Sav ! The World

L’interview

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Avant d’être le papa d’une charmante adolescente nommée Molly, Savin Yeatman-Eiffel a travaillé pendant trois ans en tant que directeur d’écriture à Gaumont Multimédia. Diplômé de la Fémis, passionné par le dessin animé, il a fondé le studio Sav ! The world en 1998 pour avoir plus de liberté artistique et pour développer des projets personnels.

? Pour quelles raisons en es-tu venu à faire une coproduction franco-japonaise ?

! Parce que j’adore la cuisine japonaise (rires). Plus sérieusement, j’ai été très marqué par les dessins animés que j’ai pu voir dans ma jeunesse. Je suis dans la génération Goldorak et je me suis pris comme beaucoup d’autre une grande claque en découvrant Candy, Albator ou Conan, fils du futur. Peut être que certains on du mal a se l’imaginer maintenant mais c’était une vraie révolution. Avant on avait que Nounours et Hana & Barbera. Là tout à coup on ne nous prenait plus « juste pour des enfants ». On avait le droit à de grandes sagas bourrées d’émotion. C’est de genre d’émotions, simples et fortes, que j’ai voulu retrouver en créant Oban et que je ne retrouvais plus dans les programmes pour enfants à la télé.

Comme le projet était nourrit par mes souvenirs des animes japonais, il m’a semblé naturel d’aller au Japon pour le réaliser. Nous ne voulions pas faire une simple copie de DA japonais, ce qui n’aurait pas tellement de sens vu la qualité et le nombre de productions déjà produites chaque années là-bas, mais essayer de trouver notre voie à nous quelque part entre France et Japon, de continuer à mélanger les cultures et les influences à l’origine de la série jusqu’au bout.

? Dans le cadre de cette coproduction, les Français ont gardé la main mise sur la création des personnages et le scénario. En quoi la série se distingue-t-elle d’une autre coproduction ? Est-ce qu’on ne peut pas considéré que finalement les Japonais n’ont fait que la sous-traitance et l’animation comme dans bien d’autres projets ?

! C’est vrai que tous les postes clé sont tenus par des Français : scénario, réalisation, créa perso et mécha. Mais à tous les niveaux, ou presque, nous avons travaillé en étroite collaboration avec des artistes japonais des très grand talent. C’est aussi pour ça que toute l’équipe de Sav ! The World est parti s’installée à Tokyo pendant près de trois ans, pour pouvoir bénéficier du formidable savoir faire et de l’expérience unique des équipes japonaises. Et je dois dire que de ce coté la nous n’avons eu beaucoup de chance que notre projet attire beaucoup de très très bons collaborateurs : Mr Kanako Sasa (en fait le pseudo d’un animateur très renommé à Tokyo qui a participé à Akira, Ghost in the Shell et j’en passe) à notamment travaillé avec Thomas Romain sur le character design, et Mr. Isao Sugimoto (qui a débuté comme animateur clé sur Dragon Ball et s’est spécialisé depuis en design de véhicules) à participé avec Stanislas Brunet sur les méchas designs.

Le monteur qui travaillait avec moi, Mr Takeshi Seyama, était un vieux maître qui avait monté Conan le Fils du Futur avec Hayao Miyazaki. Tout en restant très respectueux de son travail je dois dire que je lui ai souvent mené la vie dure et pousser à affiner un peu plus le montage. Pour la petite histoire, je n’ai découvert qu’à la fin de la série que Mr Seyama n’avait pas monté seulement Conan, mais aussi tous les longs métrages de Miyazaki, y compris Howl qu’il a monté en parallèle de nos séances de montages sur Oban (!).

L’autre gros intérêt d’être sur place, c’était de pouvoir briefer chaque animateur personnellement sur leur travail bref, de contrôler précisément chaque étape de la fabrication jusqu’au moindre détails. En France où toute la production est sous-traitée à déroule à des milliers de kilomètres sans aucun réel contact entre les animateurs et les créateurs, c’est totalement impossible.

Bien sur il a fallu un certain temps pour que de part et d’autre la confiance s’instaure. C’était un gros saut dans l’inconnu pour tout le monde. Aucun de nos coproducteurs, soit Hal Film Maker et Bandai Visual, n’avait jamais participé ni co-financé un projet étranger. En fait je crois qu’il n’y a jamais eu de collaboration artistique aussi poussée entre Japon et étranger avant Oban. Finalement les barrières ont fini par tomber et un vrai respect mutuel s’est mis en place. Au bout de quelques mois je crois que plus personnes ne se posait la question de savoir si le projet était français ou japonais, toute l’équipe bossait sur Oban tout simplement.

? Est-ce qu’il y a des éléments d’ordre culturel qui ont occasionné des problèmes d’interprétation sur l’histoire et les personnages ?

! La relation entre Molly et son père n’était pas très bien comprise au départ par l’équipe japonaise. À mon sens, Don Wei est un père assez froid qui cache ses sentiments derrière une façade austère. En fait, pour les Japonais, il est un père assez normal ! (rires)… Ils avaient également du mal à comprendre les réactions de Molly. Le coté garçon manqué, rebelle s’opposant à son père, est très atypique pour les Japonais.

? La 3D a été effectuée en France par le studio Pumpkin 3D. Pour quelle raison n’avez-vous pas confié ce travail à un studio japonais ?

