Tarô, l’enfant dragon

Les derniers feux de Tôei Animation

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Contrairement aux autres films de Tôei Animation présentés en décembre 2003 au Festival des Nouvelles Images du Japon (1), les droits de Tarô, l’enfant dragon n’ont pas été acquis par un distributeur français. Le doute demeure donc quant à sa (re)découverte prochaine en salles ou sur le marché vidéo. Un « oubli » regrettable, tant le film surprend par l’originalité de ses partis pris, narratifs et graphiques : Tarô est en effet le bouquet final des films de Tôei Animation, en hommage à l’âge d’or révolu du prestigieux studio.

Tôei Animation, subissant notamment la révolution de l’animation limitée (qui permet une production massive pour des coûts mineurs), s’apprête à stopper la réalisation de longs métrages de cinéma, quand ressurgit un projet né dans les années 60. A l’époque, le sujet intéressait TAKAHATA Isao, qui n’avait pas encore réalisé Horus, prince du soleil (1968). Vingt ans après, c’est URAYAMA Kirirô, réalisateur de films en prises de vue réelles, qui est chargé de sa mise en scène.

Les postes-clé sont occupés par KOTABE Yôichi, directeur de l’animation, et TSUCHIDA Isamu, directeur artistique. KOTABE – ancien animateur de Tôei Animation et collaborateur de TAKAHATA, MIYAZAKI Hayao et ÔTSUKA Yasuo -, retrouve le studio, avec son épouse, l’animatrice OKUYAMA Reiko. OKUYAMA est ici notamment directrice de l’animation des deux personnages féminins principaux. Porté par l’ambition en premier lieu de KOTABE, le film s’ancre dans un contexte japonais abordé avec une exigence réaliste, qui le démarque du ton habituellement adopté pour ce type de production.

Identité japonaise

Adaptation d’un conte (2) inspiré d’une légende, le film joue sur le merveilleux tout en s’inscrivant dans une réalité précise. OKUYAMA, lors des Nouvelles Images du Japon, a expliqué que le film fut conçu avec « l’idée d’asseoir une identité japonaise. Le récit se situe durant l’Ere Muromachi (3), chevauchant la fin du XIVe siècle et le début du XVe. Le peuple vivait dans une grande misère ; il existait des interdits, comme celui de manger seul certains aliments. La mère de Tarô transgresse cette règle, et à cause de cela est transformée en dragon. ».
Maudite, elle s’enfuit ; des années plus tard, son fils part à sa recherche. En quittant son village de montagne, Tarô découvre les vallées et leur trésor : le riz. « Si le riz fut introduit au Japon via la Corée durant la période Yayoi (4), le développement de sa culture dans les montagnes se fit tardivement », précisa OKUYAMA. Ce contexte japonais n’est donc pas un élément décoratif, mais le point d’ancrage du récit.

Fantastique, le film exploite des éléments du folklore traditionnel nippon (lire notre article sur le bestiaire fantastique), dont un bestiaire peuplé de dragons, tengûs (monstre ailé au long nez), démons, sorcières ou femmes des neiges. Tarô croise aussi un cheval ailé, figure récurrente de l’imaginaire nippon, qui apparaissait déjà dans un autre film de Tôei Animation, Le prince garnement terrasse la grande Hydre (1963). Une occurrence parmi d’autres en écho avec le passé du studio.

L’équipe a aussi opté pour une esthétique japonaise, réussite majeure du film avec son animation. Outre le design original de certains personnages (dont Tarô), les décors s’inspirent de différents registres graphiques japonais, comme le nihonga(5). KOTABE et le directeur artistique TSUCHIDA, en charge des arrière-plans, avaient été formés à ce style qui marie techniques occidentales et traditions picturales japonaises. D’où des paysages quasi monochromes en lavis (la montagne est un dégradé de gris, la vallée un dégradé de jaunes), sublimes décors à l’encre qui fascinent tout au long du film.

L’avenir en France de ce superbe film-testament est donc à suivre de près.

Lire AnimeLand #98, pour plus de détails sur l’Age d’or de la Tôei.

Lire notre dossier sur les Nouvelles Images du Japon.

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