie, du 1er décembre au 13 mars 2005 à la Monnaie de Parie, 11 quai Conti, 75006 Paris.

Site officiel : http://miyazaki-moebius.com/

À lire : le coup d’envoi de l’exposition.

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