Faut croire que je suis sur le mode “nostalgie” :
Je me suis offert une compil des 3 albums Spirou et Fantasio des années 1952 à 1954, à savoir :
La Corne de rhinocéros
Le dictateur et le champignon
La mauvaise tête
D’abord, La Corne de rhinocéros :
Etrange histoire car au début Fantasio, menacé de perte d’emploi pour la banalité de son dernier article, décide de monter une escroquerie pure et simple : un faux cambriolage/reportage à sensation dans un grand magasin en pleine nuit ! A la différence de Tintin, reporter qui n’a plus écrit un seul article depuis “Au pays des Soviets” et qui vit aux crochets de Haddock (en échange d’on ne sait quels services intimes, rigolons un peu !), Fantasio doit garder son job au “Moustique”. Spirou a le même emploi d’ailleurs, mais il semble rester en appoint groom d’hôtel, n’en quittant pas l’uniforme. Ce dernier renâcle devant la malhonnêteté mais se laisse convaincre de faire les photos. Or ils vont se trouver pris dans une affaire d’espionnage industriel et de plans, donc poursuivis par deux truands.
Le rythme est bon, même si l’on sent bien que Franquin n’avait pas plus que d’habitude un story-board d’ensemble (il avouait s’ennuyer profondément d’avoir à se diriger vers une fin prévue d’avance).
Certains aspects sont devenus assez impubliables de nos jours : la tribu africaine des Wakuku (et on ne prononçait pas “koukou” en 1952 !) trimballe d’énormes clichés racistes qui rendent par comparaison Tintin au Congo presque politiquement correct…
La jeune journaliste Seccotine apparaît, et à l’exception de ses longs cils elle ressemble à un garçonnet, sa queue de cheval n’y changeant rien. A cette époque de censure névrotique, tout personnage féminin était exclu dans ces BD réservées aux foules de garçons du baby-boom, ou alors ce devait être soit une grosse dondon mûre, soit une fine planche de garçon manqué (Yvan Delporte a commencé sa carrière comme “retoucheur de femmes” dans les BD !). Fantasio s’affiche en machiste insultant, furieux, presque haineux envers Seccotine et nous semble aujourd’hui un vrai malade, mais Franquin montre un Spirou sans impolitesse avec elle, et surtout la jeune fille parfaitement apte à clouer le bec du mufle, audacieuse, futée, plus adroite que les deux héros.
Les meilleures séquences restent mythiques : le jeu de cache-cache nocturne à plusieurs personnages inattendus dans le grand magasin ; les vadrouilles et fuites dans le labyrinthe de la médina de Bab-el-bled ; la faune africaine sauvage formidablement “croquée” par Franquin, ce dessinateur animalier d’exception ; enfin l’apparition et les performances de la superbe Turbotraction ! Elle aura plus tard une seconde version au goût des années 1970, et qui aujourd’hui paradoxalement nous paraît bien plus moche !
L’album s’appelait d’abord “Spirou et la Turbotraction”, mais Franquin en plein milieu de la publication est passé au titre “La Corne de rhinocéros”.