! Il s’agit tout d’abord d’une relation de confiance. Pumpkin 3D est lié au studio Bibo Film, un des rares studios qui continue à perpétuer une tradition d’animation intégralement faite en France. Nous les connaissions bien et nous savions que nous avions le même état d’esprit. Cela me paraissait bien sur cette série de garder un mélange culturel sur cet aspect de la production. Sans compter que les Japonais, même s’ils rattrapent vite leur retard, ont encore relativement peu de bons staffs 3D en animation de série. Les bons animateurs préfèrent souvent travailler pour les jeux vidéos.

? Avez-vous dû faire des concessions pour plaire à vos partenaires financiers ?

! J’ai dû pas mal me battre, au moins jusqu’à la signature des contrats. Faire une série à suite, produite au japon, avec une vraie place laisser à l’émotion, ce n’est pas le genre de discours que les investisseurs veulent entendre (sourire). Beaucoup de financiers voulaient absolument faire de Molly un garçon par exemple. Le faire m’aurait simplement simplifier la vie et permis de démarrer la production beaucoup plus tôt, mais je pense que c’est un élément caractéristique de la série et je sentais aussi que derrière cette demande ils y en avaient beaucoup d’autre qui allait suivre. Je n’ai pas monté mon studio et galérer pendant toutes ces années pour faire une série de base comme les autres !

? Pourquoi avoir réalisé Oban avec un petit studio japonais et non pas une entreprise beaucoup plus importante comme par exemple Madhouse ou Gonzo ?

! Il faut déjà trouver un studio qui soit prêt à prendre le risque de co-financer un projet occidental et ça ne court pas les rues. Mais c’est vrai que nous avons négocié avec au moins un gros studio Japonais. Au final, nous avons décidé d’opter pour un partenaire de taille plus humaine pour pouvoir dialoguer d’égal à égal avec nos partenaires. En travaillant avec HAL Film Maker, nous avons eu la possibilité d’avoir un véritable échange et toute l’équipe était vraiment motivée pour faire aboutir le projet.

? Pouvez-nous nous parler de la bande originale ? Comment avez-vous réussi à convaincre Yôko Kanno ?

! Disons que je suis très admiratif de son travail. Elle a réalisé les bandes originales des meilleures séries japonaises comme Macross + ou Cowboy Bebop. J’ai beaucoup harcelé son producteur pour avoir ne serait ce qu’une entre vue, mais elle était réellement débordée et ça se présentait assez mal. Nous avons choisi au final pour les BGM Taku Iwasaki ce qui a été un excellent choix. Son travail a vraiment été formidable. Mais pour les génériques je suis reparti à la charge. Un jour, de guerre lasse, le producteur de Yoko m’a fait écouter quatre maquettes d’une soi disante compositrice débutante. J’ai été très enthousiasmé et il s’est vite avéré que Yôko Kanno les avait en fait composés spécialement pour Oban. On a passé plusieurs jours en studio avec elle pour les enregistrement des deux génériques et ces moments là on vraiment été magiques.

? Comment s’est crée Sav ! The World et quels sont vos partenaires financiers ?

! Comme personne ne voulait du projet, je suis devenu moi-même producteur en créant ma structure dans mon appartement : Sav ! The World Productions. J’aurais préféré me consacrer uniquement à la réalisation et à la l’écriture, mais c’est un peu par la force des choses que je me suis à porter autant de casquettes, et ce n’est pas toujours facile. Ensuite j’ai réussi à convaincre France 3, Jetix Europe, ainsi que HAL Film Maker et Bandai Visual.

? Dans une logique de studio d’animation, il est assez fréquent de travailler sur plusieurs projets à divers stade de développement. Or Sav ! The world ne semble pas vouloir repartir sur une nouvelle série. Allez-vous produire des anime d’autres réalisateurs ou quels sont vos nouveaux projets ?

! Je n’ai pas trop envie que Sav ! The World devienne une usine a gaz. Trop de projets menés de front, cela nuit à leur qualité… Si on me propose des projets qui me plaisent pourquoi pas faire bénéficier de toute l’expérience du studio Sav! The World. Pour l’instant je me concentre surtout sur le développement de mes nouveaux projets persos et prendre un repos bien mérité. Sinon Sav ! The world fait en ce moment une commande, une publicité pour Nestlé qui sera diffusée en Asie.

? Aurais-tu des conseils ou des avertissements pour autres studios qui voudraient se lancer dans une coproduction franco-japonaise ?

! Je leur souhaite bien du courage ! Il faut d’abord avoir un projet qui puisse vraiment taper dans l’oeil des studios japonais, ensuite avoir une équipe super qualifiée et rodée qui puisse rivaliser avec le niveau des Japonais pour pouvoir leur parlé d’égal à égal, et très important : savoir faire preuve d’un zen à tout épreuve et pouvoir développer des trésors de diplomatie asiatique. Dernier point, il faut être prêt à bosser au rythme japonais c’est à dire plusieurs années à 14 a 16 heures par jours 6 jours sur 7 quand ce n’est pas tous les jours.

En fait je ne vois pas vraiment d’autres équipes qui puissent faire ce grand saut en ce moment, mais cela finira peut être par arriver… En tout cas, aller au Japon n’a pas vraiment de sens. C’est le projet lui-même qui doit dicter les choix de production.

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