KAAMELOTT ou la valorisation des faibles
"Des Dux Bellorum, y en a des dizaines, c'est pas difficile d'en être un…Mais une légende, un Héros, ça c'est autre chose. Le vrai Héros, c'est celui dont l'ambition est de restaurer la dignité des plus faibles."
Voilà en substance ce que César dit à Arturus, voilà l'esprit de Kaamelott, restaurer la dignité des plus faibles."Apporter la Lumière c'est pour que tout le monde y voit, si c'est seulement pour ma pomme j'vois pas l'intérêt!" disait Arthur à Lancelot lors du troisième Livre. Kaamelott met au devant de la scène ceux qui échouent, avec plus ou moins de volonté,pas pour s'en moquer mais parce que c'est ensemble que l'on peut faire quelque chose. De Kadoc ("Elle est où la poulette?") à Arthur lui-même, lors du Livre V:
"Pour le Graal, j'ai bâti une forteresse moi: Kaamelott ça s'appelle. J'ai été chercher des Chevaliers dans tout le Royaume. En Calédonie, en Carmélide, à Gaunes, à Vannes, au Pays de Galles…J'ai fait construire une Grande Table, pour que les Chevaliers s'assoient, ensemble. Je l'ai voulue ronde, pour qu'aucun d'entre eux ne se retrouve assis dans un angle, ou en bout de table. C'était compliqué, alors j'ai essayé d'expliquer ce qu'était le Graal, pour que tout le monde comprenne. C'était difficile, alors j'ai essayé de rigoler pour que personne ne s'ennuie. J'ai raté, mais je veux pas qu'on dise que j'ai rien foutu. Parce que c'est pas vrai."
On pourra certainement déceler, en cherchant bien, d'autres thèmes propres à Kaamelott tout au long de la série, du plus léger (les jeux de Perceval, les non-sens et les décalages textuels, les entrainements "Unagi") au plus sérieux (la filiation, le destin, la fragilité et le caractère éphémère des choses importantes ou futiles qui rendent la vie supportable…) en passant par la récurrence numéro un de la série, la Bouffe et les discussions à la vacuité certaine qui l'accompagnent inéxorablement ("C'est pas faux!"). Jamais une série n'aura autant donné l'envie de manger copieusement!
Mais ce qui caractérise intrinséquement Kaamelott, dans son essence même, c'est bien sa valorisation des faibles, de ceux que l'on traite de cons, de pécores, ceux que l'on ne voit qu'en arrière-plan, au mieux, dans les grands films Hollywoodiens, ceux ou celles qui n'intéresseront jamais Angelina Jolie ou Brad Pitt, trop occupés à sauver le monde pour leur Président, leur Drapeau et la grandeur de leur Pays. En bref celles et ceux qui rendent le monde plus vivable non par leur symbole (très importante la symbolique chez les Américains mais c'est un autre débat.) mais par leurs actes quotidiens tellement banals qu'ils en deviennent insignifiants.
Les films à spectacle ont oublié à qui ils s'adressaient, ils sont passés de modèle de personnage idéal (droit, faillible, enclin au Juste, homme ou femme du peuple) à modèle de personnage "présentable" (Belle gueule, Brun, bien habillé, bien coiffé, aisé financièrement, patriote, gachette facile, justicier). De manière générale, l'erreur ne lui est pas permise, pas l'erreur de jugement,mais l'erreur de diction, l'erreur de goût, la peau de banane, le lapsus (encore que…), le bafouillage. Et puis l'échec, donc la faiblesse.
Si Kaamelott met en avant ce genre de personnages qui vont jusqu'à reconnaître leur "bêtise" ("Mais Sire, faut pas prendre c'qu'on dit au sérieux! Vous savez bien qu'on est des cons!" Perceval. Livre V), c'est parce qu'Astier a très bien compris ce qu'était un Héros, un vrai. Il apporte la Lumière aux faibles et restaure leur dignité, il n'agit pas pour une instance supérieure ou même une divinité, sinon il s'appellerait Méléagant et considérerait, comme Lancelot, toutes choses comme insignifiantes, allant donc jusqu'à tuer la première personne venue. Ainsi Alexandre Astier met au premier plan la Raison d'être de la quête d'Arthur, le Graal n'est qu'un instrument, un outil (un vase? Une pierre incandescente? Une corne d'abondance?), le peuple, le chaland, le pêgu, le pécore, c'est lui qui fait vivre sa quête du Graal. Puisqu'Arthur veut apporter la Lumière à tout le monde, Astier met en lumière les plus faibles, les plus faillibles, non pour la galéjade mais pour l'universalité de cet état. Le plus petit dénominateur commun inhérent à l'humanité, c'est bien la faiblesse, ou des fois la connerie. Chacun s'est un jour au moins trouvé dans une situation inconvenante, ou est passé pour un con. Et de se rappeler qu'on a "toujours besoin d'un plus petit que soi", non pour s'en moquer, mais parce que, comme disait Guenièvre, "méfiez-vous des cons, ils vont toujours plus loin qu'on ne pense."
"With the first link, the chain is forged. The first speech censured, the first thought forbidden, the first freedom denied, chains us all irrevocably." -Jean-Luc Picard
Star Trek - The Next Generation / The Drumhead