Les aventures des super héros ne sont pas des publications sous forme de feuilleton, elles ont vocation à être renouvelées à chaque épisode, c'est le genre qui veut ça, et ça remonte à Popeye, Mandrake, Tarzan, Buck Rogers, etc. Les super pouvoirs sont juste le prétexte de l'action dans ce type de récit. Un pouvoir particulier permettant de résoudre le problème du moment (les épinards), un point faible qui met le héros en péril (olive), un méchant récurrent toujours prompt à pourrir la vie du héros et un univers immuable dans la grande tradition des cartoons américains.
C'est un style, qui à mes yeux doit bien moins à la SF qu'à la tradition cartoonist américaine (sauf dans les cartoons, c'est comique, mais les personnages aussi sont immortels, font des trucs qui défient la physique, devraient mourir à chaque gag, etc.).
Les super héros visent simplement un public ado. Lui reprocher son manque de maturité, c'est hors sujet.
Que les histoires ne finissent jamais, c'est faux. Les histoires sont simplement limitées à un numéro ou rarement plus.
C'est le principe même du héros récurrent. James Bond c'est pas autre chose. Projeté dans un univers futuriste ça donne Cobra, autre héros immuable aux aventures qui ne finissent jamais et pourtant sans cesse renouvelées depuis 1978.
Après que l'on regrette que les héros n'évoluent pas, c'est un autre débat. Mais quand on développe un certain type de récit (sur le mode du “cartoon” pour bien illustrer l'idée : les Simpson, Gaston Lagaffe, Popeye, Superman, James Bond, Indiana Jones, Colombo, Hercule Poirot, Picsou, Donald, Cobra, Lucky Luke, etc.), il n'y a rien d'étonnant à ce que le héros reste éternel, c'est même ce qui le définit précisément. Et en aucun cas c'est un signe d'immaturité ou de pauvreté du récit. D'ailleurs, les plus anciens héros de BD toujours en service sont Pim, Pam et Poum depuis plus de 110 ans !!!!
Sinon cela devient du feuilleton, et cela met en scène des personnages qui évoluent en même temps que le lecteur (Son Goku et tous les héros de shonen en général, Harry Potter, Luke Skywalker, Wakfu, la BD franco belge dite “adulte” – ah ah !). Et les contraintes scénaristiques deviennent tout autres.
Pour le “cartoon”, il s'agit pour l'auteur d'être suffisamment créatif pour être capable de renouveler les aventures de ses personnages dans un univers figé. C'est pourquoi certains héros passent de mains en mains, et poursuivent leurs aventures encore aujourd'hui. Si l'auteur a été capable de créer un univers suffisamment ouvert dès le départ, le potentiel scénaristique est alors infini (Cobra).
Pour le “feuilleton”, l'auteur se doit de respecter l'évolution temporelle de son univers. Au fur et à mesure que son récit se développe, il verrouille petit à petit toutes les possibilités de pouvoir renouveler son récit. Cela donne donc forcément un caractère réaliste à ce type de récit puisque le déroulement doit paraitre crédible en fonction de l'univers mis en place par l'auteur. Ainsi, pour Dragon Ball, Toriyama n'a eu d'autre choix que de développer son univers de la Terre vers l'univers puis les voyages dans le temps et l'autre monde pour poursuivre son histoire, jusqu'à jeter l'éponge. Idem pour Kenshin, quand l'auteur a fait le tour du passé du héros, ce fut terminé. Un récit de type feuilleton est comme un entonnoir qui mène vers une seule issue possible. A charge pour l'auteur de poser les bases d'un univers suffisamment ouvert pour aller loin (One Piece, où chaque île est potentiellement un départ à zéro en soi), sinon la fin apparaitra bien souvent précipitée et bâclée par un auteur qui ne sait plus comment s'en sortir (20th century boys, Ranma 1/2, Dragon Ball, etc.), ce qui est encore pire quand l'auteur est sousla pression de l'éditeur de prolonger artificiellement son récit).
Donc les super héros appartiennent à ce genre que j'appelle “cartoon”. C'est un choix éditorial, qu'on peut ne pas apprécier, mais en ce cas, il faudrait aussi le reprocher à Dr Slump, Cobra, Doraemon, Golgo 13, Mes voisins les Yamada, Détective Conan, etc.
Edit : en fait, pour les écrivains en herbe, il y a un choix à faire avant de commencer à écrire.
J'ai un projet d'histoire de pirate de l'espace, mais comment je vais le raconter ?
1/ vais-je créer un univers figé intemporel qui me permettra toutes les fantaisies et le renouvellement aisé de mes , voire de les croiser avec d'autres personnages que j'ai créé dans le même univers ?
ou 2/ vais-je créer un univers évolutif, en sachant pertinemment que j'aurais alors de grosses difficultés à développer mon histoire et ses incohérences qui se présenteront au fur et à mesure que j'avancerai ? et que je devrais expliquer longuement les motivations et les choix de mes héros ?
C'est ce choix au départ qui va déterminer le genre du récit.
1/ sera favorisé pour les séries comiques, policières, aventures, contes, super héros.
2/ sera utilisé pour les récits intimistes, dramatiques, romans d'apprentissages.
On peut essayer de franchir les normes, de dépasser ces contraintes, mais là il faut un réel talent et sens aigu de la narration rare.
C'est très intéressant tout ça, mais tu réponds quand même pas mal à côté…
« SF ou cartoon ? »
Les deux, mon général : à partir du moment où un élément techno-scientifique inédit permet de réaliser des choses impossibles à envisager dans la réalité telle qu'on la connait, c'est de la SF – elle peut-être moisie ou au contraire aboutie, ou bien encore quelque part entre ces deux extrêmes, ça reste toujours de la SF…
« Feuilleton ou histoires en épisodes ? »
Où est la différence ?
Je soulignais que les super-héros n'évoluent pas, ou très peu, dans l'univers où ils existent et que ça fout en l'air leur crédibilité, c'est tout… Et ça n'empêche pas ce syndrome d'atteindre James Bond ou n'importe lequel des exemples que tu évoques – encore que je me demande un peu où se trouve le rapport entre 007 et les cartoons – ou bien ceux évoqués par d'autres dans la BD franco-belge…
Mais en même temps, tu es le premier à dire que les comics de super-héros sont des prod pour ados, donc tu vas bien dans mon sens…
Ceci étant dit, l'exemple de Cobra est moins pertinent : comme pour Valérian et Laureline, ses aventures ont lieu dans un futur lointain dont on ignore l'échelle temporelle, ce qui permet une certaine liberté narrative – ténue, certes, mais une liberté quand même.
« Comment écrire une histoire de pirate de l'espace ? »
Sujet casse-gueule par excellence, tenté tant de fois depuis trois-quarts de siècle qu'il en a perdu tout son potentiel d'innovation depuis belle lurette : dans tous les cas, on retombe dans les truismes du space opera à deux balles – non que le space op' ne permette pas d'écrire de bonnes histoires, mais les vastes possibilités qu'ils donnent dépassent souvent celles de l'auteur : nuance…