Aahhh le téléchargement, beau sujet de polémique, un dialogue de sourd qui fait toujours plaisir à voir.
Pour ma part, j’ai un avis bien précis sur la question. Il ne conviendra sûrement pas à tout le monde mais je l’expose tout de même.
Bien, déjà sur un point qui me turlupipine (= ça me gêne dans mon langage) on ne parle du téléchargement que pour ses (soi-disant) conséquences néfastes sur le cinéma ou la musique. Ceux qui se rendent au cinéma récemment, ont sans doute vu, le message “Pirater nuit à la santé du cinéma”. Et quand j’ai vu ça, j’étais à la fois blasé et motivé pour télécharger des films. Pourquoi? Il me semble que 2004, pour le cinéma européen a été une excellente année. La meilleure depuis des lustres. Le cinéma français a réalisé quelques cartons et il y a toujours des films aux 130 millions de $ de recettes, voire plus. Il faut ajouter à cela que les ventes de DVD sont bonnes
Alors désolé quand je vois ce message, je le prends de deux façons :
1- foutage de geule
2- message de prévention pour justement préserver la bonne santé du cinéma. A ce moment là je n’en vois pas l’intérêt : il n’y a qu’à regarder les chiffres du box-office pour se convaincre que le 7ème art n’est pas malade. Et je rappelle que l’on paye en moyenne 7 à 8 euros une place de cinéma.
Donc voilà, pour ce petit coup de geule. Maintenant, passons aux choses sérieuses. J’entend toujours ” oui ça tue les artistes” “ouais ça me menace des emplois” etc etc. Quoi que l’on en pense, le téléchargement est une révolution technologique au potentiel extraordinaire. Et son succès va de paire avec la boulimie culturelle que l’on nous impose. Explications.
7 à 8 euros un film. 20 euros en moyenne pour un DVD. 18 euros pour un CD. On parle argent alors, on va parler argent. De l’autre côté? Une offre culturelle étouffante, des dizaines de groupes, de films (et de livres) incontournables ! Vous ne voyez peut-être pas les choses sous cet angle-là, mais comment les gens se “cultivent”, du moins se tiennent branchés? Télérama, Les Inrockuptibles, Rock & Folk, et même Animeland et le défunt Virus Manga, Muze (petit nouveau magasine féminin) etc etc.
On s’arrête deux secondes : le téléchargement est le Graal du consommateur culturel lambda ou confirmé pour répondre à ” l’exigence” tacite mais bien réelle qui place sur un pied d’estal la culture, et tout ce qui l’entoure. C’est ça l’un des trucs les plus important !
Le téléchargement est un moyen d’être au courant, de se doter d’un bagage culturel, il répond à la fois à une soif, un plaisir de culture MAIS, il est aussi la meilleure illustration de l’effet d’argument d’autorité et aussi de la gêne que l’on peut éprouver à ne pas avoir vu tel ou tel film, pas écouté tel ou tel groupe. Donnez à des gens l’occasion d’avoir une connexion haut débit et vous verrez. On devient rapidement sans pitié devant l’industrie et ses discours parfois scandaleux (cf Pascal Nègre quand il dit clairement que ça lui coûte moins cher et que ça lui rapporte plus d’être en partenariat avec la star ac’ plutôt que de produire cinq ou six groupes). Le téléchargement est une révolution culturelle. C’est évident. Une bibliothèque aux penchants illégales mais tellement vaste qu’il est difficile d’y résister.
Sur le chapitre musical, c’est plus compliqué. Je me base sur mon âge et ma “génération” pour dire ça. my life ON : j’ai beau être un fan de musique électronique, j’ai eu droit (comme tant d’autres) à ce que l’industrie a récupéré du formidable engouement acid-rave de1987 à 1993. Tout naturellement, on se tourne vers les champs où résonnent les sound-system, on écoute radio FG (quand c’était bien), la skyrave, Nova, les Alternatives etc etc; my life OFF
Ce que je veux dire par là, c’est que beaucoup de jeunes de la classe moyenne ou aisée, voient dans le téléchargement, non seulement ce que j’ai dit plus haut, mais symbolisent aussi, le boulversement qu’a provoqué la “DJ Culture”, c’est à dire un élargissement, une accumulation de musiques toutes aussi différentes les unes que les autres. Et croyez moi, cette philosophie du sample (apparue avec le hip-hop et les musiques électroniques) a aujourd’hui une importance implicite réelle et bien emprégnée chez beaucoup de musiciens (cf Benjamin Biolay qui disait s’inspirer du hip-hop). Le sampling, l’ouverture aux différents styles a façonné presque toute la musique des années 90. Ca n’a rien de nouveau : le rock s’inspire du blues. Mais cela a pris une tournure bien plus importante ! C’est ainsi pour pas mal de cas. Car outre la passion ou le réel intérêt pour la musique et le cinéma, il y a une construction sociale des goûts. Pour s’intégrer à un groupe, briller en société etc etc. Les raisons sont multiples et nombreuses. Bonnes ou mauvaises, ce n’est pas mon souci.
Autre point qui me fait rire : dans une économie libérale (laisser faire, laisser passer, supériorité du marché et de son auto-régulation sur l’Etat-Providence) où la loi est le marché, qui fonctionne selon l’auto-régulation de la demande et de l’offre, les industries qui fonctionnent sur ce schéma se plaigent du revers de la médaille du système? En voilà de beaux enfoir*s. Universal, EMI, Wanadoo, Free, ont beau se lancer des pierres, ils fonctionnent sous la même logique économique. car le téléchargement est l’archétype d’une forme exacerbée du libéralisme. on prend ce que l’on veut (offre gratuite ou payante) et il y a des millions de consommateurs potentiels (demande). C’est un sous-système “économique” à lui tout seul. Les fournisseurs d’accès se remplissent les poches. L’offre et la demande s’équilibrent avec le téléchargement. Mais symboliquement. Ce qui compte c’est l’économie…
Je lisais une brève interview de Tom Rowlands (un des chemical breothers ^^) il y a deux ou trois mois. Il disait que les gens étaient prêts à payer pour venir en concert , peut-être plus pour acheter de la musique. Et au fond ce n’est pas entièrement faux. Eux sont téléchargés mais ça n’a pas empêché leur dernier album de faire un carton (leur meilleure vente il me semble) et de voir les stades et les salles de concert bondées pour leurs lives. Idem pour d’autres artistes. Isabelle Boulay est à l’olympia, salle comble. Elle est sans doute téléchargée… Metallica et Slipknot ont rempli le parc des princes l’été dernier. Snoop Dog (rires) a fait trois soirs complets à Bercy….
Enfin pour pallier aux conséquences néfastes du téléchargement, je partage tout à fait les propositions de Son ! Le point de vue ” ça tue les auteurs” , “ça menace des emplois” est réel. Mais cela reste un point de vue moral. Où est l’approche progressiste qui arriverait à concilier téléchargement et profit pour tous? On l’entend peu, la voit peu. Les protagonistes se plaignent mais ne proposent rien. Pourquoi ne pas faire payer les fournisseurs d’accès? Je n’en sais rien, faut réfléchir à tout ça.
Mais comme d’habitude, le conformisme au ras des paquerettes va l’emporter. un pote disait du téléchargement : “c’est une révolution. et comme toute révolution, il y en a qui payent de leurs personnes au début”
En repensant à d’autres révolutions, en une phrase on a un relativisme historique plutôt cocasse, qui me fait penser que notre réflexion du présent, dans la mécanique du progrès et de l’histoire, est déjà un vestige conformiste du passé